François Cassingena-Trévedy nous parle de sa “retraite itinérante” en Auvergne.
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François Cassingena-Trévedy est moine de l’abbaye bénédictine de Ligugé. Il écrit, page 88 : « Si nul infini jamais ne les aère, ne les ajoure, ne les anime, les confinements les plus consentis sont mortifères au cœur de l’homme. » En clair : il a un besoin spirituellement vital de s’affranchir de temps à autre de la clôture. Cum permissu Superiorum. Voilà ce qui explique et justifie cette “retraite itinérante” de huit jours dans une Auvergne riche de souvenirs et de connaissances entretenues depuis l’enfance.
Notre pèlerin a cheminé des monts Dore aux monts du Cantal en traversant le Cézallier. Le récit détaille une progression topographique et toponymique très précise (on peut la suivre sur la carte), à la fois rêvée et travaillée longtemps à l’avance.
L’on pense bien qu’elle ne trouve pas sa fin en soi, telle une commune randonnée. La marche élève l’esprit et libère l’âme. Surgissent des pages dont je ne peux que donner la référence : définition du sacré (89), spiritualité de la marche (97, au cœur même du livre), sa “grammaire” aussi (118), célébration des pieds (125), hommage à la montagne d’Auvergne (132), hymne à la Croix (150). Sans compter d’autres menues merveilles semées comme petits cailloux sur le chemin de notre marcheur.
Mais pour caractériser plus justement ce livre, il faut aller plus loin. L’auteur est savant, et il est poète. Savant, il dispense son savoir à tout propos : géologie, botanique, étymologie, mythologie, musique, histoire. On apprend beaucoup : il sait tout. La littérature n’est pas en reste. Il convoque les écrivains qu’il aime à chaque page. Haute littérature : on chemine avec les Psaumes, Virgile, Horace, Dante, Augustin, Pascal, et Pourrat, un peu tard à mon goût.
Poète, son récit se double d’un “cantique” dont le lyrisme s’exalte et se déploie en odes dont les fulgurations ou les subtilités contrastent quelque peu avec la rudesse de ces hautes terres. Quant à la langue elle-même, l’auteur en sollicite toutes les ressources : sonorités, rythmes, figures, et somptueux vocabulaire. Parfois est-on tenté de dire : tout de même un peu pédant ? Un peu précieux ? Mais on se retient, car l’humour, il faut le supposer, n’est jamais loin. Ainsi, lorsque l’auteur désigne l’allumage de sa pipe comme « la domestication minuscule de Vulcain ». Au XVIIIe siècle, quand l’abbé Delille, non cité, quoique né en Auvergne, décrivait en une trentaine de vers la préparation rituelle de son café, il n’écrivait pas autrement.
P.-S. – Un mot sur le titre. Infinistère est un “mot-valise”, qui emboîte infini et Finistère. Comme tel il est oxymorique, mariant l’infini et la fin des terres. Je ne le trouve pas très heureux. Mais il est justifié. L’auteur est aussi un homme de la mer, et on peut le voir sur les chalutiers avec le ciré, la casquette, la barbe et la pipe d’un vieux bourlingueur. Alors, écrit-il, « je mets en accolade les racines et l’océan, je marie l’Auvergne et l’Armorique – ces deux bassins versants entre lesquels mon âme et mon histoire ne cessent d’osciller… ».
François CASSINGENA-TRÉVEDY, Cantique de l’infinistère, Desclée de Brouwer, 180 p., 16,90 euros.