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Entre la Passion selon saint Matthieu et selon saint Jean de Bach, laquelle choisirez-vous ?

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Caroline Becker - published on 11/03/16
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Monuments sonores vibrants et harmonieux, les Passions de Bach nous invitent à revivre les derniers pas de Jésus jusqu’à la crucifixion.

En cette période de préparation aux célébrations de Pâques, comment passer à côté des traditionnelles "Passions" de Jean-Sébastien Bach qui nous accompagnent avec douleur mais aussi émerveillement vers le Vendredi Saint. Ces "Passions" qui évoquent la souffrance de Jésus sur le chemin de la crucifixion s’appuient sur les différentes étapes décrites dans le récit des évangélistes : la cène - la trahison de Judas – l’arrestation – le reniement de Pierre – le procès – la crucifixion. Si aujourd’hui le récit de la Passion est présenté sous la forme d’une simple lecture lors du Vendredi Saint, au temps de Bach, il était mis en musique et durait plusieurs heures !

Bach écrivit cinq passions dont seulement deux sont parvenues jusqu’à nous : La Passion selon saint Jean et celle selon saint Matthieu à double chœur. Impossible de résumer ces deux grands chefs d’œuvres en quelques lignes… Nous nous attarderons donc seulement sur les chœurs introductifs qui ouvrent de manière magistrale ces deux monstres de la musique sacrée. Si différents soient-ils l’un de l’autre, ces deux chœurs nous préparent de façon active au récit qui va suivre et nous plonge instantanément dans le drame. En faisant mémoire des souffrances et de la mort du Christ, la musique amplifie la lecture du récit évangélique. Si Bach n’a jamais écrit d’opéras à proprement parler, ses Passions s’en rapprochent fortement : des récits tragiques où se mêlent récitatifs, chœurs et arias des plus expressifs. Le résultat obtenu par Bach n’est pas comparable aux autres passions allemandes de son époque qui étaient beaucoup plus mesurées et plus sages.

La Passion selon saint Jean : l’angoisse du calvaire

S’il y a bien un mot pour définir le chœur d’entrée de la Passion selon Saint Jean c’est le terme « angoisse ». Dès les premières mesures, Bach nous plonge dans une atmosphère inquiétante, tendue, oppressante. Les ténèbres semblent prendre place et le cœur serré par la pression qui monte, nous ressentons déjà toutes les douleurs que le Christ va endurer. C’est bien l’image du Christ souffrant qui porte sa croix qui apparait tout de suite à nos esprits. Après l’introduction instrumentale qui nous plonge dans un environnement lourd, le chœur entre dans un cri déchirant : "Herr unser Herrscher…" "Seigneur, notre maître, montre-nous par ta Passion […] que tu seras glorifié jusque dans ta plus grande humiliation".

Cette atmosphère angoissante est produite par l’introduction instrumentale qui commence par la répétition de croches à la basse comme une sorte de martèlement (violoncelles, basson, contrebasse) mais également au niveau du continuo à l’orgue qui marque un temps sur deux. Cette note répétée donne un sentiment de marche angoissante et interminable… elle semble symboliser la volonté divine du sacrifice auquel le Christ ne peut échapper. La montée inéluctable vers le Golgotha… Le motif ondulant des violons répété inlassablement ajoute au caractère angoissant de la musique. Ce mouvement tourbillonnant des cordes, le compositeur Olivier Alain le comparait à de grandes vagues : "C’est la marée des larmes du monde", disait-il. Et il avouait avec humilité qu’il ne pouvait écouter cette introduction sans y verser quelques larmes. Enfin, au-dessus, sublimes, planent des haut­bois et des flû­tes qui se croisent et créent des dis­so­nan­ces et des harmonies expres­si­ves absolument poignantes.

La Passion selon saint Matthieu : la grande Passion

Pour beaucoup, La Passion selon saint Matthieu fait indéniablement partie des plus belles œuvres jamais composées et demeure en quelque sorte le "sommet" de toute l’œuvre de J-S Bach. Dans la Passion selon saint Matthieu, le Christ apparaît plus humain tandis que dans saint Jean, il est représenté davantage comme le Fils de Dieu venu accomplir le mystère de la Rédemption. Cette Passion est exceptionnelle par son ampleur mais aussi par l’emploi du double chœur en introduction. À l’inverse du chœur introductif de saint Jean qui plonge directement dans les ténèbres, celui de saint Matthieu est plus majestueux, plus grandiose. Le chœur se présente de manière tout à fait originale avec un premier chœur symbolisant la Fille de Sion dialoguant avec le "chœur des croyants" invité à contempler le Christ. Un second chœur constitué d’enfants vient se superposer de manière subtile au dialogue déjà instauré et entonne le choral "O Lamm Gottes unschuldig" "Dieu quand sous la croix tu défailles".

Chœur et choral
– Chœur
Viens, ô peuple, vois mes larmes,
C’est lui ! – Qui ? – Ton fiancé.
Voyez ! – Quoi ? – L’agneau divin.
Voyez ! – Quoi ? – Vois sa douceur.
Voyez ! – Quoi ? – Vois nos péchés.
Voyez tous le Bien-Aimé
Sur la route du calvaire.

– Choral (Chœur d’enfants)
Dieu, quand sous la croix tu défailles,
Tu pries encore pour ceux
Qui t’ont frappé,
Qui te raillent.
Ô Christ, Sauveur des âmes,
Espoir, divine flamme.
Nos voix t’implorent, ô Jésus !

Nous ne pouvons résister à l’envie de vous partager cette version de 1971 par Karl Richter. Certains trouveront cette interprétation encore trop "romantique" surtout lorsque nous la comparons à des versions actuelles dans un pur "style baroque". Malgré tout, cette interprétation demeure une des plus expressives qui existe et l’émotion qu’elle procure nous plonge immédiatement dans le drame de la Passion. Pour une version plus "baroque", l’enregistrement de Nikolaus Harnoncourt qui nous a quittés il y a quelques jours demeure une référence.

Avec Bach, les traditionnelles Passions atteignent des sommets inégalés. La période de Pâques est le moment idéal pour les redécouvrir lors des multiples concerts proposés autour de la Semaine Sainte. Laquelle choisirez-vous ? Saint Jean ou saint Matthieu ? N’hésitez pas à nous faire partager vos préférences !

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