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Premières leçons du 1er tour de la primaire de la droite et du centre. Le pire a peut-être été évité, mais rien n’est jamais acquis.
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1. L’échec de Nicolas Sarkozy est une demi-surprise. L’écart de François Fillon devant ses concurrents, un véritable étonnement, son passage au deuxième tour n’était pas gagné. La vraie leçon, c’est le score médiocre d’Alain Juppé, que tout l’establishment présentait comme le président virtuel. L’identité heureuse, la tyrannie du consensus et du politiquement correct ont du plomb dans l’aile.
2. François Fillon écrase la concurrence, mais pas de fantasmes. Il faut se garder de toute allégresse prématurée, ni non plus d’espoirs inconsidérés. Le pire est en voie d’être évité avec la neutralisation des candidats libéraux-libertaires, version multiculturelle ou version sécuritaire, on ne s’en plaindra pas. Mais c’est comme aux États-Unis : la chute de Clinton, ce n’est pas la victoire de Trump, c’est la défaite des Church’s ennemies — les ennemis de la liberté religieuse et du respect de la vie, sans que pour autant l’avenir soit radieux : tout reste à faire. Les mesures utiles au bien commun étaient quasi-inabordables hier, leurs mises au point et leurs mises en œuvre seront plus faciles demain, mais pas nécessairement sans difficulté. Tout continue. Aucune raison d’être euphorique, donc.
3. Ce ne sont pas les militants qui ont fait l’élection, mais les citoyens. C’est la bonne surprise de ces primaires. Les Français qui n’aiment pas être enfermés dans des cases se sont rebellés contre la loi des médias et des sondages : ceci, c’est désormais un lieu commun. Plus intéressant, ils se sont affranchis des combinaisons de partis et des coteries particulières, se déplaçant en si grand nombre qu’ils ont neutralisé le poids des militants et des factions, votant sur leur propre jugement, ce qui a libéré l’exercice des manipulations entre initiés. Fillon a été choisi par la droite hors-partis. Cela ne signifie pas que l’esprit de parti ne va pas continuer de polluer la suite des événements, avec son lot de marchandages et d’anathèmes, mais c’est une véritable expression populaire, non partisane, qui s’est exprimée, remettant en quelque sorte les pendules démocratiques à l’heure. Pour combien de temps ?
4. Populaire, pas populiste. C’est aussi la caractéristique de ce plébiscite Fillon. Il est probable que l’homme a été choisi comme une alternative à un choix imposé, et donc par défaut, mais son profil correspond à une véritable attente. Les électeurs de la droite française aspirent au retour d’une véritable dignité de la fonction présidentielle, et donc d’une politique digne de la France, autour d’un État fort, mais limité à ses fonctions régaliennes. C’est ce que leur propose François Fillon. L’option bling-bling, énergique mais inconstante, tout comme l’option techno-bobo ne leur conviennent pas. François Fillon leur offre sobriété, intégrité et dignité. Sa persévérance et sa discrétion dans l’effort sont de véritables qualités qui lui ont été reconnues.
Ce qui est sûr, c’est que sa proposition n’est pas démagogique. Son ultralibéralisme supposé n’est ultra que par sa volonté de rupture avec un socialisme d’État qui paralyse autant l’État que la société et l’économie. En Allemagne, son programme serait jugé raisonnable. À cet égard, le soutien qu’il a reçu est plus populaire que populiste, et sa perspective d’entrer à l’Elysée peut constituer une sorte d’ultime rempart aux fuites en avant de la rhétorique anti-système et des simplismes démagogiques. II lui reste à montrer que sa politique ne sera pas une politique de « mécaniciens », comme le craint Jean-Pierre Le Goff (Figaro, 23/11), purement gestionnaire, et qu’il saura fonder son projet sur une véritable vision de la France, dans laquelle les Français trouveront les ressources pour se mobiliser durablement.
5. Le parcours de l’homme Fillon n’est pas sans zone d’ombres. Son parcours est celui d’un homme d’expérience, qui a été ministre, Premier ministre, président de conseil général, président de région. Tout au long de sa vie, il a composé, de compromis en compromis. C’est le propre du politique, dont la première mission est de servir l’unité du corps social pour préserver la paix requise par le bien commun. Sa limite, comme celle de tout le corps politique français, est dans sa concession à l’opposition éthique de conviction/éthique de responsabilité, une schizophrénie totalement stérile dont il faudra bien sortir un jour.
La polémique totalement surréaliste qu’Alain Juppé a lancé contre lui en l’accusant de « propos troubles » sur le « mariage » homosexuel ou l’avortement montre tout de même une différence de nature entre les deux hommes : celui qui cloisonne les principes et l’action conserve une boussole orientée sur la conscience du bien ; celui qui soumet le principe à l’action, pervertit le principe lui-même faisant du mal un bien. C’est ainsi qu’Alain Juppé, l’apôtre sectaire du vivre-ensemble et du multiculturalisme tente de disqualifier son concurrent en lui reprochant de ne pas être un fanatique de l’avortement.
6. La différence entre les deux concurrents du second tour ne fait pas pour autant de François Fillon un « conservateur catholique ». Il est remarquable que l’étiquette « catholique » fonctionne encore aujourd’hui pour discréditer un homme public. Fillon étant relativement inclassable, sa modération conservatrice en a fait un catholique. Toute la gauche archaïque a enfourché les outrances de la Juppésie en réenclenchant le mécanisme du bouc-émissaire sur le nouvel ennemi public numéro un. Or cet excès d’honneur, ou d’indignité, est doublement à côté de la plaque.
Tout d’abord, comme l’a fait remarquer le sociologue Mathieu Bock-Côté, rien dans les propositions du candidat Fillon ne ressemble « à ce qu’on pourrait appeler un catholicisme de combat, dont ce n’est ni la doctrine ni la sensibilité » (Figaro, 22/11).
L’autre raison, c’est que l’électorat catholique est tout sauf monolithique. En lui-même déjà, le bloc catholique le plus homogène, celui des messalisants, n’aurait pas suffi à réunir plus de suffrages que la différence de voix entre Fillon et Juppé. Surtout, le vote catholique est un leurre. Les catholiques sont unis sur les fins, pas sur les moyens. Il n’y a pas de politique catholique et le vote des catholiques n’est pas communautaire. Si François Fillon s’est trouvé en consonance avec les attentes d’un électorat modéré de culture catholique, c’est en revanche fort probable.
L’expérience prouve que le vainqueur du premier tour a tout intérêt à assumer cette consonance, qui ne peut que lui profiter, et orienter justement ses choix. De leur côté, les catholiques ont intérêt, eux, à garder la tête froide. Et à continuer de se mobiliser sur tous les fronts pour porter leurs convictions au service de la vie, de la famille et de la liberté.