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Une occasion de redécouvrir ce que signifient la sainteté, le Salut, le purgatoire, la communion des saints et la résurrection des morts.
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Comme chaque année le 1er novembre, les chrétiens célèbrent la fête de tous les saints — la Toussaint. C’est quelque chose qui, étrangement, résiste à la sécularisation. Comme Noël, Pâques et la Pentecôte, ce jour demeure férié dans la quasi-totalité des pays de la vieille chrétienté qui déclarent mortes et stériles leurs racines religieuses.
“La Toussaint, c’est une occasion de se souvenir que la mémoire de Dieu n’est pas sélective”
Les homélies du jour ne manqueront pas de rappeler que les saints, ce ne sont pas uniquement ceux qui sont au calendrier et donnés en modèle. Car c’est aussi et (même proportionnellement surtout) la masse incalculable des inconnus et des oubliés qui ont été sanctifiés. Entendons par là qu’ils ont été rendus saints, c’est-à-dire assez purs pour être proches de Dieu en qui rien n’est corrompu par son contraire ni divisé comme chez Satan (cf. Lc 11, 18). Les saints sont donc tous ceux qui ont été sauvés des contradictions où s’empêtre et se détruit l’homme qui entend se passer de son Créateur. Ils ont été littéralement unifiés en se laissant unir à Dieu par leur appartenance à l’Église, leur foi et leurs œuvres.
L’historiographie est impuissante à recenser tous ces gens, autrement dit à mesurer l’ampleur du Salut. Et il y a encore tout ceux auxquels leur droiture, même si elle n’était qu’instinctive, a épargné l’auto-démolition bien qu’ils n’aient pas pu recevoir le baptême parce qu’ils étaient nés trop tôt ou en un lieu où ils n’avaient aucune chance que cette grâce leur soit concrètement offerte.
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La Toussaint, c’est donc une occasion de se souvenir que la mémoire de Dieu n’est pas sélective comme la nôtre et ne perd rien ni personne de vue en chemin. C’est aussi une incitation à s’aviser que les morts, s’ils n’existent plus sous nos yeux, n’ont pas été dissous dans un néant où tout serait désormais indifférent. Ce serait donc une erreur aussi bien de les croire insensibles que de rester nous-mêmes insensibles à leur sort — qui sera d’ailleurs un jour le nôtre. Ceci veut dire que nous pouvons et devons d’une part prier pour eux, pour autant que leur sanctification, autrement dit leur purification, n’était pas achevée à leur décès – et c’est ainsi que nous pouvons comprendre le purgatoire. Mais nous pouvons aussi, d’autre part, leur demander, même s’ils ne peuvent pas nous répondre, de prier pour nous, dans la mesure où ils sont toujours capables d’espérer non seulement pour eux-mêmes, mais encore pour ceux qu’ils ont aimés et où l’oreille de Dieu (si l’on peut dire) n’est pas plus filtrante que sa mémoire.
“En priant pour les morts (…) nous sommes entraînés à participer à l’œuvre du Salut”
Parce que rien n’assure que tous les morts sont déjà des saints, l’Église propose de prier pour tous les défunts, quels qu’aient été leurs mérites et leurs manquements, dans le prolongement immédiat de la Toussaint : le lendemain. Il s’agit bien sûr d’abord de prier pour ceux – les proches que nous avons perdus – dont nous savons qu’ils ont irréversiblement contribué à faire de nous ce que nous sommes. Dieu ne s’est pas servi d’eux comme des produits jetables pour nous créer et nous unir à lui en nous délivrant de nos contradictions. Comment ne pas désirer pour eux la sainteté à laquelle, fût-ce malgré eux, ils nous permettent d’aspirer et que Dieu, à qui nous désirons être unis, ne veut pas moins pour eux que pour nous ?
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Il s’agit ensuite de ne pas craindre de solliciter leur aide, s’il est vrai qu’ils n’ont pas été engloutis dans un vide, mais existent et ressentent encore, immatériellement et pourtant réellement, dans l’attente de la résurrection promise au dernier jour, qui ne sera pas une recréation ex nihilo. C’est quelque chose qui défie notre imagination et fait pourtant partie intégrante et nécessaire de notre Credo. En priant pour les morts, en leur demandant d’intercéder pour nous, en montrant ainsi nos enfants ce qu’ils seront à leur tour appelés à faire, nous sommes entraînés à participer à l’œuvre du Salut et commençons à en bénéficier. C’est ce que l’on appelle la communion des saints.
“Si les morts ne comptent pas, s’ils n’ont pas droit à la dignité humaine, à l’existence humaine, la religion perd son sens”
Mais nous sommes aussi invités à cette occasion à nous ouvrir bien au-delà de ce qui s’impose immédiatement à nous, et à percevoir les dimensions cette communion des saints : la solidarité que Dieu veut et rend possible entre tous ses enfants ne se tisse pas simplement dans l’espace au moment que nous vivons, mais encore à travers le temps. La Révélation chrétienne répond ici à deux aspirations qui fondent la dignité de l’homme dans le monde : en premier lieu, l’intuition que la réalité excède ce qu’il peut en connaître et maîtriser ; et, par-delà, le pressentiment tout est conçu non comme une mécanique complexe au point d’être finalement incompréhensible, mais selon une gratuité d’une rigueur logique sans faille, qui n’invite pas la raison à abdiquer mais la stimule.
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C’est ce que le cardinal Lustiger a fort bien exprimé en 1987 dans Le Choix de Dieu : « Je ne vois pas ce que pourrait signifier l’universalité d’un Salut qui n’engloberait pas autant les morts — ceux que nous appelons les morts — que les vivants. La totalité des hommes, c’est la totalité de ceux qui, quelque part, sont dans la conscience divine, dans le cœur de Celui qui est le Créateur et le Rédempteur de tous. Faute de quoi, nous ne sommes qu’un tourbillon de moucherons engloutis par le devenir et par le temps. Si les morts ne comptent pas, s’ils n’ont pas droit à la dignité humaine, à l’existence humaine, la religion perd son sens. La condition humaine ne se ramène pas à la condition biologique qui, elle, est périssable, précaire et sans cesse remise en cause, et selon laquelle l’existence individuelle est moins stable que l’existence de l’espèce. Cette vision, au fond matérielle, ne permet de rendre compte ni de l’esprit humain ni de l’espérance dans l’homme ».
La tentation est grande aujourd’hui en nos pays « riches » de se résigner à ce que l’homme ne soit qu’un accident dans une histoire qui n’a pas de sens. C’est contre cette démission que la Toussaint et le jour des morts nous appellent à croire et à dire que la grandeur de l’homme n’est pas de se soumettre à l’absurde en affirmant orgueilleusement qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion puisque lui-même n’est pas aux commandes, mais d’ouvrir humblement son intelligence en acceptant de recevoir pour donner et d’être ainsi uni au Créateur et Sauveur.