Le sommet de Varsovie a été l’occasion de remettre en avant la recherche de la stabilité à l’Est par la lutte contre les menaces “hybrides”.
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Mais que fait donc la Russie à l’est de l’Europe ? Voilà la question à laquelle l’OTAN cherche désespérément une réponse. Pour ce faire, elle développe une toute nouvelle analyse, qui s’attache à décrire la stratégie russe de la guerre hybride, ou “hybrid warfare”. Véritable tournant stratégique opéré par la Russie ? Pas si sûr.
Le nouveau visage de la guerre ?
Cette stratégie consisterait en une combinaison redoutablement efficace de moyens non-conventionnels pour mener des opérations couvertes où l’implication d’un État serait très difficile à détecter et à prouver. Frank Hoffman du Foreign Policy Research Institute, la définit ainsi : “Un mélange d’armes conventionnelles, de tactiques irrégulières, de terrorisme, de comportement criminel au même moment sur un même théâtre d’opérations pour remplir des objectifs politiques”.
Ce qui est très intéressant, c’est que l’apparition de ce nouveau terme pourrait suggérer que la guerre a désormais un nouveau visage. Rien n’est moins vrai, et l’étude systématique des conflits et des méthodes employées prouvent que les affrontements du XXIe siècle n’ont rien de fondamentalement différent. Colin Gray le rappelle bien dans son livre qui fait référence : La guerre au XXIe siècle (un nouveau siècle de feu et de sang) (Economica, 2 janvier 2008, 423 pages). Pour lui la guerre, y compris moderne, ne consiste qu’à reproduire des schémas connus.
L’esprit munichois de l’opinion publique
Or l’apparition de ce concept ne s’accompagne d’aucune définition unanimement acceptée. Les 28 États de l’OTAN, malgré le sommet de Varsovie, n’arrivent pas à se mettre d’accord. Ce terme fait même de nombreux mécontents, notamment parmi les Estoniens, Polonais, Suédois ou encore Finlandais. Ceux-ci ne voient dans l’apparition de celui-ci qu’une potentielle excuse de l’OTAN pour éviter d’avoir à intervenir militairement en cas de nouvelle agression russe. Ce sentiment est d’autant plus renforcé que l’OTAN ne dispose actuellement ni des moyens, ni des concepts d’opération suffisants pour combattre dans un tel contexte.
En effet le fameux article 5 du Traité signifie en substance qu’une attaque armée contre l’un des membres entraîne une réaction de la part de toute l’Alliance. Mais c’est là que le bât blesse : une attaque hybride sera-t-elle considérée comme une attaque armée ? Si tel est le cas, l’OTAN sera en mesure d’envoyer une première force rapide mais sous-dimensionnée (la récente VJTF, force de réaction rapide interalliée) qui arrivera probablement plusieurs jours au mieux après les premières “milices” (troupes russes), avant de pouvoir déployer une force conséquente. Sinon, l’OTAN n’interviendra pas pour venir au secours d’un pays de l’Europe de l’Est (comme les États baltes). L’heure n’est pas à la guerre, mais qui prendrait le risque de sacrifier Washington, Paris, Berlin ou Rome pour Tallinn, Riga ou Vilnius ? En tout cas certainement pas l’opinion publique, fortement teintée d’esprit munichois.
Nous vivons une période cruciale. Réaffirmer notre indéfectible soutien mutuel et le mettre réellement en pratique, c’est prendre le risque de tensions voire d’un conflit armé contre la Russie. Ne pas le faire, revient au fond à montrer que l’Alliance n’a pas d’unité et donc pas de sens. Dans le brouillard de cette drôle de guerre d’usure, l’OTAN navigue à courte vue… mais sans cap.