Trois questions au père abbé de la communauté de Sept-Fons sur la formation philosophique des moines.
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Le saviez-vous ? Le Cénacle de Cacouna est en pleine communion avec l’Église catholique locale et soutenu par son évêque Mgr Denis Grondin. Des articles déjà parus et à paraître sur Aleteia dans les semaines à venir l’expliqueront. Cependant, certains centres où sont proposées des agapèthérapies ont soulevé des problèmes et des enquêtes demandées par les autorités ecclésiales y ont été menées. Ce qui n’est pas le cas de Cacouna. [Note de l’auteur]
Dom Patrick Olive, le père abbé de l’abbaye trappiste Notre-Dame de Sept-Fons en Auvergne vient de célébrer à Paris la messe de rentrée universitaire de l’Institut de Philosophie Comparée (IPC ou Faculté Libre de Philosophie et de Psychologie), qui assure la formation de très nombreux moines en philosophie.
Ne pouvant se déplacer pour suivre les cours avec le reste des étudiants de l’IPC, les trappistes ont mis en place avec la faculté un système de cours par correspondance. Ils suivent ainsi le même cursus universitaire de trois ans mais de manière aménagée. Ainsi l’obtention du diplôme se fait sur un temps plus long afin que la densité de la formation s’adapte à leur rythme de vie ponctué des sept offices quotidiens.
Aleteia : Outre ses 300 étudiants, l’IPC assure la formation de très nombreux moines et moniales. N’est-ce pas paradoxal que les moines aient besoin de se former à la philosophie ?
Dom Patrick Olive : Non seulement ce n’est pas paradoxal mais c’est même fondamental pour notre existence ! Nos vies de consacrés ne nous empêchent pas d’avoir des questions existentielles et personnelles. Il m’apparaît indispensable que tous ceux qui en sont capables puissent avoir une structure intellectuelle pour réfléchir sans aller dans tous les sens. Faire de la théologie sans un bon instrument philosophique ne permettrait pas une analyse et une réflexion pertinente. Il y a encore 40 ou 50 ans nous avions, au sein de l’abbaye, des professeurs de philosophie, théologie et Écritures Saintes mais avec la crise de l’Église et des vocations, nous n’avons pas eu de renouvellement. Nous nous sommes donc retrouvés dans la nécessité de faire appel à l’aide extérieure pour la formation mais un bon modus operandi était à déterminer pour que nos moines puissent étudier depuis l’abbaye et que les cours correspondent à nos besoins.
Quelle est votre référence chez les philosophes ?
Puisqu’une bonne philosophie est une philosophie réaliste, cela fait plus de 25 ans que nous avons opté pour l’IPC en raison de la qualité de ceux, parmi leurs enseignements, qui explicitent de manière féconde les écrits de saint Thomas d’Aquin. Le “Docteur Angélique” a su faire vivre l’œuvre d’Aristote et la reformuler pour établir sa théologie ; c’est pour moi l’instrument le plus adéquat qui permet de réfléchir en profondeur sur les choses de la foi. Je crois que la philosophie est un fondement indispensable à toute vie humaine, que ce soit en famille, en entreprise mais aussi dans une communauté monastique. Peu d’instituts se consacrent à aider les hommes à acquérir une intelligence structurée pour pouvoir faire ces travaux là et par là même dialoguer avec le monde contemporain.
Quel est le “plus” de l’IPC ?
Grâce à cette formation proposée à nos moines depuis bientôt trois décennies, nous nous sommes aperçus qu’avec l’IPC nous n’apprenions pas la philosophie mais nous apprenons à penser, ce qui est bien plus fondamental. Les frères ne se contentent pas de devenir des perroquets qui récitent leurs cours — ce qui n’a d’intérêt pour personne — mais cela les “charpente” pour avancer dans leur vie de foi et d’homme en analysant pertinemment le monde dans lequel nous vivons. On n’apprend pas à connaître des notions philosophiques, on apprend à réfléchir et c’est là l’essentiel.
Propos recueillis par Sabine de Rozières.