“Toute la vie du chevalier ne peut être que fidélité. Il a fait le choix de suivre l’exemple du Christ, la fidélité incarnée”.
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À quoi peut bien ressembler le chevalier des temps modernes ? Pour répondre à cette épineuse question, Aleteia a remis au goût du jour un ancien code de chevalerie en vigueur au XIIe siècle. Ces dix commandements, à l’image du décalogue de l’Église catholique, dictaient la conduite des chevaliers désireux de cultiver les saintes vertus et d’éveiller en eux les sentiments les plus nobles. Répondant aux problématiques médiévales, un tel code peut à première vue sembler désuet ou inapproprié à l’époque moderne. Vraiment ? Largement imprégnés par la morale chrétienne, ce seront des prêtres, bien dans leur époque, qui revisiteront et réactualiseront pour vous les préceptes de ce code dont notre société moderne gagnerait beaucoup à s’inspirer. Faisons naître ensemble un nouvel esprit chevaleresque !
Cette semaine, le père Patrice Gourrier, prêtre catholique, psychologue-clinicien, ancienne Grande Gueule sur RMC, et qui a été nommé par le pape François “missionnaire de la Miséricorde” pour toute la durée du jubilé, nous partage son regard sur ce nouveau précepte du décalogue chevaleresque :
Tu ne mentiras point et seras fidèle à la parole donnée
Au cours de sa vie, chacun poursuit l’objectif d’être plus cohérent, chacun est à la recherche de l’unité de son être. Un chevalier, plus que quiconque, souhaite unifier son être pour mieux s’élever. Personne au monde, pas même un chevalier ne peut élever son âme en mentant, car le mensonge divise. La division c’est le diable, il est le diviseur par excellence. Quiconque est divisé en lui-même ne peut s’élever, car la division brise la croissance, humaine comme spirituelle. Un royaume divisé peut-il tenir ? L’âme humaine est ce royaume.
Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut pas tenir.
Si les gens d’une même maison se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas tenir.
(Mc 3, 24-25)
Le Christ nous appelle à cette unité de l’être, mais avec Lui. Il s’agit en effet de faire un avec Dieu. Il est la Parole et se donne jusqu’au bout, jusqu’à la mort. La division est inexistante chez le Christ. Être fidèle c’est ainsi se prémunir de l’action diabolique.
Frères, je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ : ayez tous un même langage ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et d’opinions.
(1 Cor 1, 10)
S’il vient à mentir, le chevalier n’est plus qu’un vulgaire pastiche. Il n’a plus cette authenticité indispensable à sa qualité. C’est pourquoi il doit se tenir à l’écart du mensonge, des petits comme des grands. Qu’un gros trou ou un plus petit se forme dans sa coque, le bateau finira toujours par couler. De la même façon, tout péché, grave ou moins grave peut entraîner à la perdition tôt ou tard si rien est fait.
Le chevalier a un code de conduite, il est dès lors un référant pour les autres qui se disent : “Celui-là a fait tel serment, il est donc valeureux”. Si par malheur il manque à sa parole, que vont-ils penser de lui et de l’ordre devant lequel il a prêté serment ? On ne croira plus en lui ni en ses pairs. Beaucoup plus grave : on ne croira même plus à ce qu’il y au-delà de sa parole : la foi. Un chevalier doit se souvenir qu’il représente bien plus que lui-même.
La parole est le média qui nous unit les uns aux autres. Si elle est divisée, incohérente, elle n’a plus de valeur. Ainsi, toute la vie du chevalier ne peut être que fidélité. Cette dernière est consubstantielle au chevalier dans la mesure où il a fait le choix de suivre l’exemple du Christ, la fidélité incarnée. Quand Celui-ci dit : “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime” (Jn 15, 13)
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.
Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent,
afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.
En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?
(Mt 5, 43-47)
Alors qu’Il est crucifié : “Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font” (Lc 23, 34). Là encore, Jésus est hautement fidèle à la parole donnée et chacun est susceptible de croire en Lui. On m’a confié aujourd’hui la responsabilité d’un jeune suicidaire, je lui ai promis de ne jamais le lâcher. Je dois d’autant plus être fidèle à ma parole que dans ce cas là, le fait que je tienne ma promesse fait partie du processus de guérison.
Le preux chevalier ne peut se prémunir du mensonge qu’en puisant sa force chez un autre que lui-même : en Dieu. Sa force est en effet limitée, ce n’est pas en lui-même qu’il la trouve. C’est une fois qu’il s’en remet pleinement à Dieu que son énergie peut tout dépasser. C’est le chemin (Jn 14, 6). Dès lors, il peut réaliser certaines choses qu’il ne croyait pas possibles auparavant. C’est en fait L’Esprit Saint qui agit en mettant en avant notre vide, notre faiblesse pour mieux y laisser la puissance de Dieu s’y déployer. Notre chevalier peut tout particulièrement s’appuyer sur ceux qui sont aussi fidèles à leur parole, donnée dans le sacerdoce : les prêtres.
Il doit dans le même temps se plonger dans le silence de Dieu car la parole juste et véritable naît du silence dans un cœur à Cœur avec Dieu. S’isoler régulièrement du monde, tout comme le Christ le faisait. Une fois par jour brièvement, une fois par semaine plus longuement, une fois par mois encore plus longtemps. Il est important alors de ne pas seulement “méditer” mais de devenir un “méditant”, ce n’est pas une manière de faire, mais d’être ! Le chevalier suit avant tout un manuel de “savoir être” et non de “savoir faire”. Le “savoir être” est plus ancré.
Dans son silence, qu’il demande à Dieu de lui permettre de voir avec Ses yeux, d’écouter avec Ses oreilles, de parler avec Sa bouche. Les prières courtes sont les meilleures, les pères du désert disaient qu’il faut lancer sa prière comme une flèche vers le ciel.
Dans sa quête de vérité et de fidélité à la parole donnée, le Christ est le plus capable de lui venir en aide. Selon un moine cistercien américain, Thomas Merton (1915-1968), notre modèle par excellence c’est l’Homme parfait, en d’autres termes, le Christ. Nous sommes appelés à devenir comme Lui. Saint Paul le dit très bien :
À vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ;
en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu.
Car le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous.
Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ.
C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ.
Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.
(1 Cor 1, 3-9)
Ce n’est plus notre ego qui s’exprime, c’est bien plus que cela. Pour rester fidèle à sa parole, le chevalier doit accepter de rencontrer une opposition et de connaître la souffrance. Il faut qu’il le sache et se tienne prêt, assuré que Dieu lui donnera la force nécessaire, dans l’amour. Aimer c’est accepter de souffrir et cette souffrance sera signe que le chevalier tient sa parole. La parole devient actes. Sans cela elle n’est que du vent.