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Lundi 31 octobre, le général libanais a été élu président de la République du Liban.
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Lundi dernier, le général Michel Aoun, chef du Courant Patriotique Libre (CPL), a finalement été élu président de la République du Liban après deux ans et demi de vacance du poste en raison de désaccords politiques profonds entre les différentes forces politiques du pays, sur la question syrienne notamment.
Un chrétien à la tête du pays donc. Ce qui pourrait être étonnant dans la région est en réalité une tradition de longue date. Après deux décennies de violences interreligieuses qui culminèrent avec le massacre de milliers de chrétiens au Liban et à Damas, la France intervint militairement et imposa en 1861 la mise en place d’un statut particulier pour le Mont-Liban. Une région semi-autonome fut ainsi créée et son administration confiée à un fonctionnaire ottoman obligatoirement chrétien. Pour le soutenir dans cette délicate tâche, un conseil composé de notables libanais est mis sur pied. Les postes de ce conseil seront bientôt répartis entre les communautés du Mont-Liban, en fonction de leurs poids démographiques respectifs. Ainsi naît le système confessionnaliste libanais dont la logique fut reprise par la France durant la période mandataire, non seulement au Liban mais également dans la Syrie voisine.
Au moment de l’indépendance du Liban, en 1943, les élites politiques de l’époque décident de maintenir cette logique de répartition du pouvoir entre les différentes communautés du pays afin qu’aucune d’entre elles ne soit privée de représentation. Un pacte national est alors conclu, garantissant à chacune un certain nombre de place au sein de l’administration, de l’armée, du parlement, du gouvernement et jusqu’au sommet de l’État. C’est ainsi que les chrétiens maronites, alors principale communauté du pays, héritent de la fonction présidentielle, par un accord tacite.
Le président doit être maronite, selon un accord formulé en 1943
En 1989, les accords de Taëf reviendront partiellement sur les termes de ce pacte national en transférant un certain nombre de pouvoirs de la présidence de la République au chef du gouvernement, obligatoirement sunnite, et au chef du parlement, nécessairement chiite. Ces accords prévoyaient également une période de transition avant l’abolition du pacte national et du confessionnalisme politique… L’idée fut toutefois abandonnée et la présidence de la République libanaise est donc toujours réservée à un membre de la communauté maronite. Ce qui explique encore aujourd’hui l’élection du maronite Michel Aoun.
Mais qui est ce Michel Aoun dont tout le monde connaît le nom ?
Cet ancien général de 81 ans retourne dans le palais présidentiel aujourd’hui, vingt-six ans après en avoir été chassé par l’armée syrienne alors qu’il dénonçait, en tant que principal arbitre de la politique libanaise, l’occupation syrienne de son pays.
En 1988, le président Amine Gemayel quittait le pouvoir sans successeur et nommait donc le général Aoun — alors chef d’une unité d’élite multiconfessionnelle — à la tête d’un gouvernement militaire chargé s’assurer l’élection d’un nouveau président. Le général restera alors deux ans au pouvoir, période pendant laquelle il lancera « la guerre de libération » contre l’armée syrienne présente au Liban — en vain. Mais il tentera également de désarmer les Forces libanaises (FL) alors dirigées par Samir Geagea : la guerre terrible est un désastre pour la communauté chrétienne du pays et les jeunes générations chrétiennes ont parfois du mal à pardonner à ces deux chefs d’une guerre fratricide.
Un allié du Hezbollah pro-syrien depuis 2006
Devant ces deux échecs, Michel Aoun s’exile alors en France. Et c’est en 2006, un an après le départ des troupes syriennes provoqué par des rassemblements populaires massifs, que l’ancien général rejoint son pays. Quelques mois après, il concluait un accord avec le Hezbollah, principal parti chiite, pourtant ouvertement pro-syrien. Une « alliance » aussi pragmatique qu’inattendue qui permit au mouvement du général Aoun de s’imposer rapidement comme un acteur incontournable du jeu politique libanais, notamment dans la rue chrétienne.
Mais la figure de Michel Aoun, de plus en plus présidentiable ces derniers mois, n’était pas une évidence il y a encore quelques années. Il a récemment reçu les soutiens assez improbables, en plus de celui du Hezbollah, de deux de ses adversaires politiques : le chef chrétien maronite des Forces libanaises Samir Geagea et l’ancien Premier ministre musulman sunnite Saad Hariri. Tous deux sont hostiles au Hezbollah et au président Assad, contrairement au général Aoun. Il a donc été élu au second tour par 83 voix sur les 127 députés présents, lors de séances assez agitées, aux dires des observateurs présents.
L’unité — au moins politique — semble donc s’être faite autour du nouveau président. Une nécessité absolue dans un pays de quatre millions d’habitants aujourd’hui secoué par la présence de plus d’un million et demi de réfugiés syriens. Une présence qui fait en effet craindre le pire à certains : la présence de centaines de milliers de réfugiés palestiniens avait été l’une des causes de la guerre civile libanaise.
Des défis immenses attendent Michel Aoun
« Nous devons nous assurer du retour rapide dans leur pays des déplacés syriens et œuvrer pour que les camps de déplacés ne se transforment pas en zones hors de contrôle », a déclaré le général Aoun lors de son intronisation. Une parole de bon sens étant donné le nombre et le poids que ces réfugiés font peser sur un pays à bout de souffle sur les terrains politique et économique.
De nombreuses réformes s’imposent par ailleurs, à commencer par une lutte sérieuse contre la corruption qui gangrène tous les secteurs et bloque de nombreux services dans le pays. Les Libanais qui souffrent depuis des mois d’une insupportable crise des ordures attendent une main de fer sur ces sujets très concrets.
Mais le président libanais a aujourd’hui un rôle d’arbitre plus que de décisionnaire, et il reviendra donc au Premier ministre de travailler activement. Le nom de Saad Hariri, chef du Courant du Futur, circule déjà. La réponse devrait arriver jeudi soir, date à laquelle Michel Aoun annoncerait le nom du chef du gouvernement.