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Le mot de la semaine : « prix littéraires »

A person looks at books in a bookshop on April 15, 2016 in Rouen, northwestern France. / AFP / CHARLY TRIBALLEAU (Photo credit should read CHARLY TRIBALLEAU/AFP/Getty Images)

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Alexis Bétemps - publié le 04/11/16
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Pourquoi la littérature d’aujourd’hui ressasse-t-elle frénétiquement les mêmes obsessions ?

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Comme chaque année, la remise du prix Goncourt et du prix Renaudot est l’occasion, pour tous ceux qui méprisent la médiocrité de l’écrasante majorité des parutions littéraires contemporaines, de rappeler qu’il n’y a plus rien à attendre de ces dernières – et donc encore moins des prix qui s’enorgueillissent de les récompenser.

Inutile de rappeler que les choses les plus précieuses sont précisément celles qui n’ont pas de prix, à tous les sens du terme. On sait que les romans couronnés par le Goncourt et le Renaudot, à quelques très notables exceptions près, ne sont pas ceux qui bouleverseront l’art de l’écriture. On sait également que les collusions entre le milieu journalistique et le milieu littéraire forment la toile de fond d’une comédie que tout le monde dénonce… et que tout le monde entretient.

Yasmina Reza et Leïla Slimani sont donc les deux lauréates du cru 2016. Il n’y aurait rien à dire, s’il n’y avait pas eu les réactions débordantes de bonnes intentions qui, surtout chez les hommes politiques, se sont empressées de saluer les deux attributs visiblement indépassables des gagnantes : ce sont des femmes, et elles sont issues de l’immigration. « La féminité et la diversité triomphent ! » lisait-on sur beaucoup de lèvres. L’association Osez le féminisme, qui semble avoir résolu de faire du grotesque sa marque de fabrique, salue même la richesse du « matrimoine » français.


Lire le mot de la semaine dernière : “jungle”


Qu’une femme reçoive un prix littéraire, et qu’elle ait des origines arabes, peu devrait nous chaloir. Et c’est précisément le souci : les chantres de l’anti-discrimination sont obsédés par la couleur de peau, les origines et le sexe. On parle de diversité et de féminité, alors que l’on devrait parler de littérature. Quelle logique y a-t-il à se réjouir qu’une femme franco-marocaine soit distinguée par le prix Goncourt ? Est-ce son sang qui détermine la qualité de son encre ? Sans doute pas – dans ce cas, pourquoi même l’évoquer ?

On ne devrait parler que de l’œuvre. Et c’est précisément là que le bât blesse, car ces œuvres sont l’énième répétition lourde et fade du roman standard tel qu’on le trouve dans toutes les librairies, uniformisé de son vocabulaire jusqu’à ses aspirations, dérisoire et étroit, sans profondeur. Avez-vous remarqué la proportion d’ouvrages (encore plus grande parmi ceux qui figurent dans la sélection des jurys littéraires) qui abordent le thème de la famille, du couple, des relations parents-enfants ? Sans même se demander comment il est seulement possible de trouver le courage ou la prétention de prendre sa plume après avoir lu Balzac et de juger encore utile, et même encore possible de faire part au monde de quoi que ce soit de vrai ou de beau à ce sujet, demandons-nous : pourquoi la littérature d’aujourd’hui ressasse-t-elle frénétiquement les mêmes obsessions ?

On la dirait coincée entre la moiteur de la chambre à coucher et les discussions de cuisine, dans l’intimité à tout prix, comme fascinée par la banalité du quotidien à laquelle elle prétend donner une profondeur. La littérature se goinfre de vie privée, de faits divers, de minuscules morceaux de vie. Voilà la véritable tragédie des prix littéraires : ils reflètent, par les livres qu’ils récompensent, ce qu’est la littérature à la mode, et ce qu’est l’inconscient de notre époque. Tout y est méticuleusement agencé pour s’épargner avec acharnement la moindre trace d’absolu ou d’universel. Toute trace de transcendance en est chassée avec dégoût et effroi, rien ne peut y subsister qui cherche à élever l’homme.

Impossible de mieux le dire qu’en citant le mot bien connu de Bernanos : « On ne comprend absolument rien à la civilisaiton moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universele contre toute espèce de vie intérieure ». Mais on ne précisera jamais assez que l’idée la plus négligée et pourtant la plus importante dans cette phrase est bel et bien celle de la conspiration. Les jurés du Goncourt et du Renaudot ne sont pas des imbéciles, et s’ils vous servent du Leïla Slimani, du Lydie Salvayre ou du Yann Moix, soyez certains qu’ils n’y goûtent pas et qu’ils se délectent bien plus volontiers de Bernanos, dont ils prendront évidemment soin de toujours vous détourner un peu plus.

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