Le Brexit provoque une profonde remise en question de l’avenir et du sens de l’Europe.
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Le vote sur le Brexit est l’un des évènements historiques les plus importants depuis l’effondrement du mur de Berlin. Il convient d’en mesurer d’ores et déjà la portée et toute la signification. Il détruit le statu quo européen, il nous fait nous poser les questions qu’on évite depuis longtemps sur la construction européenne, et fait entrer notre continent dans une nouvelle période risquée et inconnue. Essayons de penser sur ce sujet avec une parfaite honnêteté intellectuelle.
Premièrement, il convient de se demander si le mandat donné par le peuple britannique sera appliqué ou non. Certes, l’avantage du camp Brexit dans le vote n’est pas énorme, mais il est supérieur par exemple au résultat du oui au traité de Maastricht en France (51%). Ce mandat sera-t-il dilué dans une manœuvre parlementaire comme l’a été le non au traité constitutionnel en France en 2005 ? La classe dirigeante britannique trouvera-t-elle toutes les bonnes raisons de ne pas faire jouer l’article 50 ? Les pouvoirs européens oseront-ils s’affranchir une nouvelle fois de la volonté populaire et traiter le peuple anglais comme ils ont traité les Grecs l’année dernière ?
Cette question nous montre le véritable enjeu de la construction européenne, enjeu que la campagne du Brexit / Remain n’a pas guère abordé : les nations européennes veulent-elles, oui ou non, conserver la démocratie ? Car on admet que la démocratie directe soit filtrée par la démocratie représentative. Pourtant, si ce qu’on appelle une démocratie représentative est telle qu’elle soit en tout en contradiction avec ce que seraient les décisions d’une démocratie directe, il n’y a plus aucune raison pour parler de démocratie représentative, ni donc de démocratie tout court. La démocratie existe en Europe dans le cadre des nations, et aujourd’hui uniquement dans le cadre des nations. Le Parlement européen a très peu de réel pouvoir ; et en aurait-il davantage, il s’agit d’une institution de démocratie extrêmement indirecte et qui a souvent participé au court-circuitage des volontés populaires non conformes à celle de certaines élites. Certes, on peut envisager qu’à long terme se construise une nation européenne, avec un seul peuple (démos), une culture plus homogène, un même sentiment national et des institutions démocratiques. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de démocratie possible en Europe, car il n’existe pas de peuple européen, et c’est encore vrai pour plusieurs générations. Entre temps, l’Union européenne sera pendant soixante-dix ou cent ans la chose de ses dirigeants, qui par ailleurs peuvent très bien avoir de bonnes intentions. Est-il raisonnable, aujourd’hui, au nom de la raison, d’abolir la démocratie ? Telle est la question. Elle n’est pas sortir ou non de l’Union européenne ; il s’agit de sortir ou non de la démocratie. Faut-il considérer que l’Homme européen a besoin d’un nouveau régime, celui d’un despotisme éclairé et doux ?
L’Europe, comme on le dit à raison, est diverse et compte des dizaines de peuples qui ont tous des intérêts et des cultures diverses. La démocratie requiert la souveraineté. Pour dire les choses simplement, un peuple qui n’est pas souverain n’est pas une démocratie. Les gens peuvent y avoir des droits et vivre heureux, sans craindre pour la sécurité de leurs personnes ou de leurs biens, mais ils ne sont plus citoyens. Ils sont sujets. Ils obéissent à des lois faites par une autorité à laquelle ils ne participent pas, et obéissent à des dirigeants qui ne sont pas responsables devant eux. Les Français ont été sujets de leurs rois pendant huit siècles. N’oublions pas que tant que tout va bien en Europe, il est facile de parler d’harmonie et d’intérêts communs. Mais en temps de crise financière et économique violente, les intérêts des peuples européens seront aussi contradictoires que ceux de créanciers et de débiteurs, il n’y aura plus d’intérêt commun, mais l’intérêt des plus forts.
