Pour la commémoration de la prise de Constantinople, les voix réclamant la reconversion du musée en lieu de prière se font entendre.
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“Il faut briser les chaînes et rouvrir Sainte-Sophie” scandaient les manifestants devant l’esplanade de l’ancienne basilique orthodoxe Sainte-Sophie. L’édifice orthodoxe a été transformé en mosquée lors de la prise de la ville en 1453, puis Atatürk décida d’en faire un musée en 1934. La demande de retransformer le bâtiment en lieu de culte musulman est récurrente dans les milieux nationalistes turcs.
Fête pour le 563e anniversaire de la prise de la ville
Près d’un million de personnes a assisté aux festivités, transporté gratuitement en bus ou en ferries pour assister à “la plus grande scénographie du monde” selon ses organisateurs. Ils ont bénéficié du soutien de l’armée de l’air turque, de cinq hélicoptères, d’une frégate et même d’un sous-marin, pour reconstituer les exploits de Mehmet II “le Conquérant”, qui captura la ville. Le président Erdogan a bien entendu conclu la représentation. Il a affirmé : “Nous ne courbons la tête devant personne mis à part Dieu. Je salue tous les peuples affligés, de Damas à Tripoli. De Sarajevo au Turkménistan”. Le nom des territoires qu’il cite ne sont pas anodins : il s’agit de lieux ayant appartenu à l’Empire Ottoman.
Le “sultan” Erdogan
Depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, le Parti de la justice et du développement de Recep Tayyip Erdogan, les autorités turques utilisent le passé impérial ottoman, quitte à en assumer les pages les plus sanglantes. Ils n’ont pas trouvé d’inconvénient par exemple, à baptiser le 3e pont en construction sur le Bosphore du nom de Selim 1er. Ce sultan est connu pour avoir fait massacrer 40 000 alévis, une minorité musulmane libérale. Les membres de l’AKP sont soupçonnés de vouloir barrer d’un trait le Kémalisme, autrement dit la tradition laïque en Turquie.
Un serpent de mer
Si la reconversion de la basilique Sainte-Sophie en mosquée s’inscrirait dans la droite ligne de la politique néo-ottomane du gouvernement d’Erdogan, rien ne dit qu’il franchira le pas. La transformation de la “mosquée Sainte-Sophie” en musée en 1934 était pour Atatürk un moyen d’apaiser les tensions avec les minorités chrétiennes, et de montrer au monde une image de la Turquie plus moderne et ouverte. Il s’agit d’un monument symbolique, mondialement connu, un retour en arrière serait pour Erdogan une catastrophe diplomatique.
D’autres églises-musées
Le cas de l’église Sainte-Sophie de Trébizonde, très similaire à celui de Sainte Sophie de Constantinople, donne une idée des forces en présence en Turquie. Cette église, transformée en mosquée lors de la conquête turque, est, elle aussi, devenue un musée pour apaiser les tensions avec les minorités chrétiennes, en 1964. Puis le 5 juillet 2013, des islamistes intégristes ont gagné un procès qui leur a permis de transformer à nouveau l’église en mosquée, cachant les fresques chrétiennes sous des tentures. En fin de compte, l’Union des architectes de Trézibonde intenta un nouveau procès et obtenait, en novembre 2013, que le bâtiment redevienne un musée.