Rencontre avec le père Matthieu Dauchez, qui réside dans les bidonvilles les plus pauvres de la capitale des Philippines.Les bidonvilles de Manille sont parmi les plus sordides au monde : des millions de Philippins y vivent dans la misère la plus noire. Pourtant le père Matthieu Dauchez y découvre le visage du Christ : “Quand je vois un enfant allongé dans un caniveau, c’est le Christ qui est couché parmi les ordures”.
Le prêtre y voit des enfants blessés, parfois rejetés par leurs familles, et qui selon toute logique, devraient haïr la Terre entière. Souvent, il suffit qu’ils soient accompagnés et découvrent qu’ils méritent d’être aimés, pour pardonner, aimer à leur tour, assure le père Dauchez : “Ils ont en eux une volonté, de ne pas rendre le mal pour le mal, surnaturelle”. C’est dans cette bonne volonté héroïque que le prêtre voit la main de Dieu, jusqu’au fond des poubelles de Manille. Ces enfants ont simplement besoin d’une atmosphère familiale, aimante.
“La question matérielle est un faux problème”
Quand on lui demande de quoi son association a besoin pour venir en aide à ces enfants, il répond : “De prières”. Et n’en démord pas, osant dire que “la question matérielle est un faux problème”. Personne ne peut pourtant l’accuser de négliger les besoins vitaux de ces enfants. Avec l’association ANAK et le soutien constant de la Fondation Raoul Follereau, il leur fournit de quoi se nourrir et se vêtir, et leur permet d’être scolarisés. Pourtant, ces actions ne seraient rien sans le travail de fond qui est de soigner les cœurs de ces enfants. Leur donner à manger, les loger, et même les instruire, sans qu’ils se sentent aimés, serait comme “mettre un pansement sur une plaie purulente, sans la désinfecter”, assure le prêtre.
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Il ne voit pas l’origine de leur misère ailleurs que dans un dérèglement moral, et en particulier dans l’égoïsme des plus riches. Aux Philippines, la situation des pauvres ne s’améliore pas, alors que le pays connaît une croissance économique de 4% par an. Le pays ne manque pas d’opportunités pour ceux qui parviennent à retrouver le chemin de l’école. Mais avant cela, il faut sortir les enfants de la rue.
Dans les rues des quartiers pauvres, les enfants participent aux pires trafics, sont confrontés à la drogue et à la prostitution, mais une fois aidés et soutenus, ils redeviennent des enfants comme les autres. Ils se réadaptent à une vitesse surprenante, assure le prêtre, mais l’inverse est vrai aussi, s’ils retombent dans la rue, ils retrouvent leurs mauvaises habitudes ! “Lorsqu’on essaie de sortir un enfant de la rue, on a un peu le sentiment de bâtir un château de carte, il peut s’écrouler à tout moment, et il faudra le relever !”
“Que leurs cœurs se remettent à battre”
Certains s’en sortent très bien. Le prêtre se souvient, en particulier, que l’un de ses élèves avait suscité l’admiration de tous les autres en réussissant le concours de la police. “La moitié des garçons veulent devenir policier”, s’amuse-t-il. Un gamin de 11 ans qui voyait son camarade plus âgé en uniforme assurait que c’était son rêve, avant de conclure avec le plus grand sérieux : “Alors il faudrait que je m’arrête moi-même”.
Chez ANAK, on est certes fiers de ces réussites, mais elles ne doivent pas masquer l’essentiel. Que ces enfants se remettent à aimer “que leurs cœurs se remettent à battre”, exhorte le père Dauchez. Le souvenir le plus prégnant qui l’habite, n’est pas celui d’un surdoué qui aurait décroché un diplôme en or, mais celui de Darwin, un enfant myopathe, mort à l’âge de 17 ans. Il ne parlait jamais de sa maladie mais de “sa mission”, et confiait la fondation dans ses prières. Le père Dauchez se souvient qu’il faisait preuve d’une maturité spirituelle “bluffante”, et entreprend, avec son évêque, les démarches pour l’ouverture d’un procès en béatification.