Poutine l’a bien compris : pour contrer l’État islamique, il est essentiel de connaître l’histoire du Moyen-Orient et ses enjeux.
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Même si la survie de l’État islamique s’explique essentiellement par le jeu des puissances régionales, qu’il s’agisse de l’Iran, de la Turquie ou de l’Arabie Saoudite, force est de constater que les limites territoriales de ce proto-État peuvent être utilement rapprochées des Empires qui se succédèrent à l’aube de l’histoire au Moyen-Orient.
Une complémentarité vieille de cinq mille ans
En premier lieu, la mainmise de l’Iran sur le sud de l’Irak n’est pas sans rappeler l’antique complémentarité entre le foyer de l’Elam, à mi-chemin entre plaine et montagne, et la riche plaine de Mésopotamie dans laquelle fleurit la civilisation de Sumer. Dotée en abondance de naphte et de céréales, Sumer importe des montagnes iraniennes le bois, la pierre et les métaux indispensables à la construction de sa civilisation très avancée.
Plus tard, la conquête perse de la Babylonie préservera ce foyer majeur de civilisation et l’incorporera à l’Empire. Les liens actuels entre l’Iran et la partie chiite de l’Irak, s’enracinent par conséquent dans une complémentarité vieille de cinq milliers d’années, la plaine mésopotamienne ayant inventé l’agriculture au moment où le piémont iranien domestiquait moutons et chèvres. Il n’est donc pas négligeable de constater que l’antique territoire de Sumer, partie la plus avancée de la Babylonie, échappe aujourd’hui au contrôle de l’État islamique au profit de l’Iran.
Le rêve de l’État islamique ? Redevenir une seconde Assyrie
Dans sa forme actuelle, le territoire de l’État islamique correspond à celui de la civilisation d’Akkad, située plus au nord de Sumer, et qui la supplantera entre le XXIVe et le XXIIe siècles avant J-C. Le territoire d’Akkad, restreint à la Mésopotamie, n’a jamais réussi à trouver un débouché sur les mers occidentales et il y a fort à parier pour que la chute de l’État islamique ressemble à celle de cette civilisation. En revanche, le rêve de l’État islamique est de redevenir une seconde Assyrie, balayant, depuis le cœur des terres, le rivage syrien et formant un empire étendu au cœur du Moyen-Orient, capable de projeter des forces jusqu’à l’Egypte ou l’Anatolie lointaines. Il est en effet à noter que l’Assyrie, même après avoir été détruite, connut plusieurs renaissances, notamment sous la forme d’un empire néo-assyrien.
Si nous déplaçons notre regard plus à l’ouest, il apparaît que les velléités néo-ottomanes de la Turquie, cherchant à déborder des montagnes anatoliennes pour conquérir le piémont syrien, s’enracinent elles aussi dans une histoire très ancienne. L’histoire de l’Empire indo-européen hittite, qui se construisit au cœur de l’Anatolie avant de mener une offensive éclair contre la Syrie du nord en est un exemple éclatant. Le contrôle d’Alep, représentait alors déjà un enjeu stratégique de premier plan. Pour contrer le danger hittite, les cités marchandes syriennes s’appuyèrent sur une puissance militaire de premier plan : celle de l’Egypte de Ramsès II dont la contre-offensive militaire préfigura celle de la Russie contemporaine. Après s’être combattus lors de la bataille de Qadesh (1274 av. J-C), Egyptiens et Hittites finirent par trouver un compromis.
Ces complémentarités géopolitiques pourraient relever de l’effet d’optique si elles n’étaient pas confirmées par l’empilement de fortifications sur ces micro-territoires. Négliger l’archéologie de ces espaces revient par conséquent à s’interdire toute capacité à contrer efficacement l’État islamique. Vladimir Poutine, qui l’a bien compris, pourra préparer ses prochaines opérations cartes en mains, tout en fumant tout à son aise les cigares du Pharaon.