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Notre si Belle Province. L’évêque né sur les rives du Saint-Laurent

Mgr Denis Grondin archevêque de Rimouski à côté du portrait de soeur Elisabeth Turgeon, fondatrice des Soeurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire béatifiée à Rimouski en avril 2015 © Sabine de Rozières

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Sabine de Rozières - publié le 19/10/16
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Rencontre avec Mgr Denis Grondin, archevêque de Rimouski au Canada.

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Le saviez-vous ? Le Cénacle de Cacouna est en pleine communion avec l’Église catholique locale et soutenu par son évêque Mgr Denis Grondin. Des articles déjà parus et à paraître sur Aleteia dans les semaines à venir l’expliqueront. Cependant, certains centres où sont proposées des agapèthérapies ont soulevé des problèmes et des enquêtes demandées par les autorités ecclésiales y ont été menées. Ce qui n’est pas le cas de Cacouna. [Note de l’auteur]  

Pour Mgr Denis Grondin, il était improbable de devenir archevêque de la ville qui l’a vu naître et pourtant ! Depuis 2015, il est à la tête des 103 paroisses du diocèse de Rimouski qui fêtera ses 150 ans en 2017. Rencontre dans cette ville industrialo-portuaire sur la rive sud du Fleuve Saint-Laurent, à l’entrée de l’estuaire.

Aleteia : Comment considérez-vous la sécularisation de votre pays ?
Mgr Denis Grondin
: Il y a beaucoup de deuils à faire au niveau religieux au Québec. La pratique liturgique a nettement diminué depuis quarante ans et représente entre 5 et 10% de la population baptisée se rendant à la messe régulièrement. La difficulté majeure pour les évêques du Canada est que les fidèles sont de plus en plus âgés. Les assemblées fondent et les ministères tournent essentiellement autour des funérailles. La priorité pastorale serait presque l’eschatologie…! Le Royaume des Cieux est déjà à nos portes ! Malheureusement, la transmission de la foi et la prise en charge de la vie communautaire ne sont plus assurées partout. En ville, la relève se fait encore timidement, mais dans nos campagnes la vie communautaire est rendue très difficile. Pays de la simplicité volontaire, il n’en est pas moins devenu celui de l’individualisme, suivant de près notre voisin américain.

Les jeunes sont-ils investis dans votre diocèse ?
Maintenant, les jeunes ont plus tendance à faire des activités sportives ; le scoutisme n’a plus cours car ça demande trop d’investissement des parents et c’est bien dommage. Peu de jeunes sont présents aux messes, nous les accompagnons simplement dans les sacrements de l’initiation. Selon les paroisses, il y a ou non une pastorale de soutien des familles. Les gens veulent donner le meilleur à leurs enfants mais ne se donnent pas le temps d’ouverture à une vie intérieure dans la famille. Jusque dans les années 1960, les congrégations religieuses formaient et soignaient une majeure partie des communautés paroissiales, ce qui permettait aussi d’offrir une instruction catholique. Depuis cinquante ans, le gouvernement a commencé à prendre le relais en finançant hôpitaux et écoles. Toutes les forces vives des congrégations religieuses se réduisent comme peau de chagrin.

Vivez-vous des crises particulières au Québec ?
Il y a plusieurs crises profondes qui sévissent ici mais elles ne nous sont pas spécifiques. Comme partout dans les pays occidentaux, la vie, la fin de vie, la famille et le mariage sont malmenés. Mourir dans la dignité disent-ils… mais de quelle dignité parle-t-on ? Subjectivisme et relativisme sont à l’œuvre. Le Parlement canadien a voté une loi sur l’aide médicale à mourir qui légalise l’euthanasie et le suicide assisté de manière très large. Les évêques du pays ont pourtant pris une large part au débat depuis plusieurs années, mais en vain. Le pays n’est pas épargné non plus par la baisse du nombre de mariages religieux. Les jeunes n’osent plus s’engager sur le long terme, car ils ont peur et sont pris dans une société consumériste qui ne les aide pas à voir grand et loin. C’est un véritable défi pour l’Église de leur redonner confiance et espérance dans leur cœur profond appelé à aimer et à se donner avec la grâce de Dieu.

