separateurCreated with Sketch.

Un prêtre sauve de l’oubli les victimes de la “Shoah par balles”

© Imperial War Museum

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Mathilde de Robien - publié le 07/11/16
whatsappfacebooktwitter-xemailnative

Vous connaissez sans doute la “Shoah des camps”, mais aviez-vous entendu parler de cet autre Holocauste ? (1/3)

Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.


Je donne en 3 clics

*don déductible de l’impôt sur le revenu

« Si nous cessions d’y penser, nous achèverions de les exterminer, ils seraient anéantis définitivement. Les morts dépendent de notre fidélité. » Vladimir Jankélévitch.

Son seul crime est d’être juif

Il est 8 heures du matin. La ville, occupée par l’armée allemande depuis une dizaine de jours, se réveille doucement. Aujourd’hui, les nazis ont ordonné à tous les juifs, sous peine d’être fusillés, de se rassembler ici, à l’angle de deux rues, afin d’être « transférés ». Alors il a empaqueté à la va-vite les objets de valeur, les vêtements chauds et les provisions pour quelques jours, comme il était demandé sur le panneau d’affichage. Sa mère, sa femme et ses enfants sont là aussi. Les soldats allemands les font marcher en colonne, jusqu’aux abords de la ville, sous les regards souvent apeurés, parfois moqueurs, de leurs compatriotes. Ils arrivent à la lisière d’une forêt, ou dans un champ en friche. Ils attendent. Les nazis lui demandent de déposer d’un côté son sac à provisions, de l’autre côté leurs biens, puis d’ôter leurs vêtements. Ceux qui refusent sont roués de coups ou exécutés. Ils attendent encore. Puis, on le sépare violemment des siens. On le fait encore marcher jusqu’au bord d’une fosse, ou d’un ravin.

C’est seulement à ce moment-là qu’il comprend. Il n’ira pas dans un camp de travail, ni dans un quelconque ghetto, ni en Palestine, comme on leur avait promis. Il surplombe un immonde enchevêtrement de corps sanguinolents qui s’amoncèlent dans le fossé. Certains râlent encore. Il ne sait pas où sont sa mère, sa femme et ses enfants. Il ne sait pas pourquoi il est là. Son seul crime est d’être juif. Il tombe à genoux, prostré, mais soudain, un nazi lui intime l’ordre de se redresser, face au ravin. Et lui tire une balle dans le dos. Son cadavre bascule dans la fosse, sur des milliers d’autres victimes. Ses compatriotes ont été réquisitionnés par les Allemands pour reboucher l’ignoble charnier, à l’aide de chaux et de terre. Ils ont tout vu. Certains sont les impuissants témoins, d’autres les collaborateurs, de ce que le père Patrick Desbois, prêtre catholique, fondateur de l’association Yahad – In Unum, a appelé « la Shoah par balles », par opposition à la « Shoah des camps ».

2 millions de victimes

Ce récit n’est pas un cas isolé. C’est celui de plus de 2 millions de victimes juives entre 1941 et 1944, soit un tiers des victimes de la Shoah. Le même processus s’est déroulé dans presque chaque ville et chaque village où vivaient des Juifs en ex-Union Soviétique, à partir de l’invasion allemande en juin 1941, et au fur et à mesure de l’avancée des troupes nazies sur le territoire soviétique. Une grande partie de ces crimes ont été commis par des unités mobiles d’extermination, les « Einsatzgruppen », composées de SS et de policiers allemands, sous le commandement de la police de Sûreté (Sipo) et du service de sécurité (SD). Elles avaient pour mission d’exterminer les ennemis politiques ou raciaux, considérés comme un frein à l’expansion de l’ « espace vital » aryen. Leurs victimes sont des juifs, des tziganes, des fonctionnaires de l’État soviétique, des dirigeants du parti communiste et des handicapés placés en institution. Elles sont abattues méthodiquement, à bout portant, au vu et au su de la population locale réquisitionnée, de gré ou de force, pour creuser les fosses, conduire les camions, ou trier les biens des victimes. Ces dernières n’ont pas été déportées dans les camps d’extermination, en raison de l’insuffisance des réseaux ferrés utilisés pour les besoins militaires de la Wehrmacht, et de la capacité limitée des camps.

L’association Yahad – In Unum

Le père Patrick Desbois, dont le grand-père a été déporté à Rava Ruska, a entrepris depuis 2004 le gigantesque travail d’identifier et d’expertiser les sites d’extermination des Juifs en ex-Union Soviétique et en Pologne occupée, par le biais de l’association Yahad – In Unum, créée à l’initiative du cardinal Jean-Marie Lustiger, alors archevêque de Paris, du cardinal Jean-Pierre Ricard et du Rabbin Israël Singer, alors ancien secrétaire général du Congrès Juif Mondial. Yahad – In Unum a organisé 111 séjours de recherche dans 7 pays différents (Ukraine, Biélorussie, Russie, Pologne, Roumanie, Moldavie et Lituanie), durant lesquels les enquêteurs ont recueilli 5 139 témoignages et ont localisé  2 067 sites d’exécution de Juifs et de Roms.

Yahad – In Unum, associant le mot hébreu « Yahad » signifiant ensemble, et l’expression latine « In Unum » signifiant en un, est la seule organisation chrétienne au monde à se consacrer à la recherche de preuves et de témoignages dans le but d’honorer la mémoire des victimes de la « Shoah par balles », de leur offrir une sépulture décente, et de prévenir tout nouveau génocide.

La méthodologie mise au point par Yahad – In Unum en dix années de recherche permet aujourd’hui à l’association de recueillir les preuves et de documenter d’autres génocides et crimes de masses.  Ainsi, tout en poursuivant ses recherches sur la Shoah par balles et le génocide des Roms, Yahad – In Unum recueille aujourd’hui et depuis plusieurs années les témoignages des victimes, principalement indiennes, du conflit armé au Guatemala (1960 – 1996).

Plus récemment, Yahad – In Unum s’est mis au service des victimes de Daech et en particulier du peuple yézidi.  En effet, Daech commet aujourd’hui un génocide à l’encontre des Yazidis en utilisant les mêmes méthodes que les unités nazies. C’est pour prouver ces crimes que Yahad a lancé l’initiative Action Yazidis.

Suite à ces recherches, le Père Patrick Desbois a écrit un livre intitulé La fabrique des terroristes qui vient de paraître (le 28 septembre 2016) aux éditions Fayard, dans lequel il dénonce « le génocide en plein jour », des Yazidis, au Kurdistan, par l’État islamique, et nous livre les témoignages d’une centaine de survivants qui ont échappé aux griffes de Daech.


Découvrez la seconde partie de l’article : Comment se déroule une enquête sur les crimes de nazis ?


Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Aleteia vit grâce à vos dons

Permettez-nous de poursuivre notre mission de partage chrétien de l'information et de belles histoires en nous soutenant. 

Profitez de cette fin d'année pour bénéficier d'une déduction de 66% du montant de votre don sur l'impôt sur le revenu en 2024.

Newsletter
Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !