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Manifs, nuits debout et autres débordements : vers un nouveau mai 68 ?

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Philippe Oswald - publié le 29/04/16
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Les semaines troublées se succèdent et les tensions montent dans une ambiance de fin de règne : la France glisserait-elle vers un printemps insurrectionnel ?

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78% des Français craignent une “explosion sociale” façon “mai 68” selon un sondage Elabe diffusé jeudi 28 avril, rapporte RTL. Ils sont encore plus nombreux à ne pas partager l’optimisme affiché par le président de la République lors de son intervention télévisée du 15 avril dernier : 83% des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête sur le climat social pour BFMTV ne sont pas d’accord avec le “Ça va mieux” du chef de l’État. Près de huit Français sur dix estiment au contraire qu’il y a aujourd’hui en France “un risque élevé d’explosion sociale”. Ils n’en remercient pas les syndicats : 72% ne leur font pas confiance.

Violences et dégradations aux quatre coins de la France

Un mois de “Nuit debout” et une quatrième journée de mobilisation contre la loi Travail, jeudi 28 avril, dans une semaine inaugurée par une énième grève des cheminots, échauffent les esprits et sapent le moral. Les violences et dégradations se multiplient. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a fait état de “24 policiers ou gendarmes blessés” au total en France, dont “trois très grièvement à Paris” rapporte Le Figaro. Des examens de fin d’année sont menacés – à l’université de Caen, par exemple, pour cause de blocage du principal amphithéâtre : le président de l’UFR de droit et des sciences politiques, Thierry Le Bars, dénonce notamment sur RTL “… “une minorité de personnes”” qui “prend en otage 2 700 étudiants”. Il n’en veut pas pour autant à l’État mais bien au gouvernement qui selon lui “s’est laissé faire”.”

Caen n’est qu’un exemple : “Des débordements ont eu lieu aux quatre coins de la France en marge des manifestations contre la loi travail, jeudi” rapporte le JDD. “Des échauffourées ont éclaté (…) entre forces de l’ordre et manifestants près de Paris, à Nantes, Rennes ou encore Lyon (…) Par ailleurs, les préfectures font état de plus d’une quinzaine de lycées bloqués, totalement ou partiellement, à travers le pays : cinq à Nantes, cinq dans l’académie d’Aix-Marseille, cinq à Lyon, et un à Strasbourg, où des blocages d’établissement étaient prévus à la mi-journée pour “inciter” les jeunes à se joindre à la manifestation, selon Colin Jude, porte-parole du syndicat étudiants Unef dans ce département.” À Paris, dans l’après-midi, “neuf policiers blessés dont un en état d’urgence absolue” rapporte BFMTV. Le malheureux a en effet reçu un pavé sur la tête. “À l’entrée du pont d’Austerlitz, sur la rive gauche de la Seine, plusieurs dizaines de manifestants ont lancé des bouteilles, des pavés et des extincteurs contre les forces de l’ordre, qui ont riposté à coups de gaz lacrymogènes” précise Europe 1.

C’est ce que Le Monde appelle “une ambiance tendue”. Elle a notamment motivé cette “question d’actualité” du sénateur Pierre Charon (LR) au ministre de l’intérieur : “Voilà plusieurs semaines, à Paris comme à Nantes, que les Français assistent à des scènes surréalistes de violences urbaines. (…) Il y a 3 ans, votre prédécesseur était beaucoup plus prompt à donner des ordres contre certaines manifestations pacifiques réunissant un million de personnes sans aucune dégradation. “Nuit Debout” bénéficie de plus de clémence que les Veilleurs dont la seule arme était une bougie.”

Une clémence qui est une défaillance du pouvoir, estime également le neuropsychiatre et psychanalyste Boris Cyrulnik sur BFMTV : “Si les policiers se laissent bastonner c’est qu’ils ont ordre de ne pas trop intervenir. C’est presque la preuve d’une défaillance de l’État (…) Je suis convaincu que s’ils recevaient l’ordre d’intervenir, ce serait réglé.”

Une situation d’autant plus incompréhensible que le pays est en état d’urgence. Finalement, à 0h30, vendredi, les forces de l’ordre ont fait pour la première fois évacuer la Place de la République où la “Nuit debout” se prolongeait alors qu’elle n’était permise que jusqu’à minuit : “Lors de cette dispersion, les forces de l’ordre, déjà prises pour cible dans la soirée, “ont à nouveau reçu de nombreux jets de projectiles, provenant notamment d’un bloc en béton découpé au burin et au marteau par des individus”, a détaillé la préfecture de police” relate le JDD. “Vingt-sept personnes ont été interpellées et 24 placées en garde à vue pour jets de projectiles sur les forces de l’ordre, violences et dégradations.”