Comment se compose le clergé local ?
Encore en 1970, subsistait un séminaire à Rimouski où le diocèse a connu jusqu’à 300 prêtres, mais aujourd’hui ils ne sont plus que quatre-vingt dont juste une dizaine à moins de 65 ans. La formation des prêtres pour tout l’est de la “Belle Province” se fait à Québec où nous avons un jeune qui se prépare. D’ici trois ans, il ne restera qu’une douzaine de prêtres en activité pour desservir l’ensemble des vingt secteurs paroissiaux du diocèse. Six prêtres venus entre autres de Colombie, du Congo et du Bénin sont en mission ici mais le challenge reste toujours le même : l’adaptation, aussi bien pour le prêtre que pour les fidèles. Le climat extrême, la culture ou la langue et surtout l’accent… peuvent être un frein à une intégration pleinement réussie. Mais comme ce sont des hommes généreux, ça fonctionne en règle générale et certains ont été incardinés.

Qu’est-ce qui a été mis en œuvre pour lutter contre la pédophilie ?
C’est la foi en l’Église qui est remise en cause quand arrivent des drames pareils. Chez nous, chaque diocèse a mis sur pied un comité, composé de prêtres et de laïcs, qui peuvent être contactés pour recevoir les plaintes et examiner les dossiers. Je pense cependant que nous pourrions faire un effort pour que ces comités soient mieux connus. Pendant trop d’années, les Églises locales n’ont pas su faire le nécessaire pour les victimes, car elles préféraient préserver l’image de l’institution. Une personne consacrée qui est en responsabilité a une obligation d’exemplarité lorsqu’elle combat tout abus de pouvoir. On attend d’elle une cohérence car la confiance qui lui est donnée est plus grande. On ne peut pas justifier les scandales de pédophilie. En revanche, l’apprentissage de la miséricorde, du pardon, de la justice du Royaume et de la Vie en vérité nécessite une transparence dont la communauté doit témoigner.

Comment comptez-vous redonner le goût de Dieu ?
Au cœur du monde, nous sommes appelés à ne pas rester à l’extérieur. En vivant aujourd’hui une sorte d’exil de la pratique, alors que les catholiques étaient majoritaires et établis dans toutes les couches de la population, il subsiste une majorité de baptisés, mais ça ne veut pas dire qu’ils sont christianisés. Faire venir des communautés nouvelles est indispensable pour contribuer à un souffle nouveau. Un noyau est appelé à faire vivre cette expérience de rencontre avec le Christ. Nous devons refonder des petites structures pour que la communauté soit proche des uns et des autres à toutes les étapes de leur vie. Aujourd’hui, l’Église catholique chez nous n’est plus dans l’encadrement comme ce fut le cas auparavant, mais davantage dans la proposition, le témoignage et l’accompagnement. Si l’on prépare dans chaque secteur de Rimouski un noyau de gens convaincus et missionnaires, la communauté deviendra par le fait même plus attirante et source de vocations. Il ne s’agit pas d’embrigader tout le monde, mais d’apporter la joie que donne la rencontre personnelle du Seigneur. Nous voyons des fruits de renouveau grâce au partage de l’Évangile en petits groupes. Enfin, nous constatons la nécessité de prioriser l’approche auprès des adultes et la formation de leaders évangélisateurs. Notre monde a besoin aussi de silence et d’intériorité. Ne faut-il pas fonder des écoles de prière et d’adoration ?

