Des carnets spirituels bien inspirés d’une femme dans son temps.
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Les notes personnelles de Christiane Rancé, qui tiennent du journal et dont la publication font des confidences, ne sont pas à lire d’une traite, comme je viens de le faire, mais au rythme des mois. Elles trouveront alors leur vocation, qui est d’accompagner le lecteur, de lui offrir de quoi nourrir sa propre méditation. Les sujets sont variés, parfois très intimes – les premières pages sont consacrées à la mort d’une sœur très aimée – voyages, lectures, souvenirs, vie quotidienne, une maladie, la contemplation d’un ciel d’été, un concert en la basilique Saint-Denis… Leur traitement n’est pas “intellectuel”, non pas que la vie de l’esprit en soit absente – et comment en serait-il autrement quand on a eu Lucien Jerphagnon pour maître ? – mais le sous-titre est juste, ce sont bien des carnets spirituels.
Une méditation sur l’éblouissement de la nature
À tout propos sont convoqués les grands noms de la littérature, de la musique, de la peinture, avec ceux qui sont de prédilection, Joubert, dès l’épigraphe, Simone Weil ou encore André Suarès. Beaucoup d’autres, poètes surtout comme Arthur Rimbaud, “passeurs”, “témoins de l’Invisible”. À chaque fois le propos ramène à la vie intérieure : un beau paysage en Alsace ou en Grèce, et voici une méditation sur l’éblouissement de la nature enfin “regardée” ; les terrains vagues nés des friches industrielles (excellemment évoqués comme tout ce qui est de nature descriptive), le progrès à la merci de la convoitise et du gaspillage, et le sens de l’appel au voyage “à l’approche d’une autoroute ou d’un aéroport”; la vertu du travail, la puissance de l’amour. Et, dans les crises, une trahison, un abandon, la perte d’une petite fille un Jeudi saint, c’est le combat de l’âme en sa nuit. L’emporte la foi, et la sainteté vécue pas à pas sur un chemin.
Que Christiane Rancé – et le lecteur – me pardonne cet inventaire. Il est incomplet et maladroit. Ce recueil est autrement riche et subtil. Chaque lecteur fera ses propres choix. J’aimerais, pour finir, faire les miens : les pages sur la peinture théologique de Poussin, l’analyse du Frankestein de Mary Shelley, l’hommage à Germain Nouveau sur les pas de Benoît Labre et combien d’autres… mais puisqu’il faut finir, terminons alors sur ces pages lumineuses, sur les langues dites “mortes” qui nous tiennent vivants : “S’il y avait une réforme à faire dans un esprit de libération universelle des chaînes, des peurs, des superstitions, des tyrannies et de tous les totalitarismes, elle commencerait par l’enseignement pour tous du grec, du latin, de l’art et de la musique classique, dès le plus jeune âge. Ils sont les meilleurs outils, les outils fondamentaux pour penser et se choisir, et dès lors pour s’assembler et s’unir”.
En pleine lumière Carnets spirituels, par Christiane Rancé, Albin Michel, 234 pages, 16 euros.