En parlant souvent de discernement, de miséricorde et de prière, le Saint-Père cherche à mettre son Peuple en situation de “liberté intérieure”, typique de la tradition ignacienne.
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Le pape François s’est toujours inspiré de son père spirituel, saint Ignace de Loyola, le fondateur des Jésuites. Et aujourd’hui il se donne pour “mission” d’ouvrir le plus grand nombre à ses enseignements. De quelle façon ? À travers l’apprentissage de concepts clés contenus dans les Exercices spirituels.
Le Pape, parfois indirectement, nous stimule à de petits “exercices spirituels”. Si bien que l’on ne saurait s’étonner quand il nous parle souvent de discernement, miséricorde, prière. Ce n’est pas un hasard !
La tradition de François
Comme l’explique à Aleteia le père jésuite Gaetano Piccolo, professeur de philosophie, spécialiste de métaphysique à l’université pontificale grégorienne, les appels au discernement si souvent lancés par le Pape remontent à une vieille tradition : “la violente querelle qui opposa le jésuite espagnol Luis de Molina aux théologiens dominicains sur le délicat problème des rapports entre la grâce de Dieu et la liberté de l’homme, au XVIe siècle “. Le jésuite soutenait que “malgré le péché originel, l’homme restait libre de choisir entre le bien et le mal”. Tradition dont les origines sont très certainement à rattacher aux Exercices spirituels d’Ignace de Loyola (1491-1556), qui “révolutionna la tradition spirituelle des cinq derniers siècles”. L’ouvrage fut approuvé par Paul III le 31 juillet 1548. La querelle remonte à 1595.
Discernement et prière
Dans la tradition ignacienne, “le discernement (dont le sens littéral est “faire la distinction entre”) ne veut pas dire simplement choisir avec bon sens, mais se mettre en situation de liberté intérieure pour sentir vers quoi Dieu nous pousse. C’est pourquoi le discernement ne peut avoir lieu que dans la prière. Et, si ces exercices spirituels sont l’équivalent d’un long et intense cheminement de prière, on comprend mieux qu’Ignace ait introduit des règles de discernement dans son cahier”.
Quatre étapes
Bien qu’Ignace reconnaisse à ce “parcours progressif” la possibilité d’être adapté de différentes façons, poursuit le père Gaetano Piccolo, “il est pensé originairement comme un guide à suivre en quatre étapes ou semaines“. Le point de départ est l’amour reçu de Dieu, le don de son amitié, ou bien, en termes bibliques, le don de l’alliance. Mais comme nous dit le livre de la Genèse, cette alliance continue de “se briser en mille morceaux au contact du péché”.
La miséricorde au cœur de tout
La première semaine, explique le théologien et philosophe jésuite – auteur du livre Esercizi spirituali di Sant’Ignazio di Loyola – “porte donc le retraitant à prendre conscience de son péché, face à la Miséricorde du père. Il s’agit pour lui de vivre l’expérience du pardon. Et l’on comprend, dans ce cas aussi, cette insistance du pape François à évoquer le thème de la miséricorde.
Au centre de la deuxième semaine “il y a la vie du Christ” : le retraitant est invité à “contempler les moments de la vie de Jésus” et à “se demander s’il souhaite L’imiter, le suivre, vivre avec Lui”.
Notre affect
Au cours de la première semaine, les règles énoncées constituent “un bon début pour apprendre à faire la distinction entre telle ou telle chose à l’intérieur de soi”, explique Gaetano Piccolo : Ignace parle globalement de “consolation” et de “désolation”. Les règles supposent une profonde vision anthropologique : nos réactions émotives, que l’on appellerait aujourd’hui “psychologiques”, ne couvrent pas toute notre personnalité. Ignace reconnaît dans l’homme un noyau plus profond, “l’esprit”, pour reprendre un terme biblique. L’esprit c’est l’espace où Dieu agit en nous, où Il bouscule nos sentiments, comme souligne Ignace en choisissant le mot “sentiment” pour décrire des états plus durables que les émotions, et moins dépendants des sollicitations extérieures.
L’ennemi de la nature humaine
Le discernement consiste donc à “reconnaître la source de ces sentiments”: car Dieu n’est pas le seul à remuer notre for intérieur, il y a aussi ce qu’Ignace appelle “l’ennemi de la nature humaine”. “On peut être calme sous l’effet d’un esprit mauvais qui agit de manière à nous entretenir dans le péché, ou éprouver de la tristesse parce qu’un bon esprit agit pour nous sortir de notre torpeur”, explique le théologien.
Habituellement, poursuit-il, “nos sentiments sont le résultat de nos pensées, c’est donc sur elles que nous devons nous concentrer. Et cela se complique quand les pensées ne dépendent plus d’esprits bons ou mauvais, mais de nous-mêmes, c’est-à-dire de notre personnalité, de notre tempérament”.
La tentation
Pendant la deuxième semaine, on présente au retraitant une deuxième série de règles car “en progressant dans son cheminement spirituel, quand tout est désormais suffisamment simple à révéler les pièges de l’ennemi, le visage de la tentation se complique et se présente sous la forme apparente du bien”. Il lui faut donc “du discernement sur le bien, sur l’amour, car une chose bonne en soi ne l’est pas nécessairement pour lui en ce moment précis”, explique toujours Gaetano Piccolo.
La passion
À la troisième semaine, le retraitant se met à contempler Jésus dans sa passion. Il prie devant la croix, “là où la divinité se cache derrière le visage de l’homme vaincu et se demande à ce moment-là ce qu’il souhaite faire pour le Christ”.
La Résurrection
Enfin, à la quatrième semaine, les prières et méditation se concentrent sur les récits de la résurrection. Gaetano Piccolo explique : “Les Exercices s’achèvent sur une dernière contemplation qui constitue un trait d’union entre le temps des exercices et la vie ordinaire à laquelle le retraitant revient : il s’agit d’examiner le bien reçu, les dons présents dans sa vie, pour toucher du doigt que ces dons ne nous appartiennent pas, qu’ils ne sont pas à nous, que nous pouvons les redonner. Car c’est en restituant cet amour que l’on découvre le sens de la vie”.
Méthode de prière
Les Exercices spirituels, on le comprend bien, sont donc “une expérience et une méthode de prière”. La structure même de la prière durant les exercices suit des indications bien précises : Ignace invite le retraitant à “partir de son désir, ou de ce qui lui tient à cœur, pour se sentir impliqué dans la relation avec Dieu”. La prière n’est donc pas “un spectacle de pensées, mais l’endroit-même où se trouve la conscience de ce qui se passe intérieurement : ce n’est pas tant de savoir ce qui rassasie et satisfait l’âme, affirme Ignace, mais sentir et goûter les choses intérieurement”, conclut Gaetano Piccolo.
Liberté et responsabilité
Il est donc possible de parler de discernement uniquement à la lumière de ce qui s’est passé dans la prière, mais il serait incongru de parler de choix sans considérer “la liberté et la responsabilté de l’homme face au bien et au mal”, comme le disait le père Molina.