Le dernier film d’Elie Chouraqui aborde le poids des tabous familiaux à travers le prisme de la Shoah.
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Avec ce film tiré du livre de Fabrice Humbert (prix Renaudot poche 2010), Élie Chouraqui se plonge dans la Seconde Guerre mondiale en suivant la quête d’un jeune enseignant qui découvre un terrible secret de famille. “Pour parler de la Shoah, j’attendais le bon axe et je l’ai trouvé avec le livre de Fabrice Humbert. C’est vrai que je m’interroge : comment mon fils et mes autres enfants parleront plus tard à leurs descendances de ce qui s’est passé ? Mais L’origine de la violence traite avant tout des secrets de famille”, précise Élie Chouraqui qui s’était empressé d’acquérir les droits du livre à sa sortie.
Le livre, en partie autobiographique, est un très bon roman et Fabrice Humbert a coécrit le scénario du film. C’était déjà un bon point de départ et Élie Chouraqui a tiré son épingle du jeu en le portant à l’écran.
Le réalisateur lui-même confronté à un terrible non-dit
L’histoire en quelques mots : celle d’un jeune professeur, Nathan Fabre, qui découvre au camp de concentration de Buchenwald, à l’occasion d’un voyage en Allemagne, la photographie d’un détenu dont la ressemblance avec son propre père, Adrien, le stupéfie. De retour en France, le souvenir de cette photographie ne cesse de l’obséder. Face au silence de son père, il décide alors de se pencher sur l’histoire de sa propre famille.
Le réalisateur a lui-même été confronté à un terrible non-dit : le décès, durant cette guerre, de son grand frère dont il a appris l’existence vingt-cinq ans plus tard… “Les secrets de famille, confie le réalisateur, c’est mille petits éléments qui vous feront comprendre que quelque chose existe et que vous ne le maîtrisez pas…” Et qui peuvent vous rendre malheureux, faire naître des peurs en vous, vous mener à la violence.
Le film fonctionne un peu comme un polar, on va de découverte en découverte dans les pas de Nathan Fabre, d’hier, durant la guerre, à aujourd’hui, de Paris à Buchenwald – où Élie Chouraqui a pu réellement tourner ! – en passant par la Normandie. Dans sa quête de la vérité qui ne sera jamais que sa vérité…
Le cinéaste interpelle : et si, dans chaque histoire personnelle, les non-dits et la peur qui en découle étaient à l’origine de la violence ? Il rappelle que le passé, même enfoui au plus profond des mémoires, finit toujours par ressurgir… tout en restant souvent dans la nuance, sans jugement : Gabi, petite-fille de nazi, et Nathan, petit-fils de déporté, ressentent tous les deux un mal-être face à ce passé douloureux. En parlant de l’occupation, Clémentine, grand-tante de Nathan, repense à “la facilité qui nous était donnée par les fascistes de devenir des monstres en dénonçant des juifs…”.
Une belle distribution autour de César Chouraqui
Élie Chouraqui s’interroge aussi sur la paternité. Et à travers cette histoire familiale qui parle de filiation, le réalisateur met en scène pour la première fois son fils César Chouraqui, 21 ans, qui interprète avec beaucoup de justesse David Wagner, jeune juif drôle et insouciant avant d’être déporté ; le détenu sur la photo à partir de laquelle l’histoire prend corps, c’est lui. Le jeune homme confie avoir vécu des moments très forts durant le tournage, avec ce rôle délicat à jouer, sans pour autant se mettre trop la pression : “La presse, le fait d’être “le fils de”, j’ai laissé ça derrière moi, et finalement la caméra de mon père a été une sécurité. Pour les besoins du rôle, j’ai notamment expérimenté le jeûne pendant quinze jours – il a dû perdre 15 kg pour interpréter David Wagner –, je pense que ça m’a permis de mûrir, de ressentir ce qu’il y avait au plus profond de moi…”.
À ses côtés, une pléiade de bons acteurs qui donnent corps et force au film. De Stanley Weber (Nathan Fabre), jeune adulte torturé, à la fois doux et violent, à l’actrice allemande Miriam Stein qui incarne une jeune Allemande (Gabi), petite-fille de nazi, en passant par Richard Berry (Adrien Fabre), le père silencieux, ou Michel Bouquet (Marcel Fabre), le patriarche, qui, à 90 ans, démontre ici qu’il reste un acteur incroyable. “Je tenais à ce que chaque rôle soit parfait”, souligne le réalisateur. C’est réussi jusqu’aux plus petits rôles joués par Didier Bezace ou encore Christine Citti.
Un mot sur la musique : si le mélange de musique électronique, parsemée de souffles, de bruits, s’accorde plutôt bien avec la captivante et enveloppante 7e symphonie de Beethoven qui suit le héros dans sa relation avec son père, elle est à quelques moments un peu superflue, l’émotion se suffisant à elle-même.
De réalisateur à consultant sportif pour les JO
Après quatre années de labeur et un financement difficile – malgré un soutien important du côté des Allemands –, Élie Chouraqui est heureux d’être venu à bout de ce film qui lui tenait tant à cœur. Pas question pour autant de souffler : cet été, l’homme aux multiples casquettes endosse un nouveau rôle : consultant sportif pour France Télévisions à l’occasion des JO de Rio, essentiellement pour le volley. À 65 ans, Élie Chouraqui a une histoire particulière avec les Jeux olympiques. Ancien international de volley et même capitaine de l’équipe de France, il n’y a jamais participé en tant qu’athlète mais regorge de souvenirs, notamment lors des tragiques JO de Munich en 1972 alors qu’il tournait un film avec Claude Lelouch.
L’origine de la violence d’Élie Chouraqui, en salle depuis le 25 mai 2016, 1 h 50 avec Stanley Weber, César Chouraqui, Michel Bouquet, Richard Berry, Myriam Stein, Catherine Samie…