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Après des études de Lettres et d’Histoire, Augustin Frison-Roche a choisi de se consacrer à la peinture en se rapprochant de François Peltier. Y puisant une solide formation, il s’initie également à la sculpture, s’intéressant particulièrement au renouvellement des formes de l’art funéraire. À bientôt 30 ans, le jeune artiste installé dans le Sud-Ouest se fait remarquer, ici pour un baptistère offert aux chrétiens d’Orient, là pour un superbe décor peint pour les moines bénédictins de Sainte-Marie de La Garde. Rencontre.
Aleteia : À 22 ans, vous avez abandonné vos études pour vous consacrer totalement à la peinture ? Comment est née votre vocation artistique ? Était-elle présente dans le cœur du petit garçon que vous étiez ?
Augustin Frison-Roche : C’est difficile à dire. Le petit garçon que j’étais était rêveur et aimait dessiner, mais tous les rêveurs ne deviennent pas artistes. Au départ de toute chose sérieuse il y a un choix, et dans mon cas, une rencontre.
Vous avez eu la chance d’apprendre au contact d’un maître, apprentissage d’homme à homme qui a tendance à devenir rare aujourd’hui.
En réalité, j’ai été déçu par l’enseignement artistique auquel j’ai été confronté mais j’ai rencontré mon maître “par hasard” au moment où j’en avais besoin… Lui est tombé également “par hasard” sur un élève au moment où il souhaitait transmettre ce qu’il avait appris après des années de métier… Le hasard fait bien les choses.
Peintre, vous en êtes venu à la sculpture où la statuaire prend une place importante. Est-ce une évolution intérieure ou cela répond-il aux demandes du moment ?
La sculpture n’a pas remplacé la peinture. Les deux domaines s’équilibrent d’ailleurs à peu près dans mon activité. La sculpture m’a toujours fasciné, mais je n’ai commencé à sculpter qu’au terme d’une longue réflexion sur la place et la fonction de l’art. Dès que l’on s’aventure vers une conception artistique plus globale, je veux dire dès que l’on quitte le tableau de chevalet pour s’attaquer à un lieu (maison, église, etc.), la sculpture est un complément indispensable à la peinture. La réflexion que je mène sur l’art funéraire a également été déterminante.
Notre société est celle du “règne de la quantité” où l’argent est souvent roi. Un jeune père de famille de trente ans parvient-il à vivre de son art en 2016 ?
Au risque d’enfoncer une porte ouverte, je vous confirme qu’il est difficile d’en vivre ! En 2016, nos modes de vie et les nouvelles technologies ont bien souvent atrophié notre capacité à prendre le temps, et le temps est nécessaire pour regarder une œuvre d’art. Ce métier implique un choix de vie qui ne laisse pas la première place au confort matériel vers lequel tend toute notre société. Je ne m’en plains pas ! En revanche il arrive souvent que le manque d’argent bride la liberté et la recherche artistique parce que tel matériau ou tel matériel est trop cher, parce que l’atelier est trop petit pour entreprendre tel ou tel projet par exemple. C’est cela le plus difficile.
On sent que la recherche d’une harmonie entre la Création et le divin sous-tend votre oeuvre… Est-ce une erreur de lire dans vos oeuvres la recherche d’un âge d’or perdu ?
Non je cherche bien quelque chose qui semble perdu. Cet âge d’or n’est pas vraiment historique. Certes, le Moyen-Âge, à la suite des Pères de l’Église et des abbés de Cluny, est allé très loin dans la compréhension des liens entre le sacré et l’art, développant une véritable théologie de la Beauté qui a permis aux artistes de travailler dans les meilleures conditions. Mais l’âge d’or que je recherche et que recherchent consciemment ou inconsciemment la plupart des artistes et des poètes chrétiens n’est pas dans l’histoire mais avant la chute. Une capacité d’émerveillement, un rapport au monde primitif, où le transcendant donne un sens et une cohérence à toute chose. C’est un voyage dont le terme est inaccessible bien sûr mais il est possible de parcourir une partie du chemin. En voyant les peintures de la grotte Chauvet ou le tympan sculpté de l’abbaye de Moissac je me dis simplement que certains n’étaient pas loin de l’arrivée…
À travers les siècles, quels sont les maîtres qui vous éclairent le plus ? Spirituellement et artistiquement ?
La plupart sont anonymes ! Je me réfère souvent à des périodes où les artistes ne signaient pas ou peu leurs œuvres. La subordination de l’art au transcendant pousse naturellement l’artiste à s’éclipser. Je dirais donc d’une manière générale : les maîtres de l’art roman, par leur liberté graphique et leur compréhension extrêmement fine du message chrétien, avant eux les sculpteurs et les peintres de la Préhistoire, de la Grèce archaïque, du monde étrusque, du Proche-Orient préislamique. Plus récemment, il y a les primitifs flamands dont je partage la technique en peinture, Van der Weyden en tête, puis Brughel et Bosch, les maîtres de l’Art Nouveau, Fernand Khnopff, Gustav Klimt, Alfons Mucha. Enfin les symbolistes comme Gustav Moreau et Odilon Redon. Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
C’est un peu particulier, je travaille à la restauration de ma maison et de mon atelier. Une ancienne ferme dans la campagne lot-et-garonnaise. Il reste encore beaucoup de travail. Les arts plastiques et la sculpture en particulier, demandent beaucoup d’espace. Je voudrais aussi y expérimenter un travail artistique global, en faire un manifeste artistique en quelque sorte. Par ailleurs, je devrais bientôt commencer la réalisation d’une pierre d’autel sculptée pour une église de Bordeaux.
Propos recueillis par Thomas Renaud