Après l’attentat-suicide au Lahore, marches, prières et messages du Saint-Père affluent pour les 73 victimes.
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“Jésus nous montre que la puissance de Dieu n’est pas destruction mais amour ; que la justice de Dieu n’est pas vengeance mais miséricorde”, lit-on sur le compte tweeter @ Pontifex, le 29 mars. Comment ne pas penser, en lisant ce nouveau tweet du Pape François, aux 73 personnes dont une trentaine d’enfants et une grande majorité de femmes, massacrées dans le terrible attentat suicide qui a frappé, en plein dimanche de Pâques, un parc populaire de Lahore, au Pakistan !
L’information était arrivée au Saint-Père comme un nouvel électrochoc, quelques jours à peine après les attentats de Bruxelles (le 22 mars) et un autre à Bagdad, (le 25 mars), à la fin d’un match de football. L’un après l’autre, il a qualifié les attaques “lâches et insensées”, comparant les kamikazes à des “Judas” et leurs commanditaires à des “barbares” et des “bourreaux” qui ne pensent qu’à semer “mort et terreur” sous le prétexte “inqualifiable et blasphématoire” d’agir au nom de Dieu, comme il a si souvent répété depuis les attentats de Paris (le 13 novembre)
Marches et prières pour les victimes
Au Pakistan, l’attaque, qui a fait également plus de 300 blessés, visait tout spécialement les chrétiens, a confirmé dès le lendemain une faction dissidente des talibans. Parmi les victimes surtout des femmes et des enfants pour lesquelles des centaines de pakistanais – chrétiens et musulmans – ont défilé dès le lendemain devant les portes du parc, dans une marche silencieuse et un moment de prière en leur hommage. Parallèlement, des responsables chrétiens et musulmans se sont retrouvés ensemble pour invoquer la paix et réaffirmer leur engagement commun contre le terrorisme. Le tout sous la houlette du Conseil pour le Dialogue interreligieux, organisme créé par le Père Francis Nadeem, Provincial des Capucins au Pakistan, rapporte l’agence Fides.
“Les interventions du pape ont été d’un grand “réconfort” pour ces chrétiens”, confie sur les ondes de Radio Vatican, le président de l’association des chrétiens pakistanais en Italie, Mobeen Shahid. Mais si l’attentat visait effectivement les chrétiens, beaucoup de musulmans ont été tués : “C’est un phénomène qui touche la nation entière, pas seulement les chrétiens”, déclare le responsable. Car la nation, selon lui, “souffre encore des conséquences” d’une éducation inspirée du fanatisme qui a marqué la lutte contre le communisme international dans la guerre contre la Russie en Afghanistan”.
“Extirper les racines de l’intolérance”
Dimanche, à l’issue de la prière du Regina Coeli, le Pape a condamné l’attentat et appelé les autorités pakistanaises à “tout faire pour rétablir la sécurité dans le pays” et “redonner sérénité aux populations, en particulier aux minorités religieuses les plus vulnérables”. Dans son sillage, la commission épiscopale Justice et Paix, au Pakistan, a publié un document pour dénoncer ces “nouveaux actes criminels” et a appelé les autorités à “chercher les racines” de ce fondamentalisme qui empoisonne la province du Pendjab mais aussi d’autres régions. “Tuer au nom de la religion est inacceptable”, réaffirme le Président de la Commission, Mgr Joseph Arshad, “et plus encore lorsqu’il s’agit d’innocents et parmi eux des femmes et des enfants (…) la réponse militaire ne suffit pas, il faut que le gouvernement cherche les causes de cette intolérance pour l’extirper”.
Le Pape prudent ?
“Beaucoup, ces dernières heures, voudraient que le Pape attribue directement à l’islam la violence terroriste des attaques comme celles de Lahore”, commente Massimo Borghesi, professeur de philosophie morale à l’université de Pérouse en Italie. “En réalité, François ne prononce jamais ce mot, non par prudence, mais par principe, car la grande majorité des musulmans du monde souhaite une cohabitation pacifique. Le vrai problème vient de “l’islamisme radical qui naît de l’extrémisme sunnite dont les racines remontent au wahhabisme”- mouvement politico-religieux du XVIIIe siècle – véhiculé par l’Arabie Saoudite, un des grandes alliées arabes de l’occident”, dont s’inspirerait l’organisation “État islamique”.
Dans un entretien à Radio Vatican, le théologien invite à “surmonter cette vision culturaliste selon laquelle il existerait une “radicale hétérogénéité”qui porte à l’affrontement et donc inévitablement à une guerre de civilisation entre l’occident et l’islam. Et à surmonter l’autre approche, celle qui “soutient que tout le problème vient de l’occident et que l’islamisme n’est qu’une réaction de la partie pauvre, frustrée de la société immigrée”. Même s’il est vrai qu’ici, reconnait-il, “nous assistons à une islamisation du radicalisme, un processus bien diffèrent de celui qui porte les talibans à poser des bombes au Pakistan”. En Europe, ajoute-t-il, les musulmans de seconde génération trouvent souvent dans l’islamisme “une forme de déconstruction d’un monde qu’ils détestent parce qu’il les exclue”.
Miser sur la miséricorde
Et si le pape appelle à la “miséricorde” et non à la “vengeance”, c’est parce qu’il sait que “face aux gouffres spirituels et moraux de l’humanité, face aux vides qui s’ouvrent dans les cœurs et qui provoquent la haine et la mort”, comme il a dit dans son message urbi et orbi le jour de Pâques, “seule la miséricorde peut apporter le salut”. Le chemin pour y arriver est long et difficile, exige un travail d’éducation “en profondeur” : éducation au dialogue, à la tolérance, au bon vivre ensemble. Mais cette voie “est la seule possible et il faut miser dessus”, a-t-il insisté plus que jamais ces derniers jours.