Le vicaire apostolique de Makoko, au Gabon, confie son expérience de 44 ans dans un pays qui demeure soumis à l’instabilité post-électorale
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Nous ne savons pas si Mgr Joseph Koelber, nommé vicaire apostolique de Makoko par le pape François, a “la bonne odeur du troupeau” chère au Souverain pontife, mais il en a la voix. C’est avec un léger accent gabonais que s’exprime cet alsacien qui a passé 44 ans comme prêtre dans ce pays. Il décrit une Église dynamique, respectée, mais qui fait face à des défis inédits.
Un exode rural aux conséquences dramatiques
La campagne se vide de ses habitants, au profit des grandes cités comme Libreville, avec des conséquences en cascades : abandon de l’agriculture, chômages, pertes de repères familiaux et paroissiaux. “Les Gabonais de la brousse qui arrivent en ville se sentent livrés à eux-mêmes” constate Mgr Koelber. Dans les difficultés qu’ils rencontrent pour s’installer, et surtout à trouver du travail, l’Église leur apparaît comme une institution stable, capable de les aider. Parmi eux, l’évêque se souvient d’un paroissien venu le voir et de la conversation surréaliste qu’ils ont tenue. “Mon père je viens te dire bonjour, mais après je vais me suicider, parce que je ne trouve pas de travail.” Réponse du prêtre : “Cela résoudra-t-il ton problème ?” – “Non.” L’histoire de ce paroissien s’est bien finie puisqu’il a obtenu un travail grâce à sa persévérance et une prière prononcée chaque matin.
Le défi posé par les “Églises éveillées”
Dans un Gabon imprégné de spiritualité Bwiti, les sectes qui promettent des guérisons ou des miracles prospèrent. “Les gens y vont mais beaucoup reviennent parce qu’ils n’ont pas obtenu ce qu’ils voulaient” constate Mgr Koelber. L’Église catholique gabonaise, quant à elle, est dynamique : elle abrite des vocations de prêtres, et les églises sont remplies et animées chaque dimanche. À la campagne, elle doit faire face au défi de l’étendue géographique de ses paroisses : la plupart des villages n’ont pas de prêtre et vivent leur spiritualité sous la responsabilité d’un catéchiste laïc, sans pouvoir avoir une messe chaque dimanche.
Les prêtres contre les mauvais esprits
“Les Gabonais voient des esprits partout” assure Mgr Koelber, et il faut prendre en compte cet aspect de leur imaginaire collectif. Ils viennent souvent voir les prêtres pour une bénédiction, qui, à leurs yeux, aura des vertus médicinales magiques. Bien qu’il n’y ait pas lieu de refuser ces bénédictions, il faut savoir les faire redescendre sur terre. Intéressé par la phytothérapie et persuadé de l’importance du régime alimentaire pour se soigner, il arrive au prêtre de quitter le champ strictement spirituel pour donner des conseils de santé. Un jour, une grand-mère très inquiète, est allée voir un évêque car son petit fils était sujet à des terreurs nocturnes et se réveillait régulièrement en hurlant au milieu de la nuit. Elle était persuadée qu’il était tourmenté par un mauvais esprit, mais l’évêque lui a recommandé une tisane de Passiflore, plante souveraine contre l’anxiété. Le “mauvais esprit” a été chassé en huit jours : avec cinq feuilles infusées chaque soir ! “Les Gabonais ne séparent pas, comme nous, la vie spirituelle du reste” explique Mgr Koelber. Ils ne voient donc rien d’étonnant à ce qu’un évêque leur donne des conseils de santé !” De passage dans sa famille en Alsace, il retourne au Gabon avec une cargaison d’images pieuses, de statuettes, de chapelets et il assure : “Ma vie est passionnante, j’ai pour mission d’apporter le bonheur aux autres !”