“Il est plus amusant de porter un chapeau à leurs noces que le casque bleu dans leurs conflits.”
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C’est la guerre du Biafra en 1967 qui vit naître le devoir d’ingérence humanitaire, pour venir en aide aux millions de victimes d’une famine sans précédent. On se souvient de Bernard Kouchner et ses sacs de riz, et de la fondation de Médecins sans frontières. En 2017 l’Europe vit elle aussi une catastrophe humanitaire sans précédent, dans l’indifférence généralisée, comme la famine en Afrique. Catastrophe du délitement du lien familial, des enfants qui n’auront jamais eu leurs deux parents.
Ce drame fait moins de bruit, il est pourtant tout proche de nous, celui des familles en souffrance, de ces couples malheureux qui se déchirent ou s’ignorent. Ces hommes qui dorment tous les soirs sur le canapé sans personne à qui oser le dire et se résignent, peut-être votre voisin de palier ? Ces couples dont vous étiez peut-être le témoin de mariage il y a quelques années, que vous ne voyez plus mais dont vous savez que… mais cela ne vous regarde pas, et puis ils ne vous ont rien demandé non plus.
Alors vous continuez votre vie, et puis un jour vous apprenez que ce vieux couple d’amis divorce. Au mieux, cela vous peine, et puis vous pensez quel ennui, qui allons-nous continuer à inviter à nos dîners, elle ou lui ?
Pourtant vous êtes généreux, aidez vos voisins malades ou cet ami à refaire son CV. Mais un couple qui va mal, cela met mal à l’aise, vous renvoie peut être à vos propres interrogations. Et puis comment les aider, vous n’êtes pas psychologues, vous.
Osez dire la vérité à ses amis
Et pourtant vous pouvez tellement pour ces couples en souffrance que vous côtoyez, qui portent beau et répondent pour la dixième fois de l’heure “ça va très bien merci” à ceux qui demandent de leurs nouvelles sur le marché le dimanche matin. Mais les aider comment, concrètement ? Déjà en parlant de vous, en vérité. Les dîners en ville ne sont pas des émissions de télé-réalité, mais la bonne image que chacun se croit obligé de donner n’est-elle pas encore plus décourageante pour ceux dont la vie n’est pas un long fleuve tranquille ?
Oseriez-vous passer une heure avec cet(te) ami(e) et lui dire que vous vous sentez démuni pour l’aider, mais que vous lui offrez du temps et de l’empathie ? Iriez-vous revoir ce couple de votre bande d’amis pour leur dire que se faire accompagner par un professionnel n’est pas une preuve de faiblesse mais de courage ? Auriez-vous le courage de parler d’homme à homme avec ce copain dont la conduite choque tout le monde, sans que personne ne le lui dise ?
Cet automne un vieil homme est mort seul à l’hôpital, ayant depuis quelques semaines enfin osé porter plainte contre sa femme pour sévices. Il n’est pas encore enterré que les langues se délient dans le village : madame n’était pas commode, les voisins avaient entendu des cris. On entendait même sur le marché : “Il paraît qu’elle bat son mari”.
L’ingérence équilibrée
Il est parfois plus facile de donner de l’argent contre la famine que d’oser faire de l’ingérence dans les couples de nos amis. Il est plus amusant de porter un chapeau à leurs noces que le casque bleu dans leurs conflits. Et pourtant, sommes-nous solidaires de ces couples qui n’en peuvent plus, des ces amis que l’on sent malheureux ensemble ? Sommes-nous de ceux qui leur veulent du bien ou spectateurs ? Plus vous êtes proches et plus il est délicat d’aider, parce que vous n’êtes pas objectif, et que la souffrance que vous voyez vous atteint. Alors déléguez ! Ce couple cap verdien ne remerciera jamais assez leurs enfants, excédés de leurs disputes continuelles, qui les ont envoyés manu militari consulter un thérapeute. Ils auraient pu être blessés ou humiliés, ils en ont au contraire été très touchés, y voyant une preuve d’amour.
Bien sûr l’ingérence a des risques, et vous verrez peut-être même vos amis se réconcilier à vos dépens. Un autre risque serait celui d’entendre des confidences intimes, voire de susciter à votre insu un report d’affection. Sachez garder la bonne distance et doser votre aide en connaissant vos limites. Pas question de jouer les saint-bernard 24h/24 au risque d’instaurer une relation faussée, voire de tomber dans le triangle de Karpman et de vous transformer en persécuteur.