Ainsi, mutualiser les souverainetés nationales, c’est déconstruire les démocraties nationales, au profit d’un pouvoir étatique européen dont il est illusoire et / ou mensonger de penser qu’il pourra être démocratique avant plusieurs générations. En comparaison, toute considération économique ou financière est secondaire.
La construction européenne arrive donc à ce moment que la République romaine a connu à l’époque de César. Elle comprend que pour agréger des peuples et des cultures si différents, un régime de libertés civiques n’est pas suffisant, et qu’il faut un pouvoir beaucoup plus fort et centralisateur. César fut l’homme qui sacrifia la République (aristocratique) romaine pour assurer l’Empire. Car par sa taille, l’Union européenne a une dimension impériale. Or, un Empire ne tient que s’il est capable (i) de répondre à la demande économique, sécuritaire et culturelle des peuples auxquels il prend leur liberté politique, (ii) de combattre ces forces centrifuges que sont les souverainetés et traditions nationales. Ainsi, aujourd’hui, si Bruxelles veut démontrer sa capacité à construire une union politique, elle doit démontrer sa capacité à (i) générer une grande prospérité et des emplois riches pour tous les Européens qu’elle privera de leurs droits démocratiques, tout en étant capable (ii) de briser les volontés d’indépendance nationale.
Quant à l’idée selon laquelle on va demain démocratiser l’Union, tout en étant résolu à continuer à compter pour nulles et non avenues les expressions démocratiques des peuples, c’est une vaine idée. L’exemple du referendum grec de l’année dernière montre comment à la première tension grave, il est difficile de concilier démocratie et unité européenne, et montre aussi quel est le choix des autorités européennes quand la question se pose.
Et si l’Union, tout en privant les peuples de leurs droits démocratiques effectifs, se montre incapable de démontrer son utilité économique et de remplir son rôle de sécurité, alors l’union politique n’a aucun avenir autre que la dictature.
Quel est l’avenir de l’Union européenne dans sa forme politique ? La réponse à cette question dépend de la réponse aux questions précédentes. Bien entendu, l’Europe peut s’en tenir au marché commun envisagé au début, et se limiter à une alliance entre démocraties souveraines qui mettent en commun leur poids en négociant ensemble face aux grandes puissances. Mais cette version économique de l’Europe n’est clairement pas le chemin que suivent les pouvoirs européens.
Deuxièmement, le Brexit est une déclaration d’indépendance de la Grande-Bretagne par rapport à Washington. Londres était le plus ancien, naturel, solide et fidèle allié de Washington en Europe. Washington se l’est aliéné. Conséquences ? Washington, on le sait, a les moyens militaires de tout faire tout seul, mais n’a pas une liberté d’action politique complète. Il ne peut rien entreprendre sans l’appui diplomatique et militaire de Londres, et secondairement de Paris. Même si les accords militaires ne changeront probablement pas, le Brexit signifie l’affaiblissement de l’OTAN en Europe, en tout cas, sa moindre capacité à organiser à engager des actions au Moyen-Orient et contre la Russie.
Tout cela s’est produit à cause de la démesure napoléonienne de la politique de Washington, qui a maltraité son meilleur allié en Europe et se l’est durablement aliéné. Le Brexit n’est pas seulement le commencement de la fin du libéralisme, c’est aussi le commencement de la fin d’un monde dominé par l’Empire américain. Paradoxalement, c’est peut-être le salut de l’influence anglo-saxonne dans le monde.
Troisièmement, sous les vagues d’une campagne électorale assez pitoyable, et au-delà des débats faibles sur l’immigration, qui ont occupé le devant de la scène, le Brexit pourrait marquer la sortie de la place financière londonienne hors de la sphère d’influence américaine. Cela signifierait le retour de l’Angleterre au premier rang des puissances mondiales.
