Était-ce à cause de la pornographie ? De la drogue ? Pourquoi notre fils s’éloignait-il irrémédiablement de nous ?
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Alors que notre fils de 16 ans s’éclipsait pour une énième fois dans sa chambre avec pour seul compagnon son ordinateur portable, mon mari, déconcerté, me demanda : “Porno ?”.
Lorsque ses résultats se dégradèrent et qu’il commençât à éviter ses amis, ce fût à mon tour de demander à mon mari : “La drogue ?”.
Nous avions beau fouiller sa chambre son historique sur Internet, lui demander ce qu’il se passait, rien n’y faisait.
Quelques semaines plus tard, nous le suivions dans l’une de ses échappées près de la maison. Quelle ne fut pas notre perplexité en le voyant se faufiler entre les arbres et les buissons. Et son père, dépassé, de murmurer : “Ton fils perd la boule”.
Fini les amis à la maison. À l’école, tout va de mal en pis. Il accumule les mauvaises notes en maths, le redoublement se profile. Mon fils était un délinquant en puissance, j’en étais persuadée. Les cartons rouges s’érigeaient autour de nous, sans aucune possibilité de comprendre.
À bout, hier soir, je déversai toute ma frustration sur lui. Tête baissée, nerveux, il murmura : “J’ai écrit un livre”.
Je le fixai du regard, abasourdie. “Comment ?”.
“J’ai écrit un livre. À l’automne dernier”.
À la colère succédât la confusion. “Un livre ? Long ?”.
“Environ 60 000 mots”.
“Mais quel type de livre ? Quelqu’un l’a vu ? Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé avant ?”. Un flot de questions montait à mes lèvres.
“C’est une sorte d’histoire fantastique médiévale.”
“L’as-tu montré à quelqu’un ? Je peux le lire ?”.
“Je l’ai publié moi-même, maman. Genre en format e-book. Il a été téléchargé près de 1 000 fois. Les lecteurs semblent apprécier. Et ils aiment bien la suite, aussi.”
“Donc il y a déjà un livre et une suite ? Quand écris-tu ?”.
“La nuit. J’éteins les lumières pour éliminer toute distraction. Et j’écris.”
Je ne pouvais m’empêcher de regarder fixement l’homme-enfant qui se tenait face à moi alors que toutes les pièces du puzzle se mettaient en place. Il n’était donc pas tombé dans la drogue, et n’avait pas d’envies suicidaires. Il n’était pas en train de décrocher de l’école, il avait juste succombé au besoin existentiel de coucher des mots par écrit. C’est une addiction que je ne connais que trop. Je m’étonne d’ailleurs de ne pas avoir su déceler les signes qui me sont si familiers.
Il n’est donc pas en passe de devenir un délinquant antisocial. Il est juste le fils de sa mère. Un écrivain !
Je le pris dans mes bras et lui dis : “Trois choses : c’est une belle initiative ce livre, mais il faut que tu aies la moyenne en maths”.
“Ok” soupira-t-il. “Quoi d’autre ?”
“Je veux le lire. Papa et moi, nous payons Internet, nous avons donc le droit de savoir ce pour quoi tu l’utilises”.
“Et le numéro trois ?”
“Tu faisais quoi dans les broussailles ?”
“Je préparai les chorégraphies des scènes de batailles.”
“Forcément.”
Depuis, je l’ai inscrit à un atelier d’écriture estival et lui ai proposé, s’il le souhaite, de prendre une année de césure après le lycée pour travailler son écriture. J’en suis à la moitié de son premier livre. C’est drôle. Et pas mal du tout. Surtout très, très drôle. Du haut de ses 16 ans, il est déjà meilleur écrivain que je ne pourrai jamais espérer l’être.
Et pour les maths, on a pris un prof particulier.