Suggérer à l’Église catholique de devenir une démocratie, c’est se méprendre profondément sur… tout, en fait !
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« Il faut qu’il y ait un Printemps catholique, au cours duquel les catholiques eux-mêmes réclament la fin d’une dictature moyenâgeuse et le début d’une forme de démocratie incluant le respect de l’égalité des sexes au sein de l’Église ». Voici le message signé par Sandy Newman, président et fondateur de Voices for progress (Voix pour le progrès, un think tank de la gauche américaine composé « de personnes influentes défendant des causes d’utilité publique ») à l’intention de John Podesta, le président du comité de la campagne présidentielle d’Hillary Clinton.
Podesta – lui-même catholique – lui a répondu que des structures avaient été mises en place pour aller en ce sens. Un titre dans le Washington Post donne à penser que le ton employé dans ces mails obtenus par le biais du site Wikileaks est celui de la plaisanterie, mais en fait il n’en est rien, ces échanges de mails sont on ne peut plus sérieux. C’est aussi d’une ignorance assez choquante.
Je meurs en bon serviteur du Roi, et de Dieu en premier
« Le catholicisme n’est pas une démocratie et n’est pas représentatif d’une quelconque forme de gouvernance terrestre, parce que fondamentalement, la source du catholicisme n’est pas terrestre », m’a dit un jour un enseignant jésuite. « Les douze apôtres ne se sont pas retrouvés à voter pour savoir comment allait s’organiser l’enseignement de l’Église naissante. Ils se sont disputés parfois, mais ils n’ont pas voté. »
À la réflexion, je me suis toujours dit que mon professeur avait omis un élément dans cette histoire de vote. Les apôtres, les premiers Pères de l’Église, les saints, les Docteurs de l’Église… Ils ont tous eu à voter en quelques sortes. Ils ont eu à voter « pour » ou « contre » l’Église instaurée par le Christ, et placée depuis sous l’autorité de Pierre. Ils ont tous voté « pour », pour ainsi dire. Parfois, souvent même, au péril de leur vie. Les catholiques n’ont pas à « réclamer quoi que ce soit pour eux-mêmes », parce qu’ils sont des serviteurs consentants du Christ, leur Roi. Les catholiques sont par essence obéissants.
« Je meurs en bon serviteur du Roi, et de Dieu en premier », avait dit Thomas More alors que son obéissance au Christ l’avait mené à l’échafaud. « Je suis une obéissante fille de l’Église », avait dit Dorothy Day, une journaliste et militante catholique américaine. À la question de savoir ce qu’elle aurait fait si un ennuyeux cardinal lui avait demandé d’arrêter la publication de son journal, le Catholic Worker, elle avait répondu : « J’aurais obéi. »
Lire aussi : “Révélation Wikileaks : Le camp Clinton fomentait le noyautage de l’Église catholique”
Parce que voyez-vous, l’Église n’est pas terrestre, et ce genre d’obéissance trouve sa source dans le Ciel. Ce n’est pas une obéissance irréfléchie, mais plutôt une obéissance fondée et provoquée par un grand sens de la confiance, une confiance qui fait dire : « Je sais en qui je crois. »
C’est une confiance qui, souvent, a été forgée par le feu – par la souffrance personnelle et l’abandon qui mène au triomphe – et par l’Esprit saint.
Les gouvernements terrestres ne peuvent jouir d’une telle obéissance car, étant des institutions terrestres, ils sont composés d’êtres humains (par définition imparfaits). Ces gouvernements sont remplis d’autant de défauts que les humains qui les composent et sont rarement aussi dignes de confiance que ce qu’ils essaient de nous faire croire. Quand la confiance est difficile à installer quelque part, il en va de même pour l’obéissance. C’est la raison pour laquelle ces gouvernements vont forcer la main à cette obéissance quand celle-ci n’est pas offerte gratuitement.
L’Église est, elle aussi, administrée par des êtres humains (et donc imparfaits), qui ont autant de faiblesses que les autres, et sont parfois tout aussi corrompus et indignes de confiance que certains hommes politiques ; cela a été vrai depuis que l’Église existe. Mais ce feu de souffrance humaine et d’espérance, mêlé au souffle incessant de l’Esprit saint permet de transcender l’humain au sein de l’Église. Par le biais de nos creusets personnels, nous sommes tous rattachés au Ciel, et les uns aux autres.
