Sans doute la plus belle exposition de cet automne !
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Qui n’a jamais été stupéfait devant une œuvre qu’il croyait connaître par cœur, à force d’avoir été abreuvé des milliers de reproduction qui circulent aujourd’hui dans nos revues, nos publicités et sur internet ? À ceux qui estiment que l’ère numérique a rendu les musées obsolètes, nous permettant de consulter tous les plus grands chefs-d’œuvre depuis notre tablette : faites l’effort d’aller contempler les œuvres de Rembrandt (1606-1669), en vrai !
Jusqu’au 23 janvier 2017, cette formidable opportunité vous est offerte par le musée Jacquemart-André, qui, à partir des trois somptueux chefs-d’œuvre [1] du maître de la collection réunie par Nélie Jacquemart et Édouard André, retrace la carrière de l’artiste, autour d’une vingtaine d’œuvres peintes et d’une trentaine d’œuvres graphiques exceptionnelles.
En tête-à-tête avec l’œuvre
En suivant une approche chronologique, l’exposition nous plonge dans l’intimité du maître hollandais. Dès la seconde salle, on (re)découvre avec admiration le sublime chef-d’œuvre de jeunesse qu’est la première version du Repas des pèlerins d’Emmaüs (1629) peinte par l’artiste. Rembrandt a 23 ans lorsqu’il réalise ce prodige tout en clair-obscur, où le Christ, éclairé d’une lumière éblouissante, disparaît après avoir été reconnu par les deux pèlerins ébahis. L’un d’eux, dans la pénombre, est tombé à genoux au pied du Ressuscité ; le visage du second, subjugué, manifeste l’état de stupeur dans lequel il se trouve.
L’intensité dramatique du tableau se révèle à celui qui ose le face-à-face avec l’œuvre. Devant une reproduction, certains détails nous échappent ; l’obscurité nous dissimule le pèlerin à genoux devant le Christ. Devant l’œuvre, la puissance évocatrice de chaque détail jaillit. Et l’on s’émerveille devant le génie de Rembrandt à représenter le miracle. Cette représentation de l’irreprésentable, la disparition du Christ après avoir rompu le pain, a elle-même quelque chose de miraculeux…
Une synthèse réussie
Au fil des salles, on suit avec ravissement le parcours de l’artiste, de ses débuts à Leyde dans l’atelier de Pieter Lastman à ses années de maturité artistique. En 1631, Rembrandt s’installe à Amsterdam, et acquiert très vite une renommée, grâce aux nombreux portraits de notables qu’il réalise. Si cette exposition comprend un nombre d’œuvres relativement réduit (une vingtaine de peintures et une trentaine d’œuvres graphiques), la qualité et la diversité des pièces présentées parviennent amplement à séduire le visiteur et à saisir l’évolution de l’art du maître.
Au-delà de ses chefs-d’œuvre peints, Rembrandt est un dessinateur hors-pair. Plusieurs de ses dessins, exposés au Musée Jacquemart-André, prouvent une nouvelle fois l’exceptionnelle virtuosité de l’artiste. Ces œuvres à part entière, pleines de vie, sont complétées par plusieurs gravures, dont Rembrandt maîtrisait parfaitement la technique. L’exposition, à travers ces remarquables œuvres graphiques, présente Rembrandt en vérité, comme un artiste génial et complet, travailleur et conscient de son talent.
Malgré l’importance relativement réduite du Musée Jacquemart-André face aux grands musées nationaux du monde entier, l’exposition, fruit de plusieurs années de travail, est à la hauteur des institutions les plus prestigieuses. En témoignent les prêts exceptionnels qui ont été accordés au musée, et nous offrent la joie d’admirer la Saskia en Flore (1634) du Musée de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg), somptueux portrait où l’artiste représente sa femme en costume de la déesse Flore… Ou encore le Vieil homme au costume oriental (New York, Metropolitan Museum), portrait tout aussi impressionnant et majestueux, dans lequel Rembrandt, comme à son habitude, fait surgir ce vieil enturbanné du fond brun de sa toile.
Rembrandt, peintre biblique
Nous retiendrons tout particulièrement la salle consacrée à Rembrandt et la Bible, qui montre bien l’attention prépondérante que l’artiste accorde aux sujets bibliques. Si dans chacun de ses portraits, Rembrandt dépeint un morceau de vie humaine, beaucoup de ses œuvres en font également un artiste mystique. Prenons par exemple son Ecce Homo, réalisé en 1634, où les ignobles trognes des multiples personnages de la foule, qui représentent l’humanité dans ce qu’elle a de plus laid et bas, se heurtent au regard vers le ciel et à la pureté du Christ souffrant.
Arrêtons-nous enfin devant l’infime dépouillement de ses Trois croix, sublime gravure, qui, au-delà des mots, exprime tout le drame de la mort du Sauveur.
Là est sans doute la plus grande force de Rembrandt : donner à voir une tranche d’humanité dans chacune de ses toiles… En n’omettant jamais une certaine empreinte de transcendance, elle-même si constitutive de toute vie humaine.
Informations :
Rembrandt intime au Musée Jacquemart-André, jusqu’au 23 janvier 2017.
158 bd Haussmann, Paris VIIIème. Tous les jours de 10h à 18h, nocturne le lundi jusqu’à 20h30.
Plein tarif : 13 euros ; tarif réduit : 10 euros. Offre famille : entrée gratuite pour le 2e enfant âgé de 7 à 17 ans.
[1] Le Repas des pèlerins d’Emmaüs (1629), le Portrait de la princesse Amalia von Solms (1632) et le Portrait du docteur Arnold Tholinx (1656).