Le Saint-Père répond aux préoccupations des frères de la Compagnie de Jésus.
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“Je crois que les vocations existent, mais il faut savoir comment elles sont proposées et quelles attentions elles reçoivent (…) Les jeunes ont besoin d’être écoutés et se lassent”, a déclaré le pape François, en évoquant le prochain synode des évêques (2018) sur les jeunes et la vocation, devant les participants à la 36ème Congrégation générale de la Compagnie de Jésus, le 24 octobre dernier.
Du courage prophétique, au cléricalisme, de la politique au discernement des situations morales, de la paix à la crise des vocations : Tels étaient les thèmes soulevés par les frères de la compagnie dans un échange spontané avec le Saint-Père, rendu publique un mois plus tard par la revue jésuite italienne Civiltà cattolica.
En voici des extraits, rapportés par l’agence I-Media et Radio Vatican :
Crise des vocations
“Je crois que les vocations existent, mais il faut simplement savoir comment elles sont proposées et quelles attentions elles reçoivent. Si le prêtre est toujours pressé, s’il est noyé dans mille questions administratives, (…) si les laïcs ne sont pas impliqués et sollicités dans le discernement vocationnel, il est évident que nous n’aurons pas de vocations (…)”. “Ne pas promouvoir de vocations locales est un suicide, cela signifie ni plus ni moins stériliser l’Église, c’est comme lui “ligaturer les trompes”. C’est empêcher une mère d’avoir des enfants. Et cela est grave”.
La question des jeunes et du discernement vocationnel sera au cœur du prochain synode des évêques, annoncé pour 2018. Le document préparatoire vient d’être approuvé. Il prévoit un questionnaire qui sera envoyé à toutes les conférences épiscopales et aux synodes des Églises catholiques orientales pour le transmettre à leurs divers diocèses.
Cléricalisme et pauvreté
“Saint Ignace disait que la pauvreté est “le mur et la mère” (de la vie consacrée). La pauvreté génère, elle est une mère, elle donne le jour à la vie spirituelle, la vie sainte, la vie apostolique. Et elle est un mur, parce qu’elle défend. Que de drames dans l’Église par manque de pauvreté !”. “Le cléricalisme, qui est un des fléaux les plus sérieux de l’Église, s’écarte de la pauvreté. Le cléricalisme est riche. Et s’il n’est pas riche en argent, il l’est en présomption”. Le cléricalisme est “une des formes de richesse les plus graves dont souffre l’Église aujourd’hui”.
Piété populaire
“En Amérique latine, la piété populaire est la seule chose qui a plus ou moins échappé au cléricalisme (…) et elle y a échappé parce que les prêtres n’y ont pas mis leur nez. Le cléricalisme ne laisse pas grandir la force du baptême. C’est la grâce du baptême qui possède la force et la grâce évangélisatrice de l’expression missionnaire. Et le cléricalisme discipline mal cette grâce, induisant des dépendances qui entretiennent parfois des peuples entiers dans un fort état d’immaturité”.
Le discernement des situations morales
Le Pape parle du manque de discernement dans la formation des prêtres : “En fait, nous risquons de nous habituer au “tout noir ou tout blanc” et à ce qui est légal. « Aujourd’hui, dans un grand nombre de séminaires, est de retour une certaine rigidité qui n’aide pas au discernement. Cette chose est dangereuse, car elle peut nous amener à une conception de la morale qui relève de la casuistique “.
De nos jours, “la théologie morale a beaucoup gagné en réflexion et maturité ; il n’y a plus de casuistique. La morale est un domaine dans lequel nous devons progresser sans tomber dans le situationnisme; mais, par ailleurs, il nous faut réveiller cette grande richesse que représente le discernement ; dans le droit fil de la “grande scolastique” de saint Thomas et saint Bonaventure, qui dit : “La loi générale vaut pour tous, mais dans la mesure où chaque cas particulier est examiné, la question se diversifie et prend des nuances sans que la loi doive changer. Cette méthode scolastique est d’actualité. C’est la méthode morale utilisée par le Catéchisme de l’Église catholique. Et la méthode utilisée dans la dernière exhortation apostolique, Amoris laetitia, après un discernement de toute l’Église lors des deux synodes. La morale utilisée dans Amoris laetitia est une morale thomiste. Mais il y a certains points de la morale où seule la prière peut apporter un fin éclairage. Et c’est ce qu’on appelle ‘la théologie à genoux’ : “On ne peut faire de théologie sans prier”.
Courage et audace prophétique
“La politique en général, la grande politique, s’est de plus en plus dégradée, tombant dans la petite politique. (…) D’après ce que j’entends autour de moi, les hommes politiques sont tombés bien bas. On ne trouve plus ces grands hommes politiques, jadis capables de se mettre sérieusement en jeu pour leurs idéaux, qui ne craignaient ni le dialogue ni la lutte, mais avançaient avec intelligence et avec ce charisme propre à la politique. La politique est une des formes les plus hautes de la charité. La grande politique. Et sur ce point je crois que les polarisations n’aident pas. Ce qui aide en politique, c’est le dialogue”. “Aujourd’hui plus que jamais, on a besoin de courage et d’audace prophétique, pour s’attaquer à la corruption, très répandue dans certains pays”, et dont les chrétiens paient parfois “le prix fort”. “Ils paient ? Et bien, on avance quand même. Le martyre fait partie de notre vocation”.
La mondialisation détruit les peuples indigènes
“Une mondialisation qui cherche à uniformiser est destructrice. Au lieu de récupérer leurs cultures, elle veut les annuler”. “L’herméneutique coloniale recherchait la conversion des peuples. C’était une herméneutique de type centraliste, où l’empire dominateur imposait en quelque sorte sa foi et sa culture. Qu’on pense cela à l’époque peut se comprendre, mais aujourd’hui il faut une autre herméneutique, radicalement différente, pour mette en valeur chaque peuple, sa culture et sa langue”.
Le pape fait allusion à l’expérience d’inculturation positive vécue par les missionnaires jésuites Matteo Ricci en Chine et Roberto de Nobili en Inde : “Ils étaient des pionniers, mais une conception hégémonique du centralisme romain freina cette expérience, l’interrompit. Empêchant un dialogue où ces cultures seraient respectées “.
Laudato Si’
L’encyclique Laudato Si n’est pas une “encyclique sur l’écologie” mais une “encyclique sociale”, parce qu’il est évident que “ce sont les plus pauvres, les exclus, qui souffrent des conséquences de la crise écologique”.
Les critiques
“Je crois que parfois le pire des malintentionnés peut faire une critique qui m’aide. Il faut écouter toutes les critiques et discerner. Ne fermer la porte à aucune critique, car nous risquerions de nous habituer à fermer les portes. Et ça ne serait pas bien. Après un discernement, on peut dire : cette critique n’a aucun fondement, et l’écarter”.