Tout ce qu’a dit Newman dans son mail et la connivence qui ressort des réponses de Podesta montrent une grande méconnaissance. Dire que la sensibilité catholique relève du Moyen-Âge est non seulement obtus, mais c’est aussi – comme toujours chez les humains – idéaliser l’époque dans laquelle on vit et croire qu’elle est meilleure que les précédentes, alors qu’elle n’est ni meilleure, ni pire, ni plus sage qu’une autre. Elle est simplement différente (en surface) de celles qui ont précédé. C’est perdre de vue l’Éternité à cause de l’attrait de la nouveauté d’une époque qui va pourtant passer elle-aussi.
Le pouvoir dans l’Église ? Les femmes l’ont toujours eu !
Quant à la question de l’égalité des sexes, eh bien ! Mettons pour l’instant de côté le nombre croissant de femmes canonistes, de responsables diocésaines, de théologiennes et de conseillères au Vatican, il en sera question une autre fois. Mais hormis cela, le mois d’octobre s’est ouvert sur la célébration de la vie d’une des plus « grandes » femmes docteur de l’Église, sainte Thérèse de Lisieux. Le 15 octobre, nous en célèbrerons une autre, sainte Thérèse d’Avila, une femme fondatrice, réformatrice, écrivain. Il y a quelques semaines à peine nous fêtions Hildegard de Bingen, elle aussi docteur de l’Église, une abbesse allemande qui a laissé derrière elle des écrits, des méthodes de soins et des compositions musicales. Ce week-end aura lieu la canonisation d’Élisabeth de la Trinité, une autre femme de lettres et musicienne, qui a elle aussi voté « oui » pour suivre le Christ et son Église. Elle ne sera pas la seule à être canonisée dimanche. Qui sont les autres futurs saints ?
- Jose Sanchez del Rio n’était qu’un enfant mais il servait les pauvres et les gens opprimés à cause de leur foi. Il a donné sa vie pour eux.
- Salomone Leclercq a été tué pendant la Révolution française car il a refusé de prêter allégeance au nouveau gouvernement.
- José Brochero est un prêtre qui est allé à la rencontre des plus pauvres pour partager leur vie. Il est mort aveugle et lépreux.
- Lodovico Pavoni et Alfonso Maria Fusco sont deux prêtres qui ont décidé d’offrir une éducation aux adolescents pauvres et abandonnés, les rejets de la société en somme.
Comme vous pouvez le voir, d’une manière qui lui est propre et en dehors de toute considération terrestre, le catholicisme est merveilleusement démocratique (si tant est que l’on puisse le qualifier ainsi) : tout le monde, en dépit de sa classe sociale, de son éducation, de son pays d’origine a l’opportunité de voter « pour » ou « contre », et c’est un vote qui libère.
Ce choix du « oui » rend libre d’offrir ses dons au Roi. Cela consiste à identifier où résident des besoins matériels et spirituels et à essayer d’y pourvoir en venant en aide aux personnes nécessiteuses qui nous entourent.
Ce choix rend libre de s’élever contre tout ce qui viendrait entraver cette liberté de servir ceux qui sont dans le besoin, par exemple des gouvernements.
Ce choix rend libre de mourir pour faire connaître cette liberté forgée dans l’épreuve.
Les mots de Podesta et consorts parlent d’eux-mêmes. Les personnes intelligentes les comprennent, nul besoin d’en rajouter. L’Église catholique n’est pas une démocratie, et ne peut pas l’être, puisqu’elle a été créée et fonctionne par la volonté d’un Roi, le Tout-Puissant, qui se situe bien au-delà de n’importe lequel de ses serviteurs ou administrateurs.
L’Église est éternelle car son fondateur est éternel et qu’il est toujours vivant en son sein, par Sa présence dans les tabernacles du monde entier. Il est présent à travers les gens qui portent le message du Christ à travers le monde jour après jour, à travers le service aux autres, les œuvres de charité, à travers des innovations, des œuvres artistiques, des encouragements et de la compassion.
Les catholiques qui se sentent agacés par les mots de Podesta et de cette chaîne de mails (présentant les « défenseurs de l’intérêt général » comme des gens assez fermés aux motivations douteuses) ne devraient vraiment pas l’être. « Si le monde a de la haine contre vous, sachez qu’il en a eu d’abord contre moi », nous a dit le Christ (Jn 15, 18). Toujours est-il que cette échange de mails nous donne vraiment à voir qui appartient uniquement au monde, et elle nous adresse sans le vouloir un compliment. D’une certaine manière, ces gens reconnaissent que nous appartenons à quelque chose qui ne rentre pas pleinement dans un cadre, et que rien ne peut nous détourner de l’appel de Celui qui nous libère.
Sommes-nous dignes de cette reconnaissance ? C’est une question que chacun doit se poser dans son cœur.
« Tous les desseins de Dieu sont pour le bien ; bien que nous puissions avoir de mal à le comprendre, nous pouvons y croire. » Saint Philippe Neri