Saint Bernard de Clairvaux revient toujours à l’amour du Verbe dans ses traités, lettres et sermons. Il médite sans cesse sur ce privilège qu’a l’être humain de porter en lui la ressemblance divine.
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Dans ses sermons sur l’Avent, l’abbé de Clairvaux parle de trois avènements du Verbe : à Bethléem, en l’âme, et à son retour glorieux. Il s’émerveille de ce mystère du Verbe venu dans notre chair par pure miséricorde, qui se fait enfant dans les bras de Marie, de la crèche à la croix. Cet abaissement façonne l’amour et enracine la foi au delà de ce que l’on peut ressentir. Saint Bernard nous invite à nous laisser visiter par le Verbe, à accéder à notre vérité intérieure en imitant son humilité et en vivant son Évangile. Ces visites du Verbe se trouvent au cœur de la spiritualité bernardine.
L’expérience du Verbe
En prenant exemple sur saint Augustin dans ses Confessions (Éditions La philothèque), l’abbé de Clairvaux se réfère à sa propre expérience lorsqu’il évoque, au sermon 74 du Cantique, les visites secrètes que le Verbe-Époux fait à l’âme fidèle. L’amour du Verbe poursuit l’âme désireuse de sa visite. Il vient en elle puis il la quitte, selon son bon plaisir. N’oublions pas, avertit saint Bernard, “qu’il s’agit là, en réalité, d’un sentiment éprouvé par l’âme, et non pas d’un mouvement effectif du Verbe”. Les désirs de l’Épouse appellent l’Époux par ce cri qui est aussi un soupir : “Reviens”. Il arrive incognito à l’aube et met l’âme à l’épreuve en se retirant. Même s’il s’éloigne, il se donne car il revient toujours. Et le saint de nous partager simplement son expérience qui marquera tant de générations de chrétiens.
“Je confesse donc, non sans indiscrétion, que j’ai moi aussi reçu la visite du Verbe, et cela à plusieurs reprises. Et s’il est entré souvent en moi, je ne l’ai pas senti entrer à chaque fois. J’ai bien senti sa présence, je me le rappelle, et parfois j’ai pu aussi pressentir sa venue, mais jamais je n’ai eu le sentiment précis ni de son entrée, ni de sa sortie. Quant à savoir d’où il venait en moi, où il est allé en me quittant, ou même par où il a fait irruption puis s’est échappé, je dois dire que je l’ignore encore […] Je suis monté jusqu’à la cime de moi-même ; et j’ai vu que le Verbe résidait plus haut encore. Je suis descendu, en explorateur curieux, au plus bas de mon être ; et j’ai constaté également qu’il était plus bas que ce point extrême […] Mais ses voies étant interdites à nos investigations, vous me demandez comment j’ai pu connaître sa présence. C’est qu’il est vivant et actif : à peine était-il en moi qu’il tira du sommeil mon âme assoupie. Mon cœur était dur comme la pierre et malade ; il l’a secoué, amolli et blessé […] Voici donc le signe qui m’est donné de son départ : mon âme est irrésistiblement prise de tristesse jusqu’à ce qu’il revienne et que, comme à chaque fois, il réchauffe mon cœur, ce qui est la marque de son retour.”( Saint Bernard, Œuvres mystiques, Seuil, 1967, p. 765-767.)
Le Christ, Verbe et Époux
Cette explication subjective de la visite du Verbe, décrite avec finesse et pudeur, relève d’une expérience du cœur difficile à communiquer avec nos pauvres mots. Le saint abbé ne peut que reconnaître les fruits en l’âme : joie, paix, douceur, chaleur. Le Verbe répand l’huile de sa miséricorde et joint le corps de l’onguent de sa joie. Le Christ, Verbe et Époux, devient ce doux médecin qui guérit les blessures de l’épouse, qui peut signifier l’âme ou l’Église. Le désir et la prière, les larmes et les veilles, l’attirent, note Bernard au sermon 32 du Cantique, mais le Verbe échappe toujours à la prise de l’âme qui croit le tenir. Elle peut goûter joyeusement sa présence, mais cette joie n’est jamais totale. Si chaque visite la réjouit, chaque départ l’afflige.
“Et la bien-aimée devra souffrir ces vicissitudes jusqu’à l’heure où, déposant enfin le fardeau de son corps, elle s’envolera elle-même portée sur l’aile de ses désirs, parcourra sans entraves, les vastes espaces de la contemplation, et l’esprit libéré, suivra son Époux partout où il ira.” (Saint Bernard, Œuvres mystiques… p. 386.) Lire la suite sur le blogue de Jacques Gauthier