Un prêtre qui a reconnu des faits condamnables, a demandé pardon, a été jugé et qui a purgé sa peine, peut-il encore exercer une mission en tant que prêtre ?
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Ces dernières semaines, vous l’avez remarqué, les media ont spécialement parlé du diocèse de Lyon en raison de paroles qui se sont libérées, mettant gravement en cause un prêtre pour agressions sexuelles sur des mineurs. De nombreux enfants, aujourd’hui quadragénaires, ont été victimes de cette personne qui a abusé d’eux. Leurs vies ont été saccagées, à tel point qu’il leur a fallu près de 30 ans pour que ce traumatisme devienne exprimable et commence à émerger, comme une immondice longtemps engloutie se détache de sa gangue de vase pour faire surface, à la vue horrifiée de tous. La souffrance, la mémoire ne sont jamais prescrites.
La pédophilie, c’est moralement pire quand ça vient d’un prêtre, parce que, pour bien des familles, il est l’homme de confiance qui a donné sa vie pour servir. Être prêtre constitue une circonstance aggravante parce qu’on espère et on attend de lui qu’il incarne l’Évangile et nous en montre le chemin : celui où le Christ ne cesse de venir chercher et prendre soin des plus faibles. Oui, l’Évangile a été gravement trahi…
Je suis prêtre du même diocèse. Tous les prêtres d’un diocèse sont membres d’un corps que l’on appelle le presbyterium, solidaires dans la mission… mais certainement pas dans la trahison et l’omerta ! Parler de nos “frères prêtres” est une donnée institutionnelle, mais il en est une autre qui est une donnée évangélique, qui lui est bien supérieure et qui la dépasse : c’est le plus petit qui est un frère et qui est Jésus lui-même (Mt 25, 40). Je n’ai que faire de la préservation de l’institution, elle n’a pas à être protégée à tout prix. Aujourd’hui, ce sont les victimes qui ont à l’être contre certains de ses membres. Car si l’Évangile évoque l’envoi des disciples dans le monde en les prévenant qu’ils seront comme des brebis au milieu des loups (Mt 10, 16), Paul, en revanche, met en garde la communauté elle-même contre ceux d’entre eux qui pourraient devenir des loups pour les brebis (Ac 20, 29-30).
L’Église, c’est ma deuxième famille. Même si, comme l’immense majorité des prêtres, je ne suis pas auteur de ces actes terrifiants, je porte, comme dans toute famille, la honte de ce qui a été fait. Voilà pourquoi le cardinal Philippe Barbarin a demandé pardon lors de la messe chrismale en ces termes :
Comme le pape François l’a dit au nom de l’Église universelle, moi, Philippe, à mon tour, pour le diocèse de Lyon, et je le cite, “je me sens dans l’obligation d’assumer tout le mal commis par quelques prêtres et de demander personnellement pardon pour les dommages qu’ils ont causés en abusant sexuellement des enfants”, quand bien même je n’étais pas évêque au moment de ces faits abominables.
Les disciples sont prévenus par Jésus : “Prenez garde à vous-mêmes ! Malheureux celui par qui arrive un scandale” (Lc 17, 1-4). L’Église sera toujours du côté des victimes quoi qu’il en coûte, elle veut que la justice et la vérité se fassent. Le cardinal Barbarin a déclaré faire toute confiance à la justice de notre pays, que ce soit pour l’enquête concernant ce prêtre, comme pour celle pour laquelle une plainte a été déposée contre lui pour “non dénonciation”. Il faut que la justice passe et que la vérité se fasse et j’espère profondément que ce sera pour les victimes l’amorce de leur reconstruction.
Nous savons aussi que l’Évangile ne cesse de nous dire que nous valons toujours plus que la médiocrité des actes que nous avons posés, que le Christ pose sur chacun de nous un regard d’espérance qui ne nous réduit jamais à ce que nous avons fait (Jn 8, 11). Pour d’autres situations qui ont aussi émergé, le diocèse de Lyon et son évêque devront encore affronter cette autre question : un prêtre qui a reconnu des faits condamnables, qui a demandé pardon, qui a été jugé et qui a purgé sa peine, peut-il encore exercer une mission en tant que prêtre ?
“Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice” (Ps 84, 11-12). Que ce temps pascal soit l’occasion pour chacun de découvrir que le Ressuscité nous permet de dépasser nos infidélités. Qui que nous soyons, il fait de nous ses témoins.