Le Scandinave Ulf Ekman se confie à son compatriote suédois Henrik Lindell.
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En Suède, il était le prédicateur évangélique le plus en vue depuis 30 ans, le fondateur de la “megachurch” Livets Ord ( “La Parole de la Vie”), à l’origine d’un réseau de communautés qui réunit plus de 250 000 fidèles en Scandinavie, en Russie et dans le Caucase, mais aussi l’un des manifestants contre la visite du pape Jean-Paul II à Stockholm en juin 1989. Et voilà qu’aujourd’hui, il se fait bénir par le pape François place Saint-Pierre et déclare : “Je voudrais que tous les chrétiens deviennent catholiques” !
Stupeur, scandale, interrogations….
La conversion d’Ulf Ekman au catholicisme a suscité stupeur, scandale chez les protestants, mais aussi de nombreuses interrogations chez des catholiques persuadés que l’œcuménisme commande de rester ad vitam aeternam chacun chez soi. De quoi intriguer son compatriote Henrik Lindell, journaliste à La Vie, qui a longuement “cuisiné” Ulf Ekman pour comprendre son itinéraire. Le résultat est captivant. Cet intérêt ne tient pas seulement aux circonstances de sa conversion, avec son épouse Birgitta, mais aussi à son éclairage très argumenté sur l’œcuménisme, l’autorité du Pape, l’unité de l’Église, la place de Marie, des Écritures, des sacrements, entre autres sujets majeurs qui ont déterminé le choix d’Ekman, la grâce aidant.
Sur les pas de Newman
Son parcours évoque irrésistiblement celui de John Henry Newman, autre célèbre prédicateur protestant et fleuron d’Oxford, dont la conversion au catholicisme, en 1845, stupéfia et scandalisa l’église anglicane et toute l’Angleterre. Le choc ne fut pas moindre en Suède quand, le dimanche 9 mars 2014, le pasteur Ulf Ekman annonça en chaire, dans l’église qu’il avait lui-même fondée, à Upsal, ville universitaire, sa prochaine entrée dans l’église catholique. Radios et télévisions répercutèrent aussitôt cette annonce d’autant plus renversante qu’elle concernait une véritable vedette dont l’église charismatique taillait des croupières à la vieille Église luthérienne gagnée par le libéralisme et le relativisme (Ulf Ekman s’opposa notamment vigoureusement à l’avortement, à l’ordination de femmes comme à la bénédiction de couples homosexuels). Comme son inspirateur, le pasteur Newman, un siècle et demi plus tôt, Ulf Ekman voulait revenir aux fondamentaux de la foi et ranimer l’audace missionnaire, sans pour autant faire de cadeaux aux “papistes”. Mais sa ferveur et sa profonde honnêteté intellectuelle, sans oublier sa dévotion mariale, l’emmenèrent là où il ne pensait pas aller : l’Esprit Saint l’attendait au tournant…
“Connaître la vraie nature de l’Église”
C’est ce tournant, ou plutôt ce retournement, qu’il décrit et explique à Henrik Lindell. On le suit, avec son épouse Birgitta qui l’aura souvent devancé comme les saintes femmes ont précédé les apôtres, dans leur grand pèlerinage spirituel, intellectuel mais aussi physique puisqu’il les a conduits à vivre trois ans en Terre sainte où ils s’initièrent au véritable dialogue œcuménique en se dépouillant, dit-il, de leurs “préjugés” sur les églises sœurs, notamment l’Église catholique. La prière commune avec des “charismatiques” catholiques et des retraites spirituelles favorisèrent le rapprochement. Mais il y avait aussi à l’œuvre depuis des années chez Ekman, comme jadis chez Newman, un patient et rigoureux travail théologique, enraciné dans une étude approfondie de l’Histoire et des écrits des Pères pour “connaître la vraie nature de l’Église”. Il ne s’agissait pas pour Ulf et Birgitta d’un simple intérêt spéculatif mais d’une véritable urgence missionnaire répondant à l’ultime demande du Christ : “Que tous soient un afin que le monde croie” (Jean 17, 21).
La franchise et la rigueur sans concession d’Ulf Ekman, qui n’ombragent pas la joie de son témoignage, font de son entretien avec Henrik Lindell un véritable bain de jouvence spirituelle. Un livre à lire, à relire, à méditer pour nous dépouiller à notre tour de nombreux préjugés sur l’Église catholique et sa tradition, et pour retrouver cette “ferveur première” dont nos églises d’Occident ont tant besoin.
De la megachurch à l’Église catholique de Ulf Ekman avec Henrik Lindell. Éditions du Cerf, 192 pages, 14 euros.