Ces Syriens espèrent que l’opinion publique comprendra et les aidera.
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Le pape François est rentré de Lesbos avec douze réfugiés syriens : trois familles musulmanes qui ont fui leur pays après le bombardement de leurs maisons ou le siège de leurs villes par les djihadistes. Pas de quoi crier au scandale : “C’est un geste purement humanitaire”, a expliqué le Pape à la presse à bord de l’avion qui le ramenait de sa visite éclair à Lesbos. La religion n’a rien à voir dans ce choix : “Leurs papiers étaient en règle, alors que ceux de deux autres familles chrétiennes, candidates dans une première liste, ne l’étaient pas”, a-t-il précisé. Ces douze réfugiés, six adultes et six enfants, sont arrivées sur l’île grecque avant la conclusion, le 20 mars dernier, de l’accord entre Bruxelles et Ankara qui prévoit le renvoi des migrants en Turquie.
Solidarité et charité
La communauté de Sant’Egidio, chargée de les loger et de faciliter leur intégration, est venue les accueillir sur le tarmac de l’aéroport de Ciampino à Rome. Hasan et Nour, Ramy et Suhila, Osama et Wafa, et leurs enfants respectifs portaient dans leurs regards toute l’horreur de ce qu’ils ont vécu pendant cinq ans. “Ces familles menaient une vie tout à fait normale dans leur pays d’origine, la Syrie. Puis la guerre est arrivée et les violences de Daesh, et tout a basculé”, rapporte au micro de Radio Vatican Daniela Pompei, responsable du bureau chargé des migrants au sein de la communauté, connue pour ses activités de solidarité et de charité en Italie et dans plus de 70 pays sur tous les continents.
La responsable a confirmé : “Ces familles n’ont pas été choisies en fonction de leur religion, mais en raison de leur situation “vulnérable” due au fait que toutes ont dû fuir un pays où la guerre et les violences durent depuis plus de cinq ans. Une de ces familles vient par exemple d’une zone contrôlée par Daesh, les deux autres de localités proches de Damas, de la zone de frontière où les combats font rage. Ces personnes n’avaient pas l’intention de quitter la Syrie : elles ont attendu cinq ans avant de partir !”.
À leur arrivée à l’aéroport de Ciampino à Rome, la presse les attendait et a recueilli leurs témoignages, comme le quotidien italien Il Corriere della Sera, à très large diffusion, dont voici quelques extraits de leur description :
Nour, Hassan et leur fils de 2 ans
Nour et Hasan ont tous les deux 31 ans, rapporte le journaliste Fabrizio Caccia, et sont ingénieurs en biochimie. Ils se trouvaient sur l’île grecque depuis le 18 mars, après avoir fui les bombardements de leur quartier près de Damas, en Syrie. Leur enfant de 2 ans “dort enfin” tranquillement dans leurs bras. Nour n’en revient toujours pas et se confie : ” Cette nuit nous aurons un toit sur nos têtes. (…) Il faisait si froid sous les tentes et on n’avait pas de lumière, (…) il y avait de plus en plus de gens chaque jour et on vivait vraiment mal”. Elle espère que l’opinion publique comprendra leurs raisons et les aidera. “Nous sommes musulmans et nous sommes arrivés ici à Rome avec le Pape (…) signe évident que les religions peuvent unir au lieu de diviser…”
Wafa, Osama et leurs deux enfants
Wafa, coiffeuse, a 30 ans et son mari, Osama, commerçant, a 37 ans. Ils ont deux enfants, un petit garçon de 6 ans et une petite fille de 8 ans. “Aujourd’hui, j’ai vu mon fils sourire pour la première fois depuis très longtemps. (…) À Lesbos il n’arrivait plus à dormir. Il avait même arrêté de parler, regardait les yeux dans le vide”, racontent les parents. Tous leurs souvenirs sont restés à Zamalka, sous les décombres de leur maison après les bombardements. Leur question aujourd’hui :” Couper les ponts avec la Syrie ou cultiver l’espérance d’y retourner un jour ?”. Trop tôt pour le dire, ce qu’ils savent aujourd’hui c’est “qu’ils ont tout perdu mais sont encore vivants” et peuvent “commencer une nouvelle vie”.
Ramy, Suhila et leurs trois enfants
Ramy, enseignant, a 51 ans, et son épouse, Suhila, couturière, a 49 ans. Ils ont trois enfants : Rachid, 18 ans, Abdel Majid 16 ans et la petite Al Quds, 5 ans. Ils viennent de Deir ez-Zor, une zone conquise par Daesh qui a tout détruit y compris leur maison. “Ces gens de l’EI ne sont pas de vrais musulmans, mais des criminels”, commente Ramy. De Syrie, la famille est arrivée en Turquie. Puis en février, elle a fait la traversée jusqu’à Lesbos, à bord d’un canot pneumatique au milieu de 31 autres passagers. Un voyage interminable qui leur a coûté 3 000 euros, “les économies de toute une vie”, confie Ramy. À Lesbos, ils ont vécu une vie qui ressemblait de plus en plus à de la prison. Se retrouver aujourd’hui à Rome est pour eux source de grande joie et d’espoir : Suhila espère un jour rentrer en Syrie, mais “quand l’horreur sera passée”, dit-elle. Pleine de gratitude pour le Pape, elle l’encourage à poursuivre son action pour les réfugiés.
Accueil mais surtout intégration
Le processus d’intégration de ces trois familles a déjà commencé – inscription à un cours de langue pour les adultes, inscription dans les écoles pour les enfants – parents et enfats animés du même désir de “recommencer une nouvelle vie”. Ces trois familles viennent s’ajouter aux deux autres familles syriennes déjà accueillies au sein des deux paroisses vaticanes qui étaient d’ailleurs là pour les accueillir.
À ceux qui crient au scandale et reprochent au Pape de parler plus d’accueil que d’intégration, en sous-estimant justement les difficultés de l’Europe à gérer l’intégration des musulmans, le Pape a répondu très clairement dans l’avion avant son arrivée à Rome : “Aujourd’hui il existe des ghettos. Et les quelques terroristes qui ont commis des actes meurtriers – certains sont des fils et petits-fils de personnes nées dans le pays, en Europe. Que s’est-il donc passé ? Il n’y a pas eu de politique d’intégration. Pour moi cette politique est fondamentale (…) et aujourd’hui, l’Europe doit retrouver cette capacité qu’elle a toujours eue d’intégrer. (…) Je crois que nous avons besoin d’un enseignement et d’une éducation à l’intégration”.