Quand la foi d’un quinquagénaire renaît de ses cendres à l’issue d’une retraite au monastère de Ganagobie, en Provence.
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Je suis venu renouer avec un Jésus ancien.
Le prieuré est un câlin. Les moines vieux ont des yeux qui s’illuminent d’un rien.
Certains ont des visages antiques, des sourcils broussailleux et des sourires de jouvence.
On se mêle à leurs offices, on partage les repas, ponctués de lectures liturgiques ou profanes.
La salle de restauration a des odeurs qui me sont familières, de soupe, de cire, de plonge, de sel, de pain dur et de vin en carafe.
Aux offices, des matines aux vêpres, à la messe, les frères prient, chantent et dansent à petits pas. Et les cloches infatigables sonnent au vent, elles nous imprègnent d’un rythme dissocié du temps. Avec leur timbre mêlé au mistral, on voyage l’esprit sain vers l’Esprit Saint.
Le plateau provençal offre une vue panoramique. Ganagobie surplombe la plaine de la Garance, on lui emprunte ses chemins ; dans le maquis quand le ciel s’assombrit s’égarent des fées.
On se restaure, on prie, on assiste aux offices, moines, curieux et pèlerins ensemble. On lit, on sourit, on marche, on se croise, on sympathise entre frères humains. Chaque jour j’écris, je goûte l’instant présent, j’observe les gens, je hante le cloître, je randonne chaque après-midi par tous les temps. Dans les chemins ravinés, filant au creux des sous-bois rabougris, je hurle ma vie. Mon être cherche l’écho, un témoin.
Mon regard s’évade vers les plaines et j’implore Jésus, je cris en levant les poings. Je déconnecte mon esprit, je cherche la Garance comme pour me laisser emporter par son courant.
Ma cellule de moine est austère, une armoire, une table, une chaise, un lit, un lavabo blanc surplombé d’un miroir piqueté, habitué à ne refléter que du rien. Ici, les jours s’écoulent et devancent des nuits, au matin j’ausculte et j’écris mes rêves. Des fantômes me chuchotent aux oreilles.
Je lie amitié avec Alain, Corinne, Nathalie, Pascal et un chien copain. On a tout juste le temps de se connaître, on s’échange des sourires, des adresses et des mensonges : on se promet des choses que l’on ne fera jamais. Et il est temps de se quitter. Et moi je leur demande à tous : “Mais qui est votre Jésus ?” ; je n’obtiens pas de réponse et je repars avec le mien…