Il s’agit là d’une conjecture, et en aucun cas d’une certitude. Pour bien comprendre, il faudrait savoir quel fut le degré de collusion entre Wall-Street et Francfort dans les récentes tentatives de prise d’autorité de la BCE sur la City. Ni le sentiment du riche londonien ni les prises de position des grandes banques américaines, françaises ou allemandes ne nous disent quelle fut sur le Brexit l’appréciation profonde et discrète des Britanniques les plus influents de la City. Londres acceptait la relation privilégiée avec Washington, tant qu’elle favorisait son industrie majeure. Il est possible que le trop fort rapprochement entre Washington et Berlin ait poussé Londres à un acte d’auto-défense au moins aussi prévisible que ne l’était par ailleurs la réaction populaire au libéralisme sauvage. Ainsi, dans un monde où les régimes non démocratiques inquiètent leurs citoyens fortunés, mais aussi où Washington se permet d’infliger des sanctions financières (Russie) ou d’immenses amendes aux entreprises (Volkswagen) et banques (BNPP) des pays qui hésitent à suivre ses consignes, Londres est en train de devenir l’endroit du monde le plus sûr pour y déposer son argent. Le Brexit pourrait ainsi marquer un choix de la City voulant devenir la place de marché pour les monnaies des pays en froid avec les Etats-Unis, à commencer par la Chine, dont le Yuan aspire à devenir la future monnaie mondiale. Un tel positionnement hostile au Dollar, est impossible pour un satellite des États-Unis. D’où le Brexit, vu du point de vue de l’élite britannique – les débats sur l’immigration servant à mettre la rupture sur le compte des “populistes”.
Quatrièmement, les relations intra-européennes font en un sens retour à la situation d’avant le Traité de Rome. Le Brexit est en effet aussi un acte anglais d’indépendance hostile par rapport à Berlin. La Grande-Bretagne reprend à son compte dans un puissant acte symbolique les fortes paroles prononcées jadis à l’intention de l’Empire allemand par Clemenceau à l’Assemblée Nationale : “Nous ne consentons pas à l’acte d’abdication souscrit pour nous par nos voisins. Nous sommes une grande nation et nous entendons le rester”. Washington avait peu à peu substitué à Londres Berlin via Bruxelles, dans le rôle d’allié privilégié, chargé de contrôler l’Europe en son nom et à son service. Les Anglais ne l’ont pas admis. Le Brexit laisse donc l’Allemagne seule au contrôle de l’Europe, avec une France totalement passive sous un président impuissant. Il est probable que dans les mois qui viennent, l’avenir de l’UE va s’identifier avec l’intérêt de l’Allemagne, notamment en raison de l’effacement de la France. C’est un grave facteur de trouble pour l’Europe qui verrait alors se reconstituer l’impérialisme allemand, sous une forme paradoxale il est vrai.
Il est vrai que, dans la perspective d’un Brexit effectif, les destinées de l’Allemagne sont plutôt sombres. Le retour envisageable des Etats-Unis à l’isolationnisme la laisserait isolée en Europe et dans le monde. L’indépendance européenne par rapport à Washington et la décomposition de Bruxelles ne lui laisseront plus en propre que son identité nationale difficile à gérer et des créances envers des pays insolvables.
Cinquièmement, l’application loyale et fair-play de la décision de Brexit par la Grande-Bretagne ferait prendre conscience en France, rétrospectivement, de l’illégalité du Traité de Lisbonne. Celui-ci consacra en 2009 la violation claire de la volonté du peuple français, pourtant exprimée lors du référendum de 2005. Indépendamment de l’attachement que l’on peut avoir pour le projet européen, cette violation est une faute, et elle est potentiellement mortelle pour la construction européenne en France. La prise de conscience progressive par les Français de cette violation pourrait mener à des débats très durs sur la nullité de l’acte parlementaire usurpant la souveraineté du peuple français. Il est difficile de voir comment l’on pourrait se sortir démocratiquement de cette impasse sans une nouvelle consultation référendaire en France. Son résultat probable sera le Frexit ou du moins le gel du projet européen en France. En effet, tout referendum sera pour la classe dirigeante un vote de confiance, vote qu’elle perdra. Et si la classe dirigeante ne propose aucun referendum, toute prochaine élection présidentielle risquera de devenir de fait un referendum sur le maintien ou non de la démocratie avec des conséquences incalculables. Notre pays vit dans l’état d’urgence en raison du terrorisme islamiste. Pourtant, les futurs débats sur le traité de Lisbonne sont porteurs de troubles beaucoup plus graves pour l’unité de notre pays que des attentats.
