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Pâques ! De l’extérieur, dans les médias, on va mentionner, vers la fin des niouzes, entre les résultats sportifs et la météo ou le tirage du loto, que c’est une grande fête pour les chrétiens. Si l’actualité n’est pas trop chargée, on verra peut-être le pape prononcer une bénédiction urbi et orbi, parce qu’il y a des images. Et dans le meilleur des cas, on précisera que ce qui est célébré là, c’est la résurrection du Christ. Ce qui fera moins d’effet que les attentats terroristes à Bruxelles ou les sentencieuses opinions que le cardinal Barbarin ferait mieux de démissionner. Après tout, Pâques, c’est la même chose chaque année…
Et pourtant, la nouvelle est bien plus énorme que tout ce qui peut faire les gros titres et susciter des commentaires, puis des commentaires sur les commentaires ! Et ça a tout de même changé pas mal de choses dans l’histoire du monde. Seulement voilà : une résurrection, c’est quoi au juste ? Et en particulier celle-là, qui n’est pas un simple retour miraculeux à la vie, comme celui de Lazare ou du fils de la veuve de Naïm (merci Jésus) ou encore de Sarepta (merci au prophète Élie).
Ce qui empêche de saisir l’ampleur d’un événement pour lequel le qualificatif "sismique" reste décidément étriqué, c’est d’abord que l’idée même de résurrection laisse indifférent. Et pour une raison toute simple et toute bête, qui est que ce qui la précède nécessairement, à savoir la mort, est soigneusement et efficacement refoulé dans l’abstraction : on en parle le moins possible, parce qu’on pense que vivre requiert de l’oublier ; on espère trépasser sans s’en apercevoir, sans angoisser, grâce aux progrès de la médecine. De surcroît, avec la perspective du transhumanisme, l’immortalité pourrait bien être pour demain, ou au pire après-demain, avec ce que laissent entrevoir la génétique, la biologie, l’informatique, les nanotechnologies et les sciences cognitives. Quand la mort est refoulée ou réputée en passe de devenir évitable, on n’a que faire d’une résurrection, n’est-ce pas ?
La Résurrection ne supprime pas la mort ; elle l’engloutit dans la vie
Sauf que cet escamotage occulte une question qui ne s’évacue pas si facilement : pour quoi vit-on ? Veut-on vraiment continuer indéfiniment ? Entend-on que le temps s’arrête pour nous et tant pis pour les autres ? La liberté n’est-elle irréversiblement acquise que si tout se fige ? La vie peut-elle s’épanouir dans une immobilité aussi monotone qu’inaltérable ?
La réanimation des cadavres du frère de Marthe et de Marie ou des fils des veuves de Sarepta et de Naïm indique assez clairement que la mort n’est pas une bonne chose et qu’elle est même un scandale, en raison des souffrances qu’elle inflige non seulement à ses victimes, mais encore à leurs proches. Cependant, la résurrection de Jésus, qui fait suite à une mort particulièrement injuste et atroce, ne répare pas seulement un mal en l’effaçant. D’abord, elle n’est pas provisoire. Et si elle est une victoire, ce n’est pas par magie, par intervention arbitraire d’un pouvoir surnaturel, mais en révélant que la vie ne se garde pas, mais se reçoit et se donne. Sa dynamique est la transmission. C’est parce que le Christ donne pour nous sa vie reçue de son Père selon la volonté et le dessein de celui-ci qu’il ne la perd pas définitivement et qu’elle lui est rendue. Rien n’est gommé : au contraire, le Ressuscité porte les marques et les plaies de sa Passion.
Pâques est inséparable de la Croix. La Résurrection ne supprime pas la mort ; elle l’engloutit dans la vie qui est reçue et consiste à se donner. Pâques fait saisir que la mort n’est que la fin d’une vie qui ne peut rêver que de pétrification, et que vivre vraiment, c’est se recevoir pour se donner, sans rien garder – donc s’appauvrir et, d’une certaine façon, mourir un peu chaque jour. Ce n’est pas l’anéantissement, la disparition ; c’est l’absorption de la mort dans la vie, la révélation en termes humains du secret ultime : l’élan dans lequel le Père donne tout à son Fils, et le Fils, en lui rendant tout, émet avec lui leur Esprit qui à son tour transmet l’intelligence de cette vitalité parfaite, parce que sans crispation ni rigidité, et permet d’y être associé.
La joie de Pâques, c’est celle qu’inspire la bonne nouvelle que la mort n’est pas forcément la fin, mais peut être le moyen d’entrer, par la grâce de Dieu, dans la vie que la gratuité du partage et de l’échange affranchit de toute limite.