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Conversion d’un enfant du siècle. Épisode 2

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Alexis Bétemps - publié le 23/10/16
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“On ne parlait jamais de religion à table lorsque j’étais enfant.”

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Je suis un jeune Parisien de bientôt 25 ans que rien ne destinait à se tourner un jour vers cette chose indistincte et que j’appelais jusqu’à récemment encore « la religion ». Pourtant, depuis bientôt deux ans, je me considère comme catholique – et je serai très prochainement baptisé.

On ne parlait jamais de religion à table lorsque j’étais enfant. En revanche, mon père, militant communiste, commentait très souvent l’actualité politique lorsque nous regardions le journal télévisé du soir. Du plus loin qu’il m’en souvienne, on évoquait le chômage, le référendum sur la constitution européenne ou encore la guerre en Afghanistan. Déjà enfant, mon univers n’avait pas pour seul horizon les quatre murs de ma chambre. Mon père me communiquait beaucoup de sa vision du monde et surtout de sa volonté de le changer.

Ainsi, mon éducation morale ne se fondait pas sur des principes opposant le bien et le mal, mais sur l’idée de justice. Je ne manquais de rien et mes parents me choyaient : ils auraient pu me maintenir dans le confort et la félicité, comme le font de nombreux couples soucieux de protéger leurs enfants de la détresse du monde. Cependant, sans peut-être même s’en apercevoir, ils me firent toujours sentir à quel point ma vie ne devait pas se limiter à cette basse satisfaction que l’on peut éprouver lorsque l’on ne manque de rien.

L’indignation politique de mon père, son enthousiasme pour des causes lointaines et même parfois la mauvaise foi avec laquelle il s’engageait dans des batailles qui me paraissaient n’entretenir avec notre réalité aucun rapport… voilà autant d’éléments qui, petit à petit, ont forgé en moi la conviction un peu naïve que chaque être doit rendre des comptes à ceux qui l’entourent. Le journal que lisait mon père s’appelait L’Humanité, un mot qui me semble toujours compter parmi les plus beaux et les plus puissants de notre langue.


Lire aussi “Conversion d’un enfant du siècle. Épisode 1”


Sans doute une analogie rigoureuse entre le militantisme politique et les valeurs morales de la Bible devrait-elle se limiter à ces vagues principes. Et pourtant, je suis convaincu qu’elle peut être poussée plus loin. J’ai appris, bien des années plus tard, que Jaurès voyait dans le socialisme un accomplissement de l’Évangile, certes incomplet et provisoire. J’ai découvert Marc Sangnier et le Sillon qu’il fonda en 1897 pour faire dialoguer l’Église et les ouvriers, qu’elle avait délaissés.

Je me souviens surtout d’avoir vu, lors de vacances en Champagne, vers mes 8 ans, une vieille femme aveugle qui mendiait des bouts de pain à la terrasse du restaurant où mon père et moi étions attablés. Je me mis brusquement à pleurer, prétextant que ma mère, restée à Paris, me manquait. J’avais honte d’avouer la cause réelle de ce vif et subit émoi. C’était pourtant bien le visage de cette mendiante, sa petite croix autour du coup, qui m’avait fait fondre en larmes : elle brisait chaque morceau récolté en deux, se gardant une moitié et donnant l’autre à manger aux pigeons.

Que même dans la misère on puisse se sentir obligé envers les autres, qu’une mendiante ressente le devoir de partager son pain, fût-ce avec un pigeon, voilà qui m’avait bouleversé. Il y avait là quelque chose de révoltant, qui butait sur la limite de mon sens moral : il était injuste qu’un pauvre ait à aider les autres. Je n’admettais pas qu’on puisse se sacrifier en étant déjà soi-même si meurtri. Mon système, sans mauvaises intentions, ne considérant les pauvres que comme des victimes, leur interdisait la pitié ou la charité, car il n’y voyait qu’une injustice révoltante.

Le geste de cette mendiante était sublime mais douloureux à observer pour l’enfant que j’étais. Sa signification et sa beauté ne m’ont saisi que plus tard, après avoir compris que le désir de justice, s’il lui est utile, ne suffit pas à élever l’homme. Sans le comprendre parfaitement, je crois que c’est cela dont je venais de prendre conscience dans mon accès de larmes.

« Que chacun donne comme il l’a résolu en son cœur, sans tristesse ni contrainte; car Dieu aime celui qui donne avec joie.…»

(2 Co 9, 7)

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