Sixièmement, le Frexit, sans résoudre aucun des problèmes intrinsèques à notre pays, aurait une conséquence diplomatique intéressante. L’Europe, comme le pensait à juste titre le Général de Gaulle, est une alliance entre égaux de la France et de l’Allemagne. Mais aujourd’hui, tant que la France ne fait pas le poids face à l’Allemagne de plus en plus impériale, et que le projet européen devient si impopulaire, l’alternative est une nouvelle Entente cordiale, alliance avec une Angleterre sortie de l’Union européenne. Les deux nations, riches de leurs traditions et relations hors d’Europe, reprendront des politiques concertées de rayonnement. Logiquement, elles complèteront leur Entente en donnant la main à la Russie et pourraient constituer le terminal européen de la route de la soie chinoise. L’Union européenne, c’est l’Europe qui sort de l’Histoire pour devenir sous contrôle américain une immense Suisse, mais sans identité, dans laquelle l’Allemagne joue le rôle traditionnel du canton de Berne. Mais ce n’est probablement là qu’une étape de la vie des nations.
Septièmement, les affres de l’Union européenne ne sont qu’un aspect de la fin du libéralisme qui meurt de son injustice. Injustice sociale, dont les peuples ne veulent plus ; injustice politique, les peuples voulant un partage du pouvoir et un minimum de démocratie ; injustice spirituelle, l’argent imposant aux peuples de devenir des amnésiques sans identité, et aux individus de devenir des zombies nihilistes soumis à des puissances d’argent et de transgression. Le libéralisme est en train de devenir une aristocratie nihiliste, comme l’était le national-socialisme sous une forme bien plus criminelle et ouvertement violente. La grande question morale et spirituelle est de savoir ce qui peut succéder aux Lumières éteintes et aux vieilles idéologies. C’est dans cette perspective qu’il faut interpréter, notamment, la politique du pape François. L’Europe a pour mission historique de rompre avec ce chaos nihiliste, d’inventer la culture qui vient après, en cohérence avec son histoire, et de la traduire dans une politique d’ensemble exprimant un renouveau global de civilisation.
Huitièmement, et dans ce contexte, quel avenir pour l’Union européenne ? Il est sombre. Ce qui a été fait sans mandat clair des peuples ne tiendra pas devant la révolte des peuples qui s’annonce pour les prochaines années. Car c’est une utopie que de prétendre construire l’Europe contre sa tradition de liberté. Et la liberté des peuples n’est pas simplement la liberté d’élites qui déclarent froidement incarner par définition la démocratie, au besoin contre le peuple. Or c’est là clairement ce qui est en train d’advenir. L’Europe politique, c’est la construction d’un super-Etat européen, qui annule progressivement les souverainetés nationales, avec une bureaucratie, un parlement, des cours de justice, un pouvoir réglementaire allant bien au-delà de la nécessaire réglementation de la monnaie commune. La révolte des peuples contre cette Europe politique doit devenir un des scénarii majeurs de tout parti politique.
On doit envisager maintenant un possible désastre de la construction européenne. « Extrémisme » n’est pas pour nous un slogan, mais un concept. Nous concevons en effet sans difficulté des réactions à l’universalisme abstrait de l’Europe amnésique et sans identité, sous forme de particularismes arbitraires et fermés, chacun n’agissant que pour soi, et procédant à une réactivation, d’une manière nouvelle, des logiques d’avant 1914.
Les partis et les responsables politiques qui ont souci du bien commun doivent à tout prix sortir de deux dénis symétriques : le déni conservateur de l’UE, aussi bien que le déni des risques de l’extrémisme révolutionnaire. Il faut absolument entrer dans une logique réaliste. Les anciens partisans de l’Union politique doivent prendre acte de sa dissolution de fait, car dès qu’on sort des beaux quartiers, et des plateaux-télé, elle n’existe plus que contre la démocratie et toute la tradition européenne de liberté. Des catastrophes internationales redeviennent possibles, si seuls les partis extrémistes sont pour la démocratie, la souveraineté nationale et la consultation populaire, alors que les partis modérés seraient perçus comme voulant dissoudre les nations dans une construction bureaucratique, inefficace et injuste.
