Vers l’Orient, dos au peuple, vers l’autel, face au Christ… Un prêtre nous éclaire.
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Il y a quelques jours, au congrès organisé par Sacra Liturgia, le Cardinal Robert Sarah a évoqué une nouvelle fois la possibilité de célébrer ad orientem (vers l’Orient, Ndlr). Dans cette configuration, à certains moments de la Messe, le prêtre est tourné dans la même direction que les fidèles, vers l’autel qui représente le Christ. La proposition qu’il a faite, que le premier dimanche de l’Avent 2016, les prêtres célèbrent de cette façon, a provoqué, comme souvent dès qu’on aborde la question de la liturgie, un petit emballement sur les réseaux sociaux. Le P. Federico Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, a même dû faire une déclaration à ce propos.
Sans entrer davantage dans les détails de la déclaration du cardinal Sarah et de la mise au point du P. Lombardi, je voudrais présenter quelques raisons, parmi d’autres, pour lesquelles il me semble que la célébration ad orientem est une bonne chose. Je précise tout de suite que je célèbre quotidiennement la Messe dans la forme ordinaire, en français, face au peuple dans ma paroisse. Et j’en suis très heureux.
- Il ne s’agit aucunement d’un retour en arrière
Il est hors de question de renier le merveilleux apport de la réforme liturgique voulue par le Concile Vatican II. Le besoin était réel et fondé d’un aggiornamento de la liturgie : avec le temps, l’autel était de plus en plus éloigné du peuple et la liturgie semblait la seule affaire du prêtre – les fidèles étant réduits à la passivité. La célébration ad orientem s’inscrit dans la volonté des Pères conciliaires qui n’ont pas mentionné la possibilité de célébrer « face au peuple » dans la Constitution sur la liturgie. Ainsi, la célébration ad orientem me semble correspondre au projet de réforme voulue par les Pères conciliaires. Au reste, la Présentation Générale du Missel Romain, promulguée en 2002, contient des indications stipulant quand le prêtre doit se tourner vers le peuple et quand il doit se tourner vers l’autel.
- Il est impropre de parler de célébration « dos au peuple »
Cette expression, qui évoque l’impolitesse, est idéologique plus que descriptive. En effet, lorsqu’il célèbre tourné vers l’autel, le prêtre ne tourne pas plus le dos au peuple que les personnes du premier rang ne le tournent à ceux qui se trouvent derrière elles.
- Ad orientem, le prêtre n’est plus le centre de l’attention de l’assemblée
Le risque est grand, en célébrant face au peuple, de faire le show, de jouer un rôle ou de surveiller l’assemblée. Le fait de ne pas voir ce qui se passe derrière soi oblige à s’abandonner et à se tourner résolument vers le Seigneur, en faisant confiance à la grâce propre de la liturgie.
- Ad orientem, l’assemblée n’a plus la possibilité de scruter le prêtre, ses mimiques, ses regards
Il y a quelques jours, à la sortie de la Messe, une dame très gentille m’a remercié « pour ce beau spectacle ». Privé du spectacle du prêtre, on se trouve ainsi reconduit devant l’essentiel, la présence du Seigneur qui vient. Du prêtre, on n’entend plus que la voix ; or, nous dit saint Paul : « La foi naît de ce que l’on entend » (Rm 10, 17). Ainsi, une plus grande intériorité est rendue possible.
- Ad orientem, la médiation sacerdotale est mieux mise en valeur
« Tout grand prêtre, en effet, est pris parmi les hommes ; il est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés » (He 5, 1). On dit à juste titre du prêtre qu’il agit in personna Christi mais l’on oublie parfois qu’il agit aussi in nomine Ecclesiae (au nom de l’Église) : c’est au nom de l’Église tournée vers son Seigneur qu’il réalise l’offrande sacrificielle ; c’est à l’Église qu’il donne les dons de Dieu.
- Ad orientem, la relation entre le sacerdoce baptismal et le sacerdoce ministériel est mieux mise en valeur
Certes, le prêtre est mis à part par un appel spécial et par le sacrement de l’Ordre. Mais le prêtre est d’abord un baptisé qui a à se tourner vers le Seigneur avec les autres baptisés. Le sacrement de l’Ordre est conféré à celui qui a déjà reçu le sacrement du baptême. L’orientation commune le rappelle opportunément : mis à part par son rôle dans la célébration liturgique, il n’en reste pas moins un baptisé, un membre du corps du Christ.
- Ad orientem, l’assemblée tout entière, comprenant le prêtre, se tourne symboliquement vers le Seigneur qui vient
Tournée dans la même direction que le prêtre, l’assemblée peut mieux faire l’expérience du sacerdoce baptismal : ce n’est pas seulement le prêtre qui offre le sacrifice, mais toute l’assemblée qui s’offre à travers ses mains : « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. » (Rm 12, 1).
- Ad orientem, la participation active des fidèles est donc favorisée
loin d’être des spectateurs passifs, les fidèles, tournés dans la même direction que le prêtre, perçoivent mieux qu’ils ont à prendre part à l’action sacrée. Certes, seul le prêtre accomplit l’épiclèse, la consécration et l’offrande au Père ; mais les fidèles, eux aussi, à offrir la victime sans tache « non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui » (Sacrosanctum Concilium n. 48).
- Ad orientem, l’assemblée ne forme plus un simple groupement humain circulaire, refermé sur lui même mais se trouve ouverte sur une Présence invisible
Le cardinal Sarah le disait ainsi : « C’est Dieu et non l’homme qui est au centre de la liturgie catholique ». La prière eucharistique n’est pas adressée à l’assemblée, mais au Père. Le rite du Per ipsum (Par lui, avec lui et en lui) n’est pas adressé à l’assemblée mais consiste en l’offrande du Fils au Père dans l’Esprit Saint. Lorsque le prêtre est tourné dans le même sens que l’assemblée, cela devient parfaitement explicite.
- Ad orientem, l’assemblée tout entière est ouverte sur une Présence invisible
La transcendance de Dieu, sa sainteté, sont mieux mises en valeur : « Car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint » (Os 11, 9). Cette disposition nous redit clairement le primat de Dieu (nous sommes tous tournés vers Lui), en même temps que l’unité du Corps du Christ (nous sommes tous unis dans la même direction).