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Quand Vladimir Poutine s’affranchit du programme officiel pour prier au mont Athos

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Charles Rouvier - publié le 08/06/16
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Fin mai, le président russe était en déplacement en Grèce. Une rencontre entre deux pays marqués par l’orthodoxie.

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Le 28 et 29 mai, Vladimir Poutine s’est rendu en Grèce, pour signer avec ce pays ami un certain nombre d’accords mineurs sur les domaines économiques, rappelant les liens historiques entre les deux pays, etc. Une opération diplomatique somme toute classique. Mais ce qui l’est moins est la visite au monastère russe du mont Athos où il est resté longuement prier en compagnie de l’archevêque de Moscou Cyrille mais aussi du président grec et du ministre des Affaires étrangères. Ce n’était donc pas seulement une visite diplomatique : c’était une rencontre au sommet, au propre comme au figuré, de l’orthodoxie.

Les premières bases d’une réunion entre frères

La Grèce fut non seulement le premier pays orthodoxe, mais même pendant la guerre froide le seul au monde alors que la Russie “répandait ses erreurs” partout ailleurs. En s’y rendant et en dirigeant ses pas sur les pentes du mont Athos, Poutine jette les premières bases d’une réunion entre frères.

Ce qui unit ces deux peuples ne sont ni les “droits de l’homme”, ni les “valeurs universelles”, “humanistes”, “démocratiques” ou autres épithètes vides dont le discours politique occidental est plein. Ce n’est pas non plus la compilation invraisemblable de traités et conventions de commerce de marchandises, de bourses, de capital, de pas de portes, et j’en passe, qui tient maintenant lieu de conscience aux pays de l’Union européenne, cette gigantesque galerie marchande.

Non, ce qui les rapproche, c’est l’Histoire, une histoire en particulier. L’histoire extraordinaire des frères Cyrille et Méthode. Il y a douze siècles, ils firent le chemin de Salonique pour s’établir un soir d’hiver dans le pays sombre et sauvage de Moravie, et y déposèrent un trésor. Et ce trésor était la foi. Et de Moravie, tous les peuples slaves furent unis par le sang à la chrétienté, non pas le sang coulant dans les veines mais le sang du Christ et des martyrs. Et cela vint avec une écriture, une science, une culture gréco-romaine. La civilisation, en somme, fut offerte d’un seul coup aux rudes peuples slaves que l’Occident n’avait su ni soumettre ni convaincre.

Les siècles et les idéologies, les conquêtes mêmes, n’ont pas pu briser ce lien d’aîné à puiné

Bien sûr, tout cela n’est pour l’instant qu’une visite de courtoisie, de travail tout au plus. Il n’y a pas de renversement d’alliances. La Grèce ne quitte pas l’OTAN, ni l’OMS, etc. et encore moins l’Union européenne, ni n’enfreindra au-delà du raisonnable les sanctions prises par celle-ci à l’égard de la Russie. La Russie, de son côté, n’aurait de toute façon pas les moyens de rétribuer un tel débauchage, c’est-à-dire de subvenir aux besoins pressants et énormes de la Grèce en liquidités. Bref, une coalition stratégique et politique n’est pas pour demain. Mais cela souligne d’autant plus la dimension avant tout culturelle, spirituelle, “civilisationnelle”, dit-on aujourd’hui de ce voyage.

L’éventuelle émergence d’une alliance politique orthodoxe appartient pour l’instant à l’avenir lointain. C’est l’inconnue du temps long historique, celui que plus aucune horloge ne décompte dans nos contrées encombrées de fibre optique, de nanosecondes, de “buzz”.

Ce n’est pas grave, Poutine, lui, peut attendre. Poutine est patient, Poutine est est né un soir d’hiver, il y a douze siècles, en Moravie.

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