Monseigneur Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, réagit à la récente proposition du gouvernement du divorce par consentement mutuel sans juge.
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Faut-il s’étonner des projets du gouvernement qui voudraient que désormais, les procédures de divorce par consentement mutuel soient traitées devant notaire et non plus devant le juge ?
Il faut d’abord remarquer que ce projet n’émane ni du ministère de la famille (y en a-t-il encore un aujourd’hui ?), ni du ministère de la justice. C’est le Ministre du budget et les services du Premier ministre qui ont lancé cette idée.
Ceci souligne une évolution dans laquelle nous sommes engagés depuis plusieurs années : le mariage devient peu à peu une affaire privée, un contrat qui lie deux personnes entre elles, et non plus un élément structurant de la vie sociale.
Le désengagement des pouvoirs publics à l’endroit de cette réalité manifeste que ceux-ci entérinent, ou promeuvent, cette évolution vers la privatisation du mariage et de la vie de famille.
Déjà, les débats à propos du PACS avaient vus nombre d’élus s’exprimer dans ce sens : ce n’est pas à l’Etat de prôner tel ou tel modèle d’union, en l’occurrence homosexuelle et hétérosexuelle : ceci est du libre choix des contractants. La loi doit garantir le respect et la liberté des personnes et des normes universelles, mais ne peut s’immiscer dans ce qui désormais relève de l’intime.
Décider que le divorce pourrait être tranché par le notaire ne conduit-il pas à destiner les notaires à, non seulement établir les contrats de mariage, mais à les célébrer ?
Pour quelle raison les mairies se voient-elles réservées la célébration des mariages, sinon que les édiles signifient et expriment aux mariés et à leur entourage qu’en fondant une famille ils concourent à construire la société.
Alors que l’on gémit sur le manque de civisme, je m’interroge quant à ce qui semble conduire à perdre ce lieu de socialisation qu’est la célébration d’un mariage, et sa préparation, lorsque celle-ci est proposée comme le font quelques trop rares communes.
La privatisation du l’union des deux être humains se développant, il semble que perde alors de son sens l’obligation que fait la République de contracter le mariage civil avant tout mariage religieux.
On peine à situer ce qui avait motivé cette situation : le combat, ou la concurrence, entre deux institutions qui avaient pour projet de dire un sens de l’homme et de la société.
Si pour l’Etat le mariage ne concerne que les individus et non plus la collectivité, le modèle religieux ne se situe plus en concurrence, et pourra même être reconnu comme purement privé. Pourquoi alors ne pas laisser le libre choix aux couples de se marier, devant notaire ou à l’église, de se pacser, ou de contracter tel modèle d’union ou tel autre, sans imposer un quelconque acte civil précédant ou accompagnant le mariage religieux ?
Face à cette évolution, l’Eglise catholique continue à proclamer que le mariage, s’il lie avant tout un homme et une femme, est aussi un acte qui engage, et ceux-ci, et leurs témoins, et leurs familles, et l’Eglise devant qui ils s’engagent.
L’évolution des mentalités – et de la législation qui bien souvent n’en est plus que la chambre d’enregistrement – me conduit à insister pour que les catholiques soulignent d’autant qu’ils sont toujours trois à sa marier : une femme, un homme, et l’Eglise que représente son ministre.
J’ai toujours résisté à cette interprétation théologique qui fait du ministre de l’Eglise un seul témoin, même autorisé, de l’engagement des époux.
Ceux-ci peuvent certainement être compris comme « ministres » du sacrement. Cependant, le mariage, comme tout sacrement, est toujours reçu d’un autre : de Dieu, par son Eglise.
S’il est loisible de dire que « les mariés se donnent le sacrement », je préfère éviter cette expression par trop imprécise, privilégiant les manières de dire communes à tous les sacrements : ceux-ci sont donnés et reçus, la réception signifiant la disponibilité à accueillir la grâce.
De plus, le nouveau rituel, des évolutions théologique, et les relations avec les Eglises d’Orient, conduisent à mieux saisir le rôle du ministre du sacrement, actuellement, évêques, prêtres et diacres : par la réception des consentements et par la bénédiction nuptiale, ils sont les porteurs du don de Dieu aux époux.
Face à la privatisation de l’union d’un couple, l’Eglise catholique ne peut que mieux souligner la dimension communautaire, ecclésiale et sociale du mariage.
Et puis, même s’il y a là un champ exploratoire tout autre, certainement que cette meilleure prise de conscience du rôle du ministre ordonné dans le sacrement de mariage peut être un chemin vers une possibilité de reconnaître un chemin de construction d’une famille chrétienne, après que certaines situations de couples ont conduit à la nécessité d’une séparation, voire d’un divorce.
Si le consentement ne lie que deux personnes, un homme et une femme, et puisque nous croyons en l’indissolubilité de ce lien, la rupture du lien est impossible, tout comme une nouvelle union.
Cependant, si le ministre est aussi ministre du sacrement et si son geste et sa parole sont expressions de la grâce de Dieu, il peut aussi être cela dans le cadre d’une autre union, qui ne sera certes pas sacramentelle, mais qui pourra cependant bénéficier de la grâce que Dieu peut donner à ceux qui veulent lui confier la nouvelle réalité de couple et de famille qu’ils construisent.