Reportage exclusif au cœur de la capitale religieuse de l’Iran.
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Une heure et demi en voiture sépare Téhéran de Qom, première ville sainte chiite d’Iran, équivalent à la cité du Vatican pour les catholiques. Un million d’habitants, soixante-dix écoles coraniques et un énorme afflux de pèlerins (15 millions par an) donnent vie à cet endroit. Le lieu est crucial aux yeux des musulmans partisans d’Ali, le gendre du prophète de l’islam Mohamed.
C’est ici que les jeunes s’inscrivent au séminaire pour devenir hodjatoleslam – titre honorifique signifiant “preuve de l’islam” ou “autorité sur l’islam”, donné aux clercs chiites – puis ayatollah, la plus haute fonction du clergé. Véritable laboratoire de la République islamique, c’est depuis Qom que Ruhollah Khomeini, le guide spirituel de la révolution islamique, est devenu le principal adversaire du roi, le Shah, qu’il renversera lors de la Révolution iranienne.
Une monumentale sculpture représentant un immense livre ouvert accueille, à l’entrée de la ville, les milliers de pèlerins qui se rendent au sanctuaire de Masoumeh dédié à Fatima, la sœur du huitième imam Reza. Le dôme doré de la grande mosquée domine l’immense cour intérieure où un flot continu de personnes s’active en tous sens. Les étudiants ont leurs livres à la main, tandis que les femmes en tchador défilent aux côtés des turbans noirs et blancs des religieux. À l’intérieur même du sanctuaire, on traverse trois salles de prière animées par un Ayatollah prêchant sur le Fiqh, la loi islamique, devant des centaines de personnes assises en tailleur à même le sol. Dans les deux autres chambres, les fidèles se préparent à décorer la tombe de Fatima reposant dans un sarcophage recouvert d’or et d’argent. Les femmes se bousculent pour l’effleurer de leurs mains.
À l’heure du déjeuner, de nombreux fidèles se frayent un chemin vers la cantine sainte de Qom, située derrière le grand sanctuaire. Dans cette salle très propre aux proportions gigantesques, des milliers de pèlerins sont accueillis chaque jour (sur invitation uniquement). Le déjeuner leur est offert au terme de leur long pèlerinage. Le repas, considéré comme béni, est constitué de riz et de viande, cuisinés selon la tradition iranienne.
Après une visite dans la maison de Khomeini, où le chef de la Révolution recevait ses disciples avant d’être arrêté par la police du Shah et exilé, nous rencontrons Mustafa Milani Amin. L’homme né en Iran a lui aussi connu l’exil avec sa famille, réfugiée à Milan quand il avait 2 ans. Il est revenu en Perse à l’âge de 24 ans pour étudier et enseigner dans l’une des nombreuses écoles de théologie de Qom. “Cette ville est le cœur de la science, de la sagesse et de la spiritualité. Les plus grandes autorités religieuses habitent ces lieux, la révolution islamique est partie d’ici. Qom a toujours accueilli à bras ouverts la famille du Prophète et suit scrupuleusement ses enseignements depuis quatorze siècles”.
Outre la classe dirigeante iranienne, d’autres figures étrangères ont aussi étudié sur ses bancs : “C’est un centre mondial, rendez-vous compte que des hommes comme Hassan Nasrallah (chef religieux du Hezbollah libanais, ndlr), ont été formés dans ces classes”, s’enthousiasme Amin.
“Nous sommes une théocratie modérée”
La vie politique de nombreuses sociétés de part le monde est directement influencées par ces madrasa (écoles en arabe, ndlr). Mais Amin tient à nous mettre en garde contre les nombreux détracteurs de l’institution : “Oui, il est clair que l’Iran reste un pays autoritaire du point de vue législatif, mais je tiens à vous rappeler que nous sommes une jeune République et restons en bien des points une théocratie modérée. Et le président Rohani en est la preuve, c’est un authentique progressiste !”.
Nos pas nous mènent vers l’école coranique la plus importante et la plus prestigieuse de Qom, la Madrasa Masumeh, “l’incubateur” de la révolution islamique. Cette très ancienne propriété entourant une immense cour, abrite les futurs grands ayatollahs de la société iranienne. Comme les universités anglo-saxonnes, ici toute la vie étudiante se déroule sur le campus. Nous arpentons dortoirs, cantines, salles de sport, salles de classe et autres lieux de prière pour rencontrer un hodjatoleslam, jeune homme de trente ans, enseignant l’histoire religieuse. Ses étudiants semblent intrigués par notre présence. Le professeur nous invite à nous assoir sur un tapis autour d’un plat traditionnel.
Le véritable “État islamique”, c’est nous !
D’emblée, le jeune homme entreprend de nous exposer les similitudes spirituelles que l’on peut observer entre le chiisme et le christianisme, comparant le Mahdi – ce “sauveur” attendu par les musulmans chiites – à la figure du Christ. Une longue conversation s’ensuit sur l’importance de la figure de Marie dans l’islam et particulièrement dans le chiisme duodécimain (des “douze imams”, le treizième, l’ “imam caché” ou Mahdi, doit revenir à la fin des temps. Courant majoritaire du chiisme historique, ndlr). Nous nous quittons sur cette ultime recommandation : “Revenez nous voir ! Et rappelez-vous que le véritable État islamique, c’est nous ! Et surtout pas Daesh, cet ennemi mortel de notre religion”.