Vie et mort de François Villon, poète français le plus célèbre de la fin du Moyen Âge.
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« De moi, pauvre, je veux parler »
Choisi comme titre, cet octosyllabe semble annoncer une autobiographie. Mais le sous-titre précise que c’est une biographie dont il révèle le sujet : Vie et mort de François Villon. Cette ambiguïté convient assez bien à l’homme, car si son œuvre, Le Lais et Le Testament, peut se lire comme une autobiographie rétrospective, le biographe est nécessaire pour en décrypter l’écriture allusive et parodique.
La tâche n’est pas facile. Hormis ses mauvais coups, révélés par les archives (il a tué un prêtre, sans trop le vouloir ; il a commis un vol au collège de Navarre, et des méfaits à répétition pour ne pas mourir de faim), hormis ses condamnations et ses séjours en prison, on ne sait pas grand-chose de cet étrange personnage, et rien sur sa mort, n’en déplaise au sous-titre, puisque Villon condamné à être pendu vit sa peine commuée en bannissement, et disparut sans laisser de traces autre que les légendes qui fleurirent aussitôt. Il avait 32 ans.
Que peut faire le biographe ? Reconstituer le cadre où se déroulent ces épisodes : le Paris du milieu du XVe siècle, qui est aussi celui de Notre-Dame de Paris, dont le sous-titre est 1482. Mieux situer Villon, c’est aider à mieux comprendre son œuvre. L’auteur ne plaint pas sa peine : elle nous promène en bon guide dans le Paris de l’Église, de l’Université et des mauvais garçons, trois Paris auxquels appartient François qui glissa de l’un à l’autre avant de se perdre dans le troisième. À partir de là, je veux dire des rues et des enseignes d’échoppes, notre guide s’efforce d’élucider les legs satiriques des deux “testaments”, d’identifier les destinataires, de percer les allusions à leurs relations avec Villon. Dans la mesure du possible : l’œuvre de Villon est d’une extrême difficulté et fait l’objet de recherches sans fin par les plus savants des médiévistes.
On voit que le texte reste le document primordial. Pour le citer, l’auteur a choisi une version traduite (en français contemporain). Cela convient à son propos, car la langue de Villon nous est difficile, voire hermétique. L’inconvénient est que l’on perd aussitôt la poésie du texte, rythmes et même rimes. Grand dommage. Il eût fallu en regard de la traduction le texte original, comme l’édition de Rabelais dans la collection L’intégrale, qui donne le plaisir d’aller de l’un à l’autre.
C’est dire que si ce travail consciencieux évoque tout ce qu’on peut savoir de l’homme, il laisse dans l’ombre le poète et ses cris bouleversants sur la condition humaine, la beauté fragile, l’amour trompeur, la misère, la mort. Et ses remords, et son humble espoir d’être sauvé, et les prières désarmées qu’il adresse, par l’intermédiaire de sa vieille mère, à Notre-Dame.
Aussi, le livre fermé, il faut ouvrir l’œuvre de Villon, par exemple dans l’excellente édition du Livre de Poche, collection Lettres gothiques (1991).
Sophie Cassagnes-Brouquet, « De moi, pauvre, je veux parler » Vie et mort de François Villon, Albin Michel, 350 p., 20,90 euros.