Mgr Denis Grondin archevêque de Rimouski au Canada dans son bureau ©Sabine de Rozieres - 1

Quelle place pour les laïcs ?
Pour suppléer le manque de prêtres, des laïcs en mission comme “agents pastoraux” reçoivent une formation et vont officier lors des cérémonies de funérailles et même, à certains dimanches, lors des “assemblées dominicales en attente de célébrations eucharistiques” (ADACE), avec distribution de la communion, mais il y a tout un débat qui sévit là-dessus. Avec les hivers rigoureux, il est très difficile pour les prêtres d’aller dans chaque communauté célébrer des messes, c’est pour ça que des ADACE sont qualifiées. Il faut cependant trouver un équilibre et un ajustement et ne pas avoir trop recours à cette pratique car le prêtre est important au cœur de la vie ecclésiale.

Certains de vos lieux de culte vont avoir une vocation partagée ?
Érigée en 1862, la cathédrale Saint-Germain-de-Rimouski est actuellement fermée au culte puisque les pierres sont en train de se détacher. Il existe plusieurs projets de restauration mais celui qui semble se dessiner serait une formule non plus uniquement à destination cultuelle, mais également culturelle ou sociale. N’ayant quasiment aucune salle ni sous-sol, la cathédrale n’est pas un lieu de formation ni de réception pour les événements diocésains. L’extérieur ne serait pas transformé, en revanche l’intérieur serait aménageable en fonction des événements. Depuis plusieurs années, à cause des frais d’entretien et de chauffage pour très peu de fidèles, plusieurs églises du diocèse sont devenues des projets mixtes : lieu de culte avec bibliothèque, salle multifonctionnelle, etc. En restant pragmatique, on ne peut pas juste garder des édifices pour les garder, il y a suffisamment d’églises pour le nombre de pratiquants dans la ville. Depuis décembre 2015, suite à l’étude d’un comité, il a été décidé de conserver quatre lieux de culte dans Rimouski : le sanctuaire Sainte-Anne-de-la-Pointe-au-Père, deux églises au centre de la ville et une à l’ouest. La cathédrale est un cas particulier.

Quel regard portez-vous sur le Cénacle de Cacouna qui est dans votre diocèse ?
Le Cénacle s’inscrit dans ces “hôpitaux de campagne” dont parle le pape François. Sœur Yolande et l’abbé Lebel ont été inspirés par l’Esprit pour créer ces agapèthérapies (NDLR sessions de guérison intérieure “par l’Amour”) qui n’offrent pas une démarche psychologique mais bien spirituelle, tout en tenant compte de la psychologie humaine. Ils ont été particulièrement prudents dans leur manière d’accompagner et dans l’exercice de leurs charismes, ce qui a évité toute dérive jusqu’à présent et depuis la création en 1980. Dans le renouveau charismatique, ces agapèthérapies permettent de vivre une véritable évangélisation des profondeurs. De là-bas, on ne revient jamais pareil. Nous sommes en dialogue constant avec eux et ils sont en pleine communion avec le diocèse.

Les premières nations (autochtones) sont-elles chrétiennes ?
Nous avons un prêtre qui apporte les sacrements à un groupe de Malécites situé près de Trois-Pistoles, au sud de Rimouski. Les Hurons, par exemple, ont leur propre structure de gouvernement dans leur réserve, ce qui influence leur manière de conduire la communauté chrétienne, mais on accepte qu’ils la dirigent selon leurs coutumes. Lors des Commissions vérité et réconciliation depuis quatre à cinq ans, nous avons visité les réserves et le gouvernement a demandé pardon pour réparer les erreurs et fautes commises à leur égard. Nous continuons de créer des ponts et d’établir un vrai dialogue avec eux. Ils ont une richesse à nous apporter, notamment dans leurs rapports avec les anciens. Quand il y a des problèmes, ils s’assoient à plusieurs et mettent le doigt sur les soucis pour les régler. C’est beau de voir que c’est toute une communauté qui guérit.

Propos recueillis par Sabine de Rozières

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