La campagne du Brexit est un signe terrible où les partisans du Remain n’ont pas réussi à répondre à cette question légitime : “À quoi sert l’Union Européenne à part détruire notre souveraineté nationale ?”
Ainsi, soit Bruxelles et Berlin, plus les suiveurs à Paris, Rome, etc. prennent la mesure de l’ampleur historique du soulèvement populaire, soit ils s’imaginent encore, comme Napoléon en 1813, pouvoir sauvegarder l’essentiel de l’existant.
Il faut souhaiter que les pouvoirs comprennent que l’Europe politique est perdue, et qu’ils sauront la sacrifier au profit de l’Europe économique, idée initiale. L’Europe se recentrerait alors sur les domaines où l’Europe est pleinement légitime : (i) l’union douanière pour les échanges intra européens, dont la légitimité et les bénéfices ne font aucun doute, (ii) une politique d’investissement dans l’industrie et les infrastructures européennes, qui utiliserait le crédit de la BCE pour financer l’économie, (iii) la coopération des nations sur certains points clés pour bénéficier de la taille des marchés européens, dans des domaines comme la sécurité énergétique, la défense de son commerce et son droit à commercer avec qui elle veut. Car seuls les fous ne voient pas les avantages du jeu collectif en Europe, face aux grandes puissances.
Un tel recentrage serait bien entendu un changement considérable et, du point de vue de l’idéal européen, un retour en arrière. Mais cela permettrait à des dirigeants modérés de préempter un mouvement probablement inévitable, ainsi que de démontrer aux peuples qu’ils ont compris les raisons du rejet de l’Europe et qu’ils recentrent le projet européen sur le service des peuples et le développement économique. Cette prise en main responsable est probablement impossible avec des chevaux de retour symbolisant qui la technocratie, qui l’impuissance, ou qui le viol de la démocratie.
Sans un tel repli stratégique, c’est toute l’idée de construction européenne qui est condamnée, sauf fuite en avant (heureusement improbable) dans le despotisme dur. Et ceux qui bénéficieront du déni seront des extrémistes.
Neuvièmement, on demandera en effet : dans ce moment de fin du libéralisme, est-ce que les partis extrémistes ne vont pas profiter de la situation ? C’est probable, mais les vieilles idéologies ne pourront pas revenir telles qu’elles étaient. A terme, ni les politiciens technocrates et libéraux en faillite, ni les amateurs qui font la politique d’opposition ne peuvent gérer comme il faut, garder la confiance populaire, et renouer avec la prospérité. C’est donc sans doute une classe dirigeante tout à fait nouvelle, non libérale (mais capitaliste et néanmoins juste) qui va émerger. Associer nécessairement et logiquement trois termes aussi contradictoires entre eux dans la culture encore dominante, permet de prendre la mesure du renouveau culturel requis et en cours d’apparition au sein de l’humanisme européen.
Dixièmement, on demandera enfin : mais que reste-t-il de l’Europe dans ces conditions ? Je réponds : il en reste ce qu’il est resté de la Russie après la fin de l’Union soviétique, c’est-à-dire tout l’essentiel : les peuples, la culture substantielle, l’industrie et le génie inventif. Il reste aussi une expérience historique dramatique, qui peut se traduire comme suit en termes de dialectique hégélienne :
Thèse : opposition des nationalismes impériaux, histoire à base de lutte pour l’empire et pour résultat deux guerres civiles européennes (14-18, 39-45).
Antithèse : folle tentative de destruction des nations et sortie de l’histoire par soumission à un impérialisme global, pour éviter le retour des nationalismes impériaux.
Synthèse : destruction de la destruction, abandon de la perspective de soumission à l’empire, coopération systématique et pragmatique entre nationalités rénovées non-impérialistes et, en conséquence, rentrée dans l’histoire.