Rencontre avec Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal.
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Le saviez-vous ? Le Cénacle de Cacouna est en pleine communion avec l’Église catholique locale et soutenu par son évêque Mgr Denis Grondin. Des articles déjà parus et à paraître sur Aleteia dans les semaines à venir l’expliqueront. Cependant, certains centres où sont proposées des agapèthérapies ont soulevé des problèmes et des enquêtes demandées par les autorités ecclésiales y ont été menées. Ce qui n’est pas le cas de Cacouna. [Note de l’auteur]
Mgr Christian Lépine a invité le pape François à venir célébrer le 375e anniversaire de la ville en 2017.
Comment analysez-vous la sécularisation de votre pays ?
Comme partout en Occident, la difficulté majeure ici est le sécularisme, j’entends par là la sécularité, c’est-à-dire l’indépendance de la création et de la société dans sa relation à Dieu. Chez d’autres on parlerait du laïcisme qui préfère un monde sans Créateur trouvant même insupportable toute référence au divin. Le seul antidote à cela est l’annonce du Christ qui réconcilie la vision de l’Homme et de Dieu. Je reste persuadé que la façon dont on voit Dieu a une incidence sur la façon dont on voit l’être humain. Si on imagine Dieu comme étant l’ennemi de l’Homme on pourra se retrouver avec un monde incapable d’accepter l’être humain. Il se pourrait qu’on voudrait même changer l’humanité au-delà de ce pourquoi elle a été créée. L’État développe son propre crédo avec la laïcité et se ferme à toute religion en proclamant sa “neutralité”. Souvent dans les débats sociétaux, notamment sur la fin de vie, que ce soit un médecin, un laïc ou autre qui fera valoir le caractère sacré de la vie de sa conception à sa mort naturelle, il se fera mettre de côté quasi automatiquement. En réalité aujourd’hui le croyant animé par sa foi, même sans en faire état, est un citoyen de seconde zone.
Dans quelle mesure composez-vous avec le multiculturalisme ?
Montréal est multiculturelle depuis plusieurs décennies et nous parlons ici de “vivre ensemble”. C’est une réalité sociale qui évolue et qu’on essaye d’accueillir pour apprendre à vivre avec. Dans le sécularisme ambiant les catholiques eux-mêmes sont affectés, mais dans le multiculturalisme chacun peut au moins vivre sa foi. Donc les catholiques sont toujours présents mais il est vrai qu’ils n’ont plus la même visibilité. On observe qu’il y a de moins en moins de place pour Dieu sur la place publique, mais y en a-t-il encore pour l’Homme dans toutes ses dimensions, corporelles et spirituelles ? Si le spirituel n’a pas sa place ça veut dire que l’être humain n’a pas sa place. Ce n’est plus uniquement Dieu qu’on chasse, mais l’Homme lui-même. Il ne faut pas démissionner de l’annonce de Jésus-Christ ! Ce n’est pas seulement un nom ou un concept qu’on proclame, mais c’est une Personne qu’on est appelé à rencontrer.
Par quels moyens évangélisez-vous ?
Entre autres je pousse mes prêtres à remettre l’Adoration Eucharistique au cœur de la vie paroissiale, car c’est là que la rencontre se fait avec le Christ. Depuis plusieurs années, les communautés nouvelles et quelques paroisses font cette expérience qu’inviter à l’Adoration est un acte d’évangélisation. Il faut que nos églises aient leurs portes ouvertes et osent proposer l’expérience de Dieu.
Que faites-vous pour la jeunesse dans votre diocèse ?
Nous devons beaucoup à Jean Paul II grâce aux JMJ de Denver en 1993 aux États-Unis. Depuis ce temps-là, de nombreux groupes de jeunes ont participé à chacun de ces grands rassemblements, faisant naître des vocations religieuses et sacerdotales mais aussi des mariages de jeunes qui se sont rencontrés là-bas ! La veille du dimanche des Rameaux, nous organisons tous les ans des JMJ diocésaines qui sont très appréciées. Je remarque que nos jeunes sont très présents quand on leur propose des confessions et l’Adoration du Saint Sacrement. Ils sont aussi sensibles aux formations sur la théologie du corps de Jean Paul II, ils en ont une grande soif et nous essayons d’y répondre au maximum. Nous avons aussi des groupes scouts encore en activité mais ils ne sont plus autant établis qu’avant.
Comment percevez-vous le pape François ?
En février 2016, avec le maire de Montréal, nous lui avons chacun remis une lettre d’invitation pour qu’il vienne nous voir en 2017 pour le 375e anniversaire de la ville. La fondation de Montréal était d’abord un projet missionnaire et le premier nom qu’elle ait eu pendant vingt ans était Ville-Marie, alors nous attendons la réponse en espérant que ça puisse donner un nouveau souffle à l’évangélisation. Sinon aux JMJ de Rio en 2013, il disait qu’il fallait construire une “civilisation de la rencontre” et j’ai trouvé cette parole très forte à deux égards : d’une part avec ce mot “civilisation” employé auparavant par Paul VI qui évoquait la “civilisation de l’amour”, et Jean Paul II “une civilisation de l’amour et de la vérité”. Il est dans la continuité de ses prédécesseurs. L’autre aspect est sa capacité à parler par ses gestes. C’est une manière pastorale qui est une invitation à la rencontre et à l’accompagnement. Il nous conduit à Jésus-Christ en rejoignant l’humain au cœur de sa vie, c’est un magnifique exemple à suivre.
Propos recueillis par Sabine de Rozières