Quand une polémique révèle la difficulté de l’Église à aborder clairement la notion de péché, pourtant l’un de ses thèmes de prédilection.
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Depuis mardi une vive polémique enfle au sujet des propos tenus par Mgr Lalanne, évêque de Pontoise, sur les ondes de la radio chrétienne RCF. Un signe de plus, s’il en fallait, de la soupçonneuse pression médiatique qui pèse sur l’Église depuis le début de l’ “affaire” Barbarin. “La pédophilie est un mal. Est-ce que c’est de l’ordre du péché ? Ça, je ne saurais pas dire, c’est différent pour chaque personne. Mais c’est un mal et la première chose à faire c’est de protéger les victimes ou les éventuelles victimes”, a déclaré mardi l’évêque français, sur le plateau de l’émission “Le temps de Dieu”, scandalisant aussitôt certains auditeurs.
En ne sachant pas s’il faut qualifier rigoureusement de “péché” la pédophilie, l’évêque a surtout provoqué l’ire des médias et de personnalités politiques laïques, dont la soudaine curiosité pour le vocabulaire si spécifique à l’Église (et ses secrets de confessionnaux) n’étonne plus grand monde mais se nourrit d’approximations dangereuses. Comme le souligne un prêtre breton contacté par la rédaction et fin connaisseur des questions de théologie morale catholique : “Certains laïcs – d’autant plus les athées – ne font pas la différence entre le mal et le péché, la faute et l’intention, la conscience de faire le mal et l’exécution de ce même mal. Voilà pourquoi de tels propos suscitent l’indignation. Néanmoins, je ne suis pas d’accord sur le fond avec Mgr Lalanne, car je ne vois vraiment pas dans quel cas un acte d’une telle gravité ne saurait contenir une dimension peccamineuse…”.
“Il faut savoir reconnaître l’intention de commettre un péché”
Pour le père Artarit, curé de la paroisse bienheureux Charles-de-Foucauld à Saumur (Maine-et-Loire), Mgr Lalanne n’a pas nié la dimension peccamineuse d’un acte pédophile, mais la conscience de la commission de ce péché. “Il faut savoir reconnaître les différentes formes de péchés”, souligne-t-il, puis de s’assurer que les conditions nécessaires pour déterminer la nature du péché sont réunies. En effet, pour l’Église catholique, il existe plusieurs dimensions de péchés : “La distinction entre péché mortel et péché véniel s’est imposée dans la tradition de l’Église. L’expérience des hommes la corrobore”, est-il indiqué dans le Catéchisme (n°1854 et suivants). “Le péché mortel, implique la désobéissance d’un homme à la loi divine. Pour constituer un péché mortel, il faut que sa matière soit grave, que ce soit commis en pleine connaissance de cause, et qu’il y ait une vraie volonté de commettre un péché”, précise ainsi le père Artarit.
On comprend mieux pourquoi durant l’émission, très introspective, à laquelle participait une psychanalyste, face à la réaction des auditeurs, Mgr Lalanne s’est interrogé sur le niveau de responsabilité de l’individu auteur d’un acte d’une telle gravité : “La difficulté est : quelle conscience de ce mal a la personne, comment s’en sent-elle responsable ?”. Pour l’association La Parole Libérée, fondée par les victimes agressée par le père Preynat, au-delà de l’ambiguïté de ses propos, la déclaration révèle en réalité une toute autre faille : “la maladresse et l’amateurisme” de “la communication de l’Église de France” sur ce sujet.
Mgr Lalanne qui a clarifié ses propos jeudi 7 avril sur la même antenne d’RCF, affirmant que “de fait, la pédophilie est un péché objectivement grave”, n’hésitant pas à citer Jean Paul II, Benoît XVI et François, tous les trois très clairs sur ce point. Et l’évêque de Pontoise de souligner néanmoins que “la question difficile qui se pose dans chaque situation, c’est le degré de conscience”. Ayant rencontré plusieurs pédophiles lui-même, il a fait part de son sentiment que “ces personnes sont dans le déni le plus total”.