L’affaire “E. S. contre Autriche” ou la censure tranquille devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
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En 2011, une femme est condamnée en Autriche pour blasphème après avoir critiqué Mahomet lors d’une conférence. Elle décide en 2012 de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour réviser la décision de son procès. En attente du verdict de la Cour qui devrait être rendu courant 2016, le Centre Européen pour le Droit et la Justice publie ses observations sur le cas “E.S.”.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme est appelée à se prononcer sur l’étendue du droit à critiquer l’islam à l’occasion de la condamnation pour blasphème d’une conférencière ayant mis en cause les mœurs de Mahomet.
La conférencière qui saisit la Cour de Strasbourg a été reconnue coupable d’avoir publiquement “dénigré une personne qui est un objet de vénération”, à savoir Mahomet, le prophète de l’islam, d’une manière “susceptible de susciter une indignation justifiée”, en violation de l’article 188 du Code pénal autrichien.
Les propos litigieux ont été tenus durant un cycle de conférences intitulé “Connaissances de base sur l’Islam” à l’Institut d’éducation du Parti autrichien de la liberté (FPÖ) devant une trentaine de participants.
Dénigrer Mahomet peut conduire en prison… en Autriche
Il est reproché en substance à la conférencière d’avoir dit que Mahomet avait des tendances pédophiles (il “aimait le faire avec des enfants”) car il s’est marié avec une fille de six ans (Aïcha) et a consommé ce mariage lorsqu’elle n’avait que neuf ans. La conférencière notait que cela posait problème dans la mesure où “le plus haut commandement pour un homme musulman est d’imiter Mahomet”, ajoutant plus généralement que “les musulmans entrent en conflit avec la démocratie et notre système de valeurs”.
Suite à une plainte de journalistes, la conférencière fut condamnée à payer 480 euros ou à purger une peine de soixante jours d’emprisonnement en cas de défaut de paiement. Les juridictions autrichiennes avaient jugé ainsi dans le but de protéger la sensibilité religieuse des fidèles musulmans ainsi que “la paix religieuse” en Autriche.
La conférencière a porté l’affaire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui devra juger si la liberté d’expression peut céder le pas devant le respect de Mahomet et la “sensibilité religieuse” des musulmans. Le Centre Européen pour le Droit et la Justice (ECLJ, en anglais) a été autorisé à soumettre des observations écrites à la Cour.
Pour l’ECLJ, seule la diffusion d’obscénités gratuitement offensantes et inutiles au débat, ainsi que les propos incitant à la violence immédiate peuvent être restreints. Tout autre propos – surtout lorsqu’il s’appuie sur des faits réels – devrait être toléré au nom de la liberté d’expression ; cela résulte d’ailleurs de la jurisprudence de Strasbourg.
Il n’existe pas de droit à ne pas faire l’objet de critiques
Dans son mémoire, l’ECLJ expose notamment la tentative menée au plan international par l’Organisation de la Conférence Islamique pour intégrer au sein du droit international un délit de blasphème sous l’appellation de “diffamation de l’islam”. L’ECLJ s’est opposé à cette initiative au sein des Nations Unies depuis plusieurs années, estimant que les libertés de religion et d’expression sont complémentaires et qu’il n’existe pas de droit pour des croyants (pas plus que pour des non-croyants) à ne pas faire l’objet de critiques. Plus généralement, la recherche sincère de la vérité devrait toujours être encouragée et bénéficier de la liberté d’expression.
En l’espèce, pour l’ECLJ, le droit à la liberté d’expression de la conférencière a été violé, celle-ci ayant été condamnée pour avoir dénigré une croyance en elle-même, c’est-à-dire pour blasphème, alors même que ses propos reposaient sur des faits historiques avérés dont la diffusion, dans un contexte politique, participe au débat public.
Voir ici les observations écrites de l’ECLJ.
Voir ici l’exposé des faits (en anglais).