Son “défaut” est pourtant une réelle richesse.
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Aurélie ne supporte plus Fred. Lui la traite de petit caporal. Qui aurait cru cela il y a cinq ans, en les voyant si amoureux ? Aurélie, infatigable organisatrice de virées entre copains, folle amoureuse de Fred, architecte bohème arrivé un jour dans leur bande. Enfin un homme différent des autres, adepte de l’imprévu, avec une déco hétéroclite dans son studio et de la vaisselle dépareillée mais tellement bien assortie. Avec Fred, pas de souci, le dernier moment il connaît, sait se décider en deux jours pour improviser un voyage, sac au dos. Enfin un homme facile à vivre, pense Aurélie, si différent de son groupe d’anciens d’école d’ingénieur, devenus fades à ses yeux.
Un couple qui se complète
Fred est aux anges. Avec Aurélie c’est comme le Club Med, elle s’occupe de tout, il peut profiter des ses talents de meneuse et remplir son carnet de croquis. Pourquoi se battre pour une destination ou un choix de rideaux ? Tout lui va.
Comme ils se complètent, pensent attendris leur amis, Aurélie la décideuse épouse Fred. Petit dernier de sa fratrie, il a un don pour faire rire et prendre tout à la légère, un vrai rayon de soleil disent de lui ses parents. Aurélie est plutôt du genre cheftaine, parfaite organisatrice, elle a su très tôt se débrouiller seule. Le jeune couple vit des années de bonheur sans nuages. Fred a l’esprit libre pour travailler, se laisse volontiers faire par sa femme qui gère. Aurélie planifie, de plus en plus, tout : il faut bien que quelqu’un le fasse, explique-t-elle. Qui organiserait les vacances moins chères , s’occuperait des impôts ?
Le phénomène de l’ombre
Peu à peu, de bohème Fred devient assisté et Aurélie se transforme en petit chef tyrannique. Chacun accuse l’autre et voudrait qu’il change. Dans la deuxième partie de son livre, Jean Monbourquette met en lumière… le phénomène de l’ombre qui se joue dans les relations tumultueuses de ce couple.
Chacun projette sur l’autre un trait de caractère qu’il a enfoui tandis qu’il a développé sa qualité opposée qui le tyrannise quasiment.
Disciple de Jung, Jean Monbourquette explique que, voulant nous adapter aux attentes de notre entourage, nous avons chacun développé des qualités ou accueilli des émotions « permises », tandis que nous avons rejeté l’opposé dans une part de notre inconscient qu’il appelle notre ombre. Celle-ci se rappelle à nous par des manifestations parfois désordonnées, dans nos rêves, nos projections, la fascination ou l’exaspération quand nous la voyons chez l’autre.
Un exemple ? Vous êtes généreux, et ne supportez pas les gens radins. Ou au contraire vous vivez d’amour et d’eau fraîche et enviez votre ami qui a déjà acheté un appartement à crédit. Votre générosité est-elle libre ? Savez-vous parfois ne pas faire de cadeau quand vous êtes à découvert, ou auriez-vous honte ? Dans votre ombre il y a un trait de caractère, que vous appeliez peut-être radin, que vous avez enfoui. Il a pourtant une intension positive, celui de vous éviter d’être à la rue un jour par exemple. Apprivoiser ce trait de votre ombre, c’est accueillir que vous ne pouvez pas toujours être généreux, mais que vous vous donnez le droit d’épargner, ou même de recouvrer de vieilles créances sans honte.
L’apparition du déséquilibre
Et Fred et Aurélie, quel est leur part d’ombre ? Qu’ont-ils projeté sur leur conjoint ? Fascinée par Fred si souple, Aurélie a accru sa personnalité de décideuse, tandis que lui a accentué son coté bohème, jusqu’à arriver à un déséquilibre insupportable.
Leur crise va leur permettre de mieux se comprendre et d’apprendre l’un de l’autre. Si Aurélie renonce à tout décider, Fred pourra s’y mettre. Et si, de surcroît, elle accueille la nonchalante qu’elle avait enfouie dans son ombre, elle arrêtera de se croire en charge de sauver le monde et évitera un burn-out. Et un divorce.
À vous de jouer aux jeux des contraires en regardant autour de vous : associés en start-up, couples, meilleurs amis etc. ; c’est flagrant ! Vous pourrez maintenant leur dire que ce qui les exaspère chez l’autre est juste une qualité « en trop » enfouie chez eux, qu’ils peuvent apprivoiser pour vivre sereinement.
On dit souvent que les vieux couples qui s’aiment se ressemblent, c’est peut-être que, n’ayant pas l’option de la séparation, ils ont appris de l’autre au lieu de fuir leur reflet dans ses yeux. Si vous essayiez ?
Pour aller plus loin :
Apprivoiser son ombre, de Jean Monbourquette, Édition Bayard, 2011, 12 euros.