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La terre et les roches ont aussi leur histoire, étudiée avec avidité par les géomorphologues. Le nord de la France a longtemps été recouvert par l’océan, dont le point le plus profond, l’ombilic, attire aujourd’hui les cours d’eau. À l’époque Secondaire, il y a 200 millions d’années, l’ombilic est en Lorraine et il se déplace vers l’ouest. Il est en Île-de-France actuelle il y a 100 millions d’années, d’où l’orientation des cours d’eau vers la Seine puis, à l’époque Tertiaire, entre 60 et 7 millions d’années, il se déplace au large de l’actuel Saint-Nazaire. Il capte la Loire dans sa course : autrefois affluent de la Seine, celle-ci est capturée et attirée vers l’ouest, d’où le coude d’Orléans que l’on distingue nettement sur les cartes. L’océan se retirant, il laisse de nombreux sédiments sur son passage, contribuant ainsi à former l’actuel marais poitevin, lieu de terre et d’eau, espace naturel fragile et pourtant fortement anthropisé.
Des digues et des canaux
Entre la Vendée et les Deux-Sèvres, bordé par les villes de Luçon, Niort, Fontenay-le-Comte et La Rochelle, face à l’île de Ré, le marais poitevin étend ses 100 000 hectares de marais mouillé et de marais desséché, de digues, de canaux, d’espaces de culture et de prairies d’élevage. Il a toujours représenté un immense défi pour l’homme, car l’eau est tout autant un ennemi qu’un allié. Les marais sont des lieux de mort, propices aux maladies et à la prolifération des insectes. Mais les marais bien entretenus peuvent être des lieux de vie, aptes à l’occupation humaine, aux cultures, aux échanges. Ce marais démontre à quel point les espaces naturels sont forgés par la main de l’homme. Comme il a fallu de science et de technique pour creuser des canaux, aménager des digues, organiser la gestion des cours d’eau, tirer le meilleur parti de l’eau douce et de l’eau salée. Ce marais qui semble si calme et si doux est le fruit d’un immense labeur et de beaucoup de peines. Là où la nature semble s’écouler de façon immuable depuis des siècles, c’est en fait le travail de l’homme qui est à l’œuvre.
Un travail de moines
Dès le VIIe siècle, les archives laissent des traces du travail d’aménagement effectué par les moines. Bon nombre de terres appartiennent à des abbayes ou des seigneurs qui encouragent les travaux d’aménagement. Le canal le plus célèbre est celui que l’on appelle le canal des Cinq Abbés parce qu’il a été creusé grâce à l’association de cinq abbayes, dont celle de Saint-Maixent, dans l’objectif d’assécher les marais de Langon et de Vouillé. Ces travaux ont été réalisés à la demande du seigneur de Chaillé. On trouve trace de cette demande dans une charte datée de 1217.
Cela se poursuit jusqu’au XVIe siècle, où la région est très fortement marquée par les affrontements entre protestants et catholiques. Ces guerres qui durent plusieurs décennies provoquent la destruction de nombreux ouvrages d’aménagement.
Reconstruire le marais
Suite aux guerres de religion, le marais doit être reconstruit. Henri IV et ses successeurs font venir des ingénieurs des Flandres, spécialisés dans l’assèchement des terres et la construction de canaux et de digues. D’autres grands travaux sont menés à partir de la Révolution et durant tout le XIXe siècle. Il s’agit alors d’aménager les rivières, notamment la Sèvre Niortaise, et de veiller à la police des bateaux. Aujourd’hui, alors que le transport de marchandises ne s’effectue quasiment plus par les rivières, on a oublié ce que pouvait être le transport fluvial intense de tous ces cours d’eau qui parcourent la France. Nombreuses sont les villes de l’intérieur du territoire qui possèdent des ports par lesquels transitent les marchandises agricoles et industrielles. Avec l’avènement du rail, puis l’amélioration des routes, le transport fluvial est devenu obsolète, d’autant que les bateaux modernes sont beaucoup trop gros pour y circuler encore.
La richesse naturelle du pays
Le marais attire aujourd’hui de nombreux visiteurs qui viennent explorer son calme et l’impression de temps éternel qu’il peut dégager. Il est aussi un magnifique conservatoire de la richesse florale et animalière du pays : essences d’arbres et multiplicité des espèces animales. Il rappelle que la France, grand pays urbain, est aussi le lieu de la ruralité et du développement des espaces naturels.