L’auteur, exécuteur littéraire du cardinal Lustiger, publie un livre polémique sur le devenir de nos sociétés. 1ère partie.
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Jean Duchesne est l’exécuteur littéraire du cardinal Lustiger et co-fondateur de la revue catholique internationale Communio. Dans un essai au ton emporté, Le catholicisme minoritaire ? Un oxymore à l’évidence, il aborde de nombreuses problématiques contemporaines (eugénisme, islamisme, environnement…) et appelle les chrétiens à se tirer de leur état “d’indifférence tranquille” face à la sécularisation de notre société.
Aleteia : Vous reprochez aux chrétiens leur “indifférence tranquille”. Préféreriez-vous les voir défendre agressivement leur foi ?
Jean Duchesne : Je les mets en garde contre la tentation d’une indifférence tranquille. On ne peut pas nier qu’il y a en ce moment un vrai anticléricalisme en France. Ce phénomène n’est pas nouveau mais l’on en prend de plus en plus conscience et il fait toujours mal. Ces attaques anticléricales ont deux sources : d’abord les insuffisances et le péché dans l’Eglise. Comment peut-il y avoir du péché dans l’Église ? Parce que la fréquentation de Dieu est une chose dangereuse. Cette fréquentation ne va pas sans risque car l’on est toujours tenté de s’approprier ce qu’on a compris de Dieu. Il y a ensuite le refus du surnaturel divin et de toute transcendance. L’idée – erronée – est que l’homme n’est libre que s’il prend son propre destin en main, là où le christianisme nous apprend que tout ce que l’homme a, il le reçoit de Dieu. C’est un don.
La défense agressive de la foi est une erreur dans la mesure où elle n’est pas écoute de Dieu mais écoute de soi, et des blessures que l’on peut ressentir. Il ne s’agit donc pas d’être agressif mais d’être net. Les chrétiens doivent arriver à concilier deux choses qui sont justement difficiles à tenir ensemble : l’amour de la vérité et la charité.
En quoi “les anticléricaux ont-ils pu tirer leurs idées des Évangiles” ?
C’est une démonstration. L’anticléricalisme, qui a pour moteur et pour but l’athéisme, n’existe qu’en terre chrétienne, parce qu’il y a là, et là seul, un Dieu créateur distinct du monde auquel il donne son autonomie. D’autre part, comme dans la Bible et les Évangiles, ce Dieu créateur n’est pas seulement soupçonné, il s’est révélé. Il y a donc quelqu’un qui est entré dans l’Histoire et à qui l’on peut dire non. Dans les autres civilisations, il y a des intuitions de transcendance, mais comme elles ne s’identifient pas il n’y a rien que l’on puisse directement nier ou refuser. Dans le christianisme, au contraire, on peut refuser Dieu.
Vous écrivez que “la place du marxisme a été prise par l’islam”. À vos yeux, l’islam est-elle la grande menace du XXIe siècle ?
Elle l’est déjà comme idéologie contraire. Le sécularisme, c’est-à-dire l’idée que la religion est condamnée par la progression de l’Histoire humaine, est battue en brèche par la religiosité qu’elle réveille et attise d’autant plus qu’elle tendait à l’ignorer.
Prenons l’exemple de la façon dont les puissances occidentales, déjà en voie de sécularisation, ont réorganisé le Moyen-Orient après la Première Guerre mondiale sans tenir compte des religions. L’équilibre précaire des religions y a été sacrifié au profit d’un modèle d’État-nation plaqué sur l’ensemble, alors que les nations n’y existaient pas. C’est un bon exemple du genre de ravages que causent l’idée que le monde peut évoluer vers des sociétés sans Dieu.
Il faut prendre l’islam comme religion au sérieux, car par ses origines elle a beaucoup en commun avec le judaïsme et le christianisme. Mais il y a une différence énorme puisqu’au lieu d’un Dieu qui se donne, comme dans le christianisme, cette révélation est celle d’une puissance indiscutable. La transcendance de Dieu est alors celle d’une autorité qui écrase l’homme et l’oblige à se soumettre, signification du mot “islam” et non pas à se donner à Dieu et à son prochain.
Propos recueillis par Camille Tronc
Retrouvez la seconde partie de cet entretien ici.
Le catholicisme minoritaire ? Un oxymore à la mode, Jean Duchesne, Editions Desclée de Brouwer, février 2016, 136 pages, 12 euros.