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Il y a quelques années, Jean-Robert Ouimet donnait une conférence dans une école de commerce parisienne prestigieuse. De futurs dirigeants, cadres ou simples intéressés étaient venus l’écouter exposer sa vision du management chrétien. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il est Québécois et multimillionnaire depuis sa naissance et a repris l’entreprise de son père, Cordon Bleu inc. Déambulant sur l’estrade en vêtement de voyage, distribuant ses regards bleus à l’assemblée subjuguée tout en parlant commerce, il dévoila une très belle histoire de sa vie.
La rencontre qui changea sa vie
Ce chef d’entreprise chrétien était venu pour présenter Notre projet, sa méthode de management inspirée de la doctrine sociale de l’Église. Diplômé d’HEC-Montréal et docteur en Sciences économiques et sociales, son but était de prouver la possibilité d’allier performance et spiritualité. Il engageait tous ses employés dans cette voie et mettait un point d’honneur à rencontrer chacun d’entre eux, malgré leur nombre important. Plaçant l’Amour de Dieu au-dessus de tout, il lui soumettait ses décisions et lui ordonnait son système de management. Il était persuadé que c’était la meilleure manière d’obtenir des résultats. Dans les faits, il voulait favoriser le bien-être des employés en même temps que leur productivité. Et il s’engageait lui-même à aller à la messe tous les jours pour être cohérent.
Il prit cette décision après avoir rencontré Mère Teresa pour la première fois. Têtu et borné, il était enfin parvenu à la voir. Et pourtant il n’obtint pas la réponse espérée quand il posa sa question : "Mère, est-ce que je dois Lui donner tout ce que je possède ?" L’affirmative lui aurait parue plus simple que d’ordonner sa vie à l’amour.
La sainte lui répondit qu’étant marié, il devait mettre sa femme à la première place. Ayant des enfants, qu’il leur donnerait la deuxième. Et enfin, étant patron, qu’il mettrait ses employés à la troisième place. Tout un programme et surtout beaucoup de réorganisation pour un homme qui avait tout fait à l’envers. Mais l’Eucharistie tous les jours fut sa première résolution, pour ne pas échouer. Et il continua à correspondre avec la religieuse missionnaire.
"Qu'as-tu fait de tes talents ?"
Ses paroles vibraient parmi l’auditoire, peut-être était-ce parce qu’il commença son intervention par un temps de silence, au cours duquel il prit le temps de regarder chacun. Pendant ce temps, sa femme était à l’hôpital à Paris, gravement malade. Il en vint alors à nous raconter les réorganisations auxquelles il dû faire face aussi dans sa vie privée, pour préserver son mariage. La trentaine bien passée, il rencontra enfin sa femme, celle qu’il attendait depuis longtemps. Plus tard, son attitude et ses écarts les poussa plusieurs fois à la limite du divorce. Mais le pardon finissait toujours par gagner malgré de lourds reproches. Ils allaient se promener, seuls, se taisaient, et un mot léger venait désamorcer la bombe. Il en était fier de cette victoire, d’avoir tenu, et de pouvoir, à près de 80 ans, nous dire combien l'état de santé de sa femme le préoccupait. Enfin, il était fier pour la leçon donnée à ses quatre enfants, à qui il souhaitait de ne jamais divorcer.
C’est sans doute ce dernier témoignage qui a démontré à quel point il sut suivre à la lettre les conseils de Mère Teresa, malgré leur exigence et en dépit de l’argent, du pouvoir, des talents qu’il possédait. Car cette phrase ultime lui revenait souvent : "Qu’as-tu fait de tes talents ?", et il n’était pas question pour lui d’en faire mauvais usage. Il est toujours revenu à ses premiers devoirs.
A la fin de sa présentation, ce n’était pas le millionnaire qui rencontrait les gens, ni même le patron, c’était l’homme, qui demandait de prier non pas pour lui mais avec lui, de la profondeur de son regard d’acier.