Des hirondelles qui ne font pas le printemps

Mardi 26 avril, le gouvernement annonce une éclaircie sur le front du chômage, rapporte l’Obs : “60 000 chômeurs sans aucune activité en moins au mois de mars : du jamais vu depuis septembre 2 000. La baisse est de – 1,7%. Sur trois mois, la tendance est aussi significative avec un nombre de demandeurs d’emploi qui recule de 49 500. (…) Mais, attention, le chômage reste encore à un niveau très élevé en France avec 3,53 millions de demandeurs d’emploi sans activité.” Seconde bonne nouvelle, la croissance : “La France a enregistré une croissance de 0,5%, au-delà des prévisions de l’Insee” rapporte Sud-Ouest. ““Notre action porte ses fruits, nous la poursuivrons avec détermination dans les prochains mois””, s’est réjoui le ministre des Finances Michel Sapin. “C’est une croissance solide qui est enclenchée”, a-t-il ajouté, en écho au “ça va mieux” de François Hollande il y a deux semaines.”

Mais les blessés, les fumées des voitures incendiées et les gaz lacrymogènes n’ont guère permis aux Français de s’extasier devant ces “hirondelles” que le gouvernement voudrait annonciatrices d’un printemps économique. “Je trouve que l’expression [“La France va mieux”] n’est pas très adaptée, a commenté sobrement Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des Économistes, sur RCF. On est en réalité dans une légère amélioration sur le plan de l’emploi et celui de la croissance… Ce n’est ni blanc ni noir. Il faut créer des emplois, c’est ça le fond du sujet.” Notons d’ailleurs avec La Tribune que “le chômage a reculé en mars dans la zone euro à 10,2%, contre 10,4% en février (chiffre révisé), a annoncé vendredi 29 avril, l’Office européen de statistiques Eurostat. Il s’agit du taux le plus faible enregistré dans la zone euro depuis août 2011.” Or “la France se situe un peu en dessous de la moyenne, avec 10%.”

Pas de quoi arrêter “la chute libre” de l’exécutif dans l’opinion mesurée par le baromètre politique Odoxa avec l’Express : “François Hollande chute toujours, et Manuel Valls est lui aussi sur une pente glissante: (…) 17% d’opinion favorable pour François Hollande, 29% pour Manuel Valls : le président de la République comme son Premier ministre n’en finissent pas de perdre du crédit auprès des Français. Le premier abandonne encore un point de popularité par rapport au mois précédent, le second deux. À un an de la présidentielle, dont ils sont l’un comme l’autre des candidats putatifs, leurs chances de l’emporter se réduisent semaine après semaine.”

La gauche en souffrance

Rude tâche ou mission impossible ? “Avec “Hé, ho, la gauche !”, les soutiens de François Hollande veulent défendre le bilan du chef de l’État et mobiliser la gauche pour 2017 (…) devant quelque 600 militants conquis dans un amphithéâtre de l’Université Paris Descartes et en présence d’une quinzaine de ministres du gouvernement.” résume Sud-Ouest.

C’était le lundi 25 avril… dans un haut-lieu de l’enseignement de la médecine. “On n’est pas là pour se soigner, on est là pour se mobiliser, on est là aussi pour défendre ce que nous avons fait”, avait prévenu Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement. N’empêche que les railleries ont fusé, à droite, bien sûr, mais aussi à gauche où l’on a évoqué des soins palliatifs. Avec ce slogan loufoque, “on n’arrête pas de se faire chambrer”, reconnaît le député PS Yann Galut sur RMC, le 27 avril. ” “N’attendons pas de revivre un 21 avril 2002 dans un an” ” (c’est-à-dire l’élimination du champion socialiste au premier tour au profit du candidat Front national comme en 2002) a exhorté la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. “C’est pourtant ce qui pend au nez de la majorité, commente Valeurs Actuelles. Non seulement le couple exécutif est au plus bas dans les enquêtes d’opinion, mais encore la gauche se divise de plus en plus, comme il y a quatorze ans. Les Verts ont l’intention de présenter un candidat, Jean-Luc Mélenchon refuse de participer à une éventuelle primaire et a déjà annoncé sa candidature, quand l’extrême gauche est irrécupérable pour celui qui a nommé un banquier d’affaires à Bercy et qui a défendu le pacte de responsabilité. Pour inverser la tendance, les réunions d’entre-soi dans des facultés parisiennes risquent de ne pas peser lourd…”

Dans une longue interview à Society, le premier ministre Manuel Valls concède “une part de responsabilité dans notre manière d’exercer le pouvoir. Une part de responsabilité dans le fait que l’on agit pas suffisamment avec le souci de la vérité et de la transparence.” Mais qui c’est, “on” ? Réponse dans une enquête du Monde intitulée : “Les électeurs socialistes, grands déçus de la politique” : 76 % d’entre eux estiment que l’ “on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre”!”

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