L’incursion de l’armée turque en Syrie dessine une nouvelle carte du conflit, où Syrie et Turquie deviennent des alliés de circonstance, détaille Frédéric Pichon.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
Mercredi 24 août, l’armée turque a fait une incursion massive sur le sol syrien, soutenant des rebelles qui reprenaient à l’État islamique la ville de Djarabulus. Il s’agissait du dernier point à partir duquel les djihadistes pouvaient accéder à la frontière turque, leur principale voie commerciale.
“À la fin, ce sont les Kurdes qui perdent”
Cette opération, baptisée “Bouclier de l’Euphrate”, a été réalisé par une alliance hétéroclite. Des rebelles Syriens composaient l’infanterie, l’armée turque fournissait les tanks et une partie de l’aviation, et les États-Unis apportaient le reste de l’aviation ainsi que des conseillers militaires. “Erdogan n’aurait pas osé se livrer à une incursion de cette importance sans l’assentiment des États-Unis, de la Russie, ni même de la Syrie”, assure Frédéric Pichon, auteur de Syrie, Pourquoi l’Occident s’est trompé, aux éditions du Rocher. Mais à ses yeux, l’intervention turque s’explique par une volonté de ne pas voir se développer un Kurdistan Syrien à sa frontière.
Lors de la bataille de Kobané, qui marquait la première défaite de l’État islamique, au début de l’année 2015, il assurait déjà : “Les Kurdes ont remporté une victoire, mais à la fin, ce sont eux qui risquent de perdre, car les Turcs ne laisseront jamais se développer un Kurdistan Syrien”. Sa prédiction semble s’accomplir, dans la mesure où la prise de Djarabulus par des forces turco-syriennes, mais pas kurdes, empêche ces derniers de refermer le “corridor Kurde” au nord de la frontière syro-turque, où il serait géographiquement possible de bâtir un État autonome kurde.
Nouvelle stratégie d’Erdogan
En avalisant cette offensive, les Américains viennent de s’attirer l’inimitié du YPG, le principal groupe de combattant kurde, qui est par ailleurs leur partenaire privilégié dans le conflit syrien. La Turquie, de son côté, avait averti les Kurdes que l’Euphrate, que borde la ville de Djarabulus, constituait une ligne rouge à ne pas franchir, et ils avaient reçu le soutien des États-Unis en la personne du vice-président américain Joe Biden, qui était mercredi à Ankara. Assurant l’armée turque de sa collaboration, il a précisé à ses alliés Kurdes, que les combattants de l’YPG ne recevraient pas de soutien américain, s’ils ne se retiraient pas de la rive orientale de l’Euphrate.
Lors des discussions entre Joe Biden et les officiels turcs, ces derniers lui ont assuré que la Turquie allait sécuriser sa frontière. Mais, précise Frédéric Pichon, on a du mal à imaginer la Turquie changer radicalement de stratégie : “Jusqu’à présent, Erdogan a joué Daesh contre les Kurdes et les Syriens, va-t-il y renoncer ? Les récents événements prouvent seulement que les Kurdes sont sa priorité !”.