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Un sujet “si épineux” qu’il finit entre les mains du Conseil d’État, huit siècles après la première crèche vivante publique créée par saint François d’Assise.
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Saint François d’Assise, en créant la première crèche vivante de l’Histoire, en 1223, était loin d’imaginer que ce symbole d’humilité, censé encourager une “nouvelle manière de vivre et d’aimer” aurait été au cœur d’une vraie question d’État. Une mairie peut-elle installer une crèche de Noël dans ses locaux ? Depuis 9h00 du matin, le vendredi 21 octobre, le conseil d’État – une formation de 17 juges et d’un vice-président – a planché sur cette question qui revient ponctuellement dans le débat public.
Le rapporteur public du Conseil d’État, madame Aurélie Bretonneau, a recommandé d’autoriser, sous conditions, l’installation de crèches dans les bâtiments administratifs, estimant que “le contexte de crispation sur la laïcité” ne leur impose pas “d’instruire par principe le procès de la crèche”. Ces conditions seraient : que “cette exposition soit temporaire”, qu’elle ne s’accompagne d’aucune manifestation de “prosélytisme religieux” et qu’elle revête le “caractère d’une manifestation culturelle ou au moins festive”.
Il y a de toute évidence tentative de la part de l’État de donner une “dimension pacificatrice” à une laïcité française jugée de plus en plus “agressive” aux yeux du monde.
Amalgames et contradictions
Dans un pays comme la France, où les notions de tolérance et de laïcité s’amalgament dans les esprits, au nom d’une “sainte neutralité” prêchée par des intellectuels hostiles à tout ce qui pourrait porter atteinte à la république, reprocherait-on à certaines mairies de vouloir faire du terrorisme intellectuel ?
Comment une tradition considérée “un symbole universel”, présentée et accueillie comme “une invitation à l’unité, à la concorde et à la paix”, comme le rappelle le Pape à chaque Noël, peut-il aujourd’hui figurer dans les dossiers jugés “les plus sensibles” par la plus haute juridiction administrative ? Ce symbole est censé véhiculer “un message de lumière, d’espérance et d’amour” et “toucher les cœurs de tous, y compris de ceux qui ne croient pas, parce qu’il parle de fraternité, d’intimité et d’amitié”, aime à rappeler le Saint-Père à chaque fois qu’il reçoit la crèche et le sapin, qui lui sont offerts par une nation diffèrente chaque année, pour orner la place Saint-Pierre.
En mai dernier, le Pape, dans un entretien au journal La Croix, avait souligné les contradiction de cette ” grande fille ainée de l’Eglise … mais pas si fidèle” qu’est la France, aujourd’hui coincée entre sa “laïcité exagérée, héritée de la révolution”, et la multitude de “grands saints” qui ont fait sa gloire.
Qui ça dérange ?
Il faut dire que toutes les enquêtes montrent l’attachement des Français aux crèches de Noël. On se souvient du jugement rendu à Bézier, en 2015, déclarant désormais “impossible” toute action visant à interdire l’installation d’une crèche à l’hôtel de ville; se souvient des remous suscités en Vendée après la décision du tribunal administratif de Nantes d’interdire la crèche de Noël dans le hall du Conseil général de Vendée, désavouée massivement par l’opinion publique (à 88%); et de la bouffée d’air frais qu’avait constitué, en pleine polémique des crèches en France, la réaction d’habitants d’une petite commune américaine qui s’étaient rebiffés contre l’annulation de leur crèche locale: ils en avaient installé plus de 1 000 dans leurs jardins et sur leurs balcons. En France, plusieurs voix se sont élevées contre une “laïcité trop agressive” , d’autres – dont beaucoup de non-croyants – ne voient pas en quoi cela dérange que “ce symbole soit une coutume pour beaucoup de monde”.
Pourtant la question divise toujours, certains médias n’hésitant pas à parler d’une vraie “déclaration de guerre” , non pas contre certains maires accrochés à leurs traditions, mais contre les crèches directement. Leur installation sur un lieu public constituerait, selon leurs détracteurs, une véritable “offense” à la liberté de pensée des non-croyants ou des croyants d’autres religions.
Un héritage chrétien et alors ?
Comme relevait l‘essayiste Roland Hureaux, sur Aleteia, “assurément la crèche s’inscrit dans l’héritage chrétien. Mais pour les musulmans, Jésus (Issa) et Marie (Myriam) sont tenus pour des figures très importantes, tout comme l’ange Gabriel (Jibril). La sourate XIX (verset 22) du Coran, dite sourate de Marie, raconte la naissance de Jésus qui est désigné comme un prophète “ni violent, ni malheureux” (verset 32).
“Je suis musulmane et je trouve les crèches adorables. Elles représentent bien plus les festivités de Noël que tout le marketing qui cherche à promouvoir l’achat”, confiait au Figaro une musulmane, après la décision du tribunal administratif de Nantes d’interdire l’installation du symbole du Noël chrétien dans le hall d’accueil du Conseil Général de Vendée. “C’est dire combien s’égarent ceux qui voudraient interdire les crèches dans l’espace public pour ne pas offenser les musulmans”, commentait alors l’essayiste. D’ailleurs, pour lui,” il est peu probable que la disparition des crèches de Noël de l’espace public favorise la paix religieuse en Europe, bien au contraire”.
Surtout si on remonte aux origines de la crèche et à son symbole. Au 13e siècle, saint François d’Assise a marqué Noël de son empreinte, en créant la première crèche vivante publique, à Greccio, petit village italien à flanc de montagne non loin de Rome. C’est donc à lui que l’on doit la diffusion de cette tradition. Loin de vouloir offenser quiconque, le poverello voyait en ce symbole d’humilité, un moyen d’encourager “une nouvelle manière de vivre et d’aimer”. Pour Benoît XVI, Noël c’est “la fête des fêtes” ou ” fête du cœur “, pour François une grande “fête de l’humilité” contre “l’orgueil, la suffisance, la superbe”. De quoi effectivement être terrorisé, huit siècle plus tard !?