La révolution du Saint-Père racontée par Mgr Viganò, préfet du Secrétariat pour la communication du Saint-Siège.
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Un sondage mondial publié par WIN/Gallup International attribue au pape François la palme du leader le plus aimé au monde. Comment est-ce possible ? L’homme qui répond à cette question est celui qu’il a choisi pour gérer et moderniser la communication vaticane, Mgr Dario Edoardo Viganò, préfet du secrétariat pour la communication du Saint-Siège. Dans son dernier livre intitulé Fedeltà è cambiamento. La svolta di Francesco raccontata da vicino, celui-ci raconte la vie “en coulisse” de ce grand Pape.
Mgr Viganò, dans votre livre, vous analysez “la révolution des gestes” du pape François. De quoi s’agit-il ?
Mgr Dario Edoardo Viganò : Ceux qui travaillent dans la communication savent qu’en général il faut une grande stratégie pour créer un événement médiatique. Le pape François a cette capacité. Chaque geste qu’il fait devient un événement. Nous avons là ce que j’appelle un “évènementiel du quotidien”. Pourquoi ? Parce que ce Pape nous offre un nouveau style. Finis les rituels, les formalités courtisanes… Il est très touchant. Certains disent : “C’est comme un membre de ma famille”. On sent chez lui une grande proximité. Je me sens accueilli comment s’il était de ma même famille.
Comment expliquez-vous ce changement dans les relations personnelles entre le pape François et les médias ? Lorsqu’il était archevêque, il n’avait pas ces liens-là.
Le pape François a cela en lui. C’est sa nature. Peu lui importe ce que pense l’opinion publique, ce que disent les gens. Si bien qu’il n’attache pas d’importance à ce que l’on brode autour de ce qu’il dit, lorsqu’il parle en improvisant. Ça ne l’inquiète absolument pas, parce qu’il sait que tout cela n’est que vanitas vanitatum, une kermesse médiatique : aujourd’hui c’est comme ça, demain c’est fini. Mais en devenant Pape, il s’est rendu compte que pour que l’Évangile traverse les océans, il fallait qu’il se plie à cet effort et soit au centre d’une attention médiatique.
Au début de son pontificat, je lui expliquais qu’il fallait reprendre une signature officielle, que les caméras, à certains moments, étaient nécessaires, mais jamais il ne me le permettait. C’est un homme en dehors de toute logique de spectacularisation. Il n’aime pas être au centre, avoir le premier rôle. Bien sûr, il sait bien que pour être proche de ceux qui sont loin il doit se plier au supplice des caméras qui le suivent et parfois le poursuivent.
Ce Pape est télégénique, mais il ne regarde personnellement pas la télévision…
Oui, paradoxalement ! Car son style tranche avec le panorama de la télévision où tout n’est que cris, flot de paroles très souvent bien vides : sa voix apparaît comme noyée, son ton plus bas, son rythme très lent. Cette discontinuité attire l’attention, chez le croyant comme le non-croyant, surtout quant il s’agit de questions capitales pour l’homme et la femme. Je pense au travail, aux sentiments blessés, aux rêves d’espérance.
Après Twitter, le voici sur Instagram, qui est de la pure photo. Peut-on parler d’un nouveau saut dans la communication des Papes ?
Oui, je crois. Il y a un aspect très intéressant dans le récit d’une image. Donc l’idée de raconter un pontificat en montrant des photos qui touchent les cœurs, qui provoquent de l’émotion, nous permet de faire entrer tout un chacun dans la chaleur du Pape, de sentir sa proximité. Et je dois dire que l’on assiste aujourd’hui à un cas unique dans l’Histoire d’Instagram : en douze heures, nous avions déjà franchi la barre du million d’abonnés.
Le pape François est très aimé, par tout le monde, y compris les non croyants, pourquoi ? Quel est son secret ?
Je crois celui d’être un homme “vrai”, qui a abandonné cette manière de s’exprimer de manière conceptuelle, d’utiliser la logique des “bonnes raisons”, pour se mettre à raconter des histoires, donner des exemples. Sa manière de commenter les Évangiles pendant la messe à Sainte-Marthe est devenue un genre littéraire. Il re-raconte l’Évangile en se posant les questions qui sont les vôtres, les miennes. C’est ce qui fait sa force. Et puis ses paroles sont d’une grande profondeur, aussi denses que son histoire personnelle. Même les non-croyants admirent en lui cette façon d’appeler par leurs noms les problèmes qu’il aborde. Il lui arrive de ne pas savoir répondre à certains problèmes. Quand les enfants lui demandent pourquoi il y a des petits êtres innocents qui meurent, il dit : “Je ne sais pas quoi vous répondre”. Mais il leur raconte ce que lui fait, c’est-à-dire “regarder Jésus sur la Croix”.
Quels sont les projets du pape concernant la réforme de l’Église?
Il l’a dit dès son élection, à la chapelle Sixtine, le lendemain en rencontrant les journalistes, et pendant la première messe de son pontificat, le 19 mars 2013 : une Église pauvre pour les pauvres. Autrement dit, une Église débarrassée des manières de faire des églises impériales, parapubliques, pour devenir “sel” de la terre. Personne ne mange du sel sans rien. Le sel sert à renforcer les saveurs, rend capable de faire grandir les autres. Il veut une Église comme ça, une Église “hôpital de campagne”, une Église qui sort, une Église dont la force repose sur ses faiblesses. L’Église n’est pas une ONG. Le fait qu’elle s’occupe des pauvres, des plus petits, des exclus, ne veut pas dire qu’elle a un plan social, mais juste que l’Évangile lui tient à cœur. Nous savons de l’Évangile que Jésus est attentif à cela et que, face au péché commis, Il ne regarde jamais derrière, mais l’avenir : “Tes péchés sont pardonnés, lève-toi et marche”.
Parlez-nous de votre travail avec le pape François. Comment gérez-vous la communication ?
Nous vivons une période très complexe, car nous sommes en pleine réforme. Sur cette question, le pape François se montre très attentif. Avec le conseil des nouveaux cardinaux il a voulu non seulement une réforme des médias, mais de tout le système d’information. Notre communication est en retard, on fait tout au pas de course. Elle est proactive. On manque encore de familiarité avec les autres médias, avec les différents publics. Avec le pape François, les contacts sont toujours des discussions serrées car il y a des choses qu’il accepte que l’on filme mais qu’il ne veut pas que l’on répande.
D’un côté il comprend bien la valeur d’un événement filmé, mais il préfère un dialogue libre, franc, et préfèrerait ne pas avoir à y renoncer. En même temps, il se rend compte qu’étant le Pape, dans un dialogue aussi franc et libre il peut y avoir des nuances qui, d’un point de vue théologique, ne sont pas parfaites. Il y a donc toujours des discussions. Le Pape est un homme très intelligent, ouvert et franc dans ces échanges. Mais nous, nous sommes à son service. C’est le Pape qui décide, et c’est juste qu’il en soit ainsi.
L’ouvrage Fedeltà è cambiamento. La svolta di Francesco raccontata da vicino est distribué par Eri Rai.