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Une grande famille : l’hospitalité des réfugiés envers les bénévoles

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Edward Mulholland - publié le 28/07/16
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Des réfugiés syriens partagent leur repas et leur histoire avec un bénévole américain à Lesbos.

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Tout est fluide dans le milieu du bénévolat. Après notre dernier service, on nous annonce que nous nous occuperons de la nourriture pour une semaine supplémentaire. Mais après un jour, on nous demande de nous arrêter là. Notre temps de service en zone 4 était révolu… Jusqu’à ce que l’on nous adopte.
Une invitation inattendue
Les derniers jours de distribution de nourriture ont vu arriver de nouveaux réfugiés en zone 4 : un groupe de jeunes familles qui semblaient se connaître. Au moment de notre dernier service (pour le moment ?), ils se préparaient à manger au coin d’un feu près de leur unité de logement, dans une marmite qui n’était pas des plus petits modèles. Ils nous ont donc invités à dîner. Auparavant, nous avions été invités à prendre le café par une famille habitant un peu plus loin, mais avions répondu “peut-être une prochaine fois” (car souvent ici, il y a trop d’effervescence). Cependant, c’était notre dernier service, et nous avons décidé d’accepter l’invitation à dîner, et d’aller boire le café, promis. Deux autres bénévoles étaient avec nous : Lena, venue d’Espagne, et Sophie, du Danemark.
Une grande famille
Après avoir remporté nos affaires dans nos logements sur la place principale du camp de Kara Tepe, nous sommes retournés à la zone 4. Les réfugiés étaient fous de joie. Ils ont sûrement pensé que l’on ne viendrait pas. Les femmes étaient assises par terre autour de la marmite, et les hommes formaient un autre cercle, autour d’une généreuse portion du dîner (riz, poulet, patates et même quelques tomates et concombres) sur une bâche en plastique. Les doigts étaient plus que bienvenus, et c’était magnifique.
Brian et moi nous sommes assis avec les hommes, Lena et Sophie ont fait de même avec les femmes. Nous leur avons demandé d’où ils venaient. Ils forment tous une grande famille (frères, sœurs, cousins et leurs épouses). Quatre femmes sont enceintes. Ils viennent de Homs, en Syrie. Ils sont arrivés le nuit même du naufrage (au camp, le 15 juillet). Ils le savaient, et savaient qu’ils avaient eu de la chance. Ils ont quitté la Syrie un mois plus tôt, et sont restés en Turquie pendant environ une semaine. Ils ont réussi à traverser le pays lors de la quatrième tentative. À deux reprises, les gardes côtiers turcs leur avaient barré le passage ; ils ont également eu des problèmes de moteur avec le bateau pneumatique.
Ce sont des personnes extraordinaires, bien qu’ils aient vécu de dures épreuves. Faris semble être le chef de famille ; c’est en tout cas celui qui parlait le plus, maîtrisant bien l’anglais. Il nous a confié que ses parents étaient déjà en Allemagne, là où ils voulaient tous aller (à part l’un d’entre eux qui désirait aller à Malte, son frère étant là-bas).
Le riz était un régal. Le meilleur repas que j’ai mangé en Grèce. Parfaitement assaisonné, et accompagné de poulet. On nous a incité à nous resservir à maintes reprises. On m’a offert un verre dans lequel était dilué un yaourt grec (j’avoue que je n’ai pas aimé), mais le dîner était féerique. Et la conversation était intense.
De dures épreuves
Les hommes étaient passionnés en racontant leur histoire. Faris nous a montré une vidéo de sa maison, au moment de son bombardement ; des photos avant et après le bombardement du magasin dont il était propriétaire. Ils s’entendaient si bien, les rires fusaient.  Ces familles et amis ont grandi ensemble et, une fois adultes, ont décidé de vivre dans la même rue. Et l’enfer s’est déchaîné.

Mais, malgré toutes ces épreuves, ils respirent la complicité et l’esprit de famille, même en venant d’arriver ici, à Kara Tepe. Je leur rendais souvent visite pendant mes deux dernières semaines ici (Brian y est déjà retourné).

En parlant de nouveaux venus, on a mis de côté des vêtements pour le nouveau-né : un bébé européen issus d’une famille arabe.

D’autres difficultés à venir
Après les remerciements, Brian, Lena et moi sommes allés prendre le café chez l’autre famille. Mohammed et sa femme étaient heureux de nous recevoir.  Également syriens, ils sont tous deux archéologues. Mais cela ne les intéresse plus vraiment. Quand je lui ai demandé s’il était aller voir les ruines du théâtre de Mytilène, il a haussé les épaules. Aujourd’hui, sa seule inquiétude est de savoir où ils dormiront lorsqu’ils auront la permission d’aller à Athènes pour leur interrogatoire de demande d’asile. Ils ont trois petites filles et un fils.
Il m’a confié qu’une fois à Athènes, il faudrait aller très tôt au lieu de l’entretien (de 5h à 8h du matin), sachant que seulement un nombre déterminé de tickets est délivré. Un délai de plusieurs jours est possible avant d’en avoir un. Il n’y a ni camp, ni de banque alimentaire ou d’habits. Les gens dorment dans la rue. C’est pourquoi nous avons donné des tentes à quelques familles embarquant pour Athènes. Mohammed préfère la routine de Kara Tepe à la précarité de la vie dans les rues d’Athènes. Même si sa demande est acceptée, il ne sait pas s’il ira.
J’ai touché un point sensible en demandant ce qui s’était vraiment passé à Palmyra (site archéologique bombardé par l’État islamique). Il a rétorqué : “Vous voyez, c’est une question que je poserais bien à Obama. Les États-Unis et la Russie ont des avions, ils savaient ce qui aller se passer, pourquoi n’ont-ils pas empêché la catastrophe ? Je veux demander à votre président pourquoi il n’a pas agi.”
Il était visiblement indigné. Ça ne l’offensait pas seulement en tant que Syrien, ni même en tant qu’archéologue, mais en tant qu’être humain. Ce n’est pas seulement sa maison et son gagne-pain qui lui ont été pris, mais aussi son histoire.
Ils se sont battus pour rester ensemble
Après un café fort à la turque, nous avons remercié Mohammed et sa femme Maisun, qui était restée silencieuse, et nous avons quitté le camp. C’était ma meilleure soirée passée à Kara Tepe, et ce n’était pas grâce à nos actions en tant que bénévoles. C’était l’initiative des résidents eux-mêmes, ces hommes et ces femmes qui se sont battus pour rester ensemble quand tout ce qu’ils connaissaient partait en fumée. Même en plein air, le fait même qu’ils se rassemblent constitue leur foyer.
Nous avons reçu une invitation pour un autre repas en leur compagnie, invitation que j’ai bien l’intention d’accepter. Après tout, comme Faris l’a affirmé en me serrant la main au terme du repas : “Vous faites partie de